La retraite par capitalisation s’invite dans le débat sur la réforme

La retraite par capitalisation s’invite dans le débat sur la réforme Source: AFP
Les interrogations sur le projet de sixième réforme du régime des retraites depuis 1993 incluent pour la première fois la question des systèmes par capitalisation, même si Emmanuel Macron affirme que ce n’est pas prévu (illustration).
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Bien que le président de la République affirme le contraire, certains hommes politiques, cercles de réflexions et syndicalistes sont convaincus que le projet de réforme prépare la transition vers un système de retraites par capitalisation.

Traditionnellement exclue en France par un large consensus politique, la question d’une évolution progressive du système actuel de retraite par répartition vers un système par capitalisation a fait son apparition dans le débat sur le projet de réforme. Dès septembre 2018, le quotidien L’Opinion, a publié une tribune du Millénaire, un «think tank qui travaille au renouvellement idéologique de la droite» et qui proclamait en titre : «Retraite par capitalisation : la fin d’une tradition française, les inégalités en plus.» Les auteurs y avançaient aussi que «le système à points équiva[lait], dans les faits, au système de retraite à l’américaine, par capitalisation».

Cette impression que la réforme du système français masque une marche vers un modèle célèbre pour avoir ruiné, aux Etats-Unis, les retraités d’Enron en 2001 au terme d’une faillite frauduleuse, est de plus en plus largement partagée. Ainsi, en milieu de semaine, le patron de la Confédération française de l’encadrement (CFE-CGC) déclarait dans une interview accordée au quotidien La Tribune : «Le projet de Macron est de casser la retraite par répartition.»

Le 9 octobre, sur la chaîne LCI, Adrien Quatennens, député La France insoumise de la première circonscription du Nord, avait dit à peu près la même chose avec d’autres mots en estimant que le système par point était le meilleur moyen d’ «encourager le chacun pour soi et la capitalisation». 

Lapsus présidentiel

Le doute semble s’être installé jusque dans le cerveau de l’initiateur du projet, le président de la République lui-même. Le 22 novembre, lors d’une interview sur BFMTV, Emmanuel Macron expliquait que la réforme avait pour but de «bâtir un nouveau système par points qui préserve la retraite par capitalisation… par répartition pardon». Un lapsus relevé par Ruth Elkrief qui lui demandait alors : «Vous auriez peut-être aimé faire une retraite par capitalisation ?» Emmanuel Macron démentait catégoriquement en affirmant, sous forme de menace : «Beaucoup de gens qui manifestent ne se rendent pas compte que c’est ce qu’ils sont en train de privilégier.»

Pourtant, dans les replis du gouvernement, on commence à soulever la question. C’est ce qu’a fait Gabriel Attal dans l’émission Politiques à Table de la chaine parlementaire (LCP), le 28 novembre. Le ci-devant élu du Parti socialiste passé à La République en marche et aujourd’hui secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Education nationale et de la Jeunesse assénait : «Il y a une étude qui est très importante […] et qui montre que pour la première fois dans l’histoire, il y a une partie des Français qui sont favorables à la capitalisation plutôt qu’à la répartition, et cette partie, c’est les jeunes».

Cette étude datant de la fin septembre 2018 a été réalisée à partir d'un échantillon de 3 000 personnes par l’IFOP, pour le compte de la Fondation pour l’innovation politique, un cercle de réflexion néo-libéral. Selon cette enquête d’opinion, 64% des Français demeurent favorables à la répartition contre 36% favorables à la capitalisation – du jamais vu en effet.

Bataille de sondages en vue

Quelques mois plus tard, en février 2019, le Cercle français de l’épargne publie une autre étude également confiée à l’IFOP et reposant sur un échantillon de taille identique mais donne d’autres résultats : 42% des Français y sont favorables à un système exclusivement basé sur le système par répartition, 45% favorables à un système introduisant une partie de capitalisation et 12% favorables à un système exclusivement basé sur la capitalisation.

Contacté pour nous expliquer ces résultats qui peuvent sembler contradictoires au profane, Jean-Philippe Dubrulle, directeur adjoint des études politiques à l’IFOP explique : «Le résultat d’un sondage n’est jamais que la réponse à une question donnée.» Il ajoute que le premier sondage n’a pas offert le choix d’une réponse intermédiaire et que le second, qui lui semble «plus honnête, mais avec une multitude guillemets autour de ce mot», ne pose pas la question de la proportion de capitalisation qui serait introduite dans ce système mixte.

Or, ce point est essentiel, car tous les économistes, quelle que soit leur orientation, comprennent qu’ajouter une part de capitalisation dans un système de retraite, sans augmenter le montant global des cotisations obligatoires, ne peut conduire qu’à fragiliser le système par répartition.

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