La Commission européenne pourrait s’opposer au rachat des chantiers de l’Atlantique par Fincantieri
Après s’être opposé à la fusion des activités ferroviaires d’Alstom et Siemens au nom de la concurrence, Bruxelles menace l’acquisition par le groupe public italien Fincantieri des Chantiers de l’Atlantique annoncée fin 2017.
La Commission européenne a ouvert, le 30 octobre, une enquête approfondie sur le rachat annoncé fin 2017 des Chantiers de l'Atlantique (ex-STX France) par l'italien Fincantieri, qui pourrait nuire à la concurrence dans la construction navale, au risque d'irriter Rome et Paris.
«L'opération envisagée est susceptible d'avoir une incidence négative sur la concurrence dans le domaine de la construction de navires de croisière, au détriment des millions d'Européens qui partent en vacances de croisière chaque année», explique la commissaire européenne à la Concurrence Margrethe Vestager, citée dans un communiqué de la Commission. L’exécutif bruxellois explique que cette opération réduirait le nombre d'acteurs sur un marché déjà très concentré. Or, Bruxelles juge «peu vraisemblable» qu'un nouvel acteur apparaisse «en temps utile et de manière crédible pour compenser les éventuels effets négatifs de l'opération».
Ce rachat risque, par conséquent, d'entraîner «une réduction du choix», «une moindre incitation à l'innovation» et surtout «une hausse des prix» à laquelle même «les gros clients» ne pourront pas faire face. L'exécutif européen dispose désormais de 90 jours ouvrables, soit jusqu'au 17 mars 2020, pour prendre une décision. A l'annonce de cette enquête, le ministère français de l’Economie et des Finances a souligné dans un communiqué que la France restait «très attachée au projet de rapprochement» entre les deux groupes.
«La consolidation du secteur de la construction navale européenne est indispensable pour renforcer sa compétitivité et pour dégager les ressources nécessaires qui financeront l'innovation face aux concurrents, notamment chinois», ajoute le ministère. Le groupe Fincantieri avait exprimé dès mardi soir, son désaccord avec la décision de l'UE, si celle-ci venait à être confirmée réagissant à des informations parues dans la presse italienne évoquant cette enquête.
La Commission se penche depuis le mois de janvier sur l'opération, à la demande des autorités de la concurrence française et allemande. Cette annonce avait alors fait grincer des dents en Italie.
Surprise de l'Italie
«Cela me semblerait étrange qu'il y ait des obstacles et des contraintes à cette excellence italienne», avait déclaré à l'époque le chef du gouvernement italien, Giuseppe Conte, se disant «surpris» par cette instruction. Un éventuel rejet de la fusion entre les Chantiers de l'Atlantique et Fincantieri pourrait placer une nouvelle fois sous le feu des critiques la commissaire Margrethe Vestager, déjà mise en cause en février par Paris et Berlin pour avoir opposé son veto au projet de fusion des activités ferroviaires du français Alstom et de l'allemand Siemens.
La France et d'autres partenaires européens réclament depuis que la prochaine Commission, qui doit prendre ses fonctions le 1er décembre, révise les règles de la concurrence, afin de favoriser l'apparition de champions européens. Margrethe Vestager sera vice-présidente exécutive au sein de la nouvelle équipe, avec toujours la Concurrence dans son escarcelle.
La reprise des Chantiers de l'Atlantique – établis à Saint-Nazaire (Loire-Atlantique) – par Fincantieri prévoit que le groupe italien détienne 50% du capital, plus 1% supplémentaire prêté par l'Etat français. Ce feuilleton avait commencé en 2016 lorsque STX France, alors seule unité rentable du Coréen STX Offshore & Shipbuilding, avait été mis en vente pour cause de redressement judiciaire.
Fincantieri, contrôlé par l'Etat italien et seul candidat à la reprise, avait alors obtenu le feu vert du gouvernement français sous François Hollande. Mais Emmanuel Macron, fraîchement élu président de la République, avait demandé en mai 2017 à revoir la participation française à la hausse, visant une répartition à parts égales. Cette proposition avait été rejetée par Rome – les Italiens insistant pour détenir 51% du capital et le contrôle du conseil d'administration – avant que les deux pays ne trouvent un compromis en septembre 2017.