Face au problème des Américains accidentels, des députés envisagent un rapport de force avec les USA
Des députés français envisagent de dénoncer un accord passé avec les Etats-Unis. Il permet à leur administration fiscale d’assujettir des binationaux auxquels les banques redoutent d’ouvrir des compte par crainte de sanctions financières.
Problèmes bancaires, tracas administratifs, menaces de redressement fiscal ou de poursuites, c’est le calvaire que vivent des milliers de Français à cause de l'accord franco-américain Fatca (Foreign Account Tax Compliance Act-Loi sur la conformité fiscale des comptes étrangers).
Possédant la nationalité américaine parce qu’ils sont nés dans ce pays qui applique un droit du sol intégral, ils se trouvent dans l'illégalité du point de vue du fisc américain, faute de lui avoir déclaré leurs revenus. Et cela, même s’ils n’ont jamais travaillé aux Etats-Unis, et, dans certains cas, y ont très peu vécu.
«Si aucune avancée n'intervient, la dénonciation de l'accord Fatca doit être considérée comme une option parfaitement envisageable», écrivent les co-rapporteurs de la Mission d’information sur l’assujettissement à la fiscalité américaine des Français nés aux Etats-Unis dits «Américains accidentels», les députés Marc Le Fur (LR, Côtes d'Armor) et Laurent Saint-Martin (LREM, Val-de-Marne).
Se retirer d'un accord bilatéral, «ça se veut "l'arme atomique"», a admis le Républicain Marc Le Fur au cours d'une conférence de presse, ajoutant : «Cela n'est pas notre souhait mais il y a une telle disproportion dans la réciprocité que la question se posera.»
L'extraterritorialité de la justice américaine évoquée une fois de plus
«Nous voulons aussi que ce rapport soit un lanceur d'alerte d'une problématique qui est beaucoup plus générale, c'est-à-dire la propension des Etats-Unis à vouloir conférer à certaines de leurs normes internes une vraie portée mondiale, dont certains Français peuvent devenir des victimes collatérales», a dénoncé de son côté le député de La République en Marche Laurent Saint-Martin. Mais les commissions des affaires étrangères et des finances de l’Assemblée nationale ont déjà produit en 2016 un sanglant Rapport sur l'extraterritorialité de la législation américaine, sans entraîner de réaction notable de l’exécutif.
C'est particulièrement palpable si vous allez sur les banques en ligne [...] On vous demande de cocher votre pays de naissance, et si ce sont les Etats-Unis, ça bloque
Appliquée par la France depuis 2014 en vertu d'un accord bilatéral, la loi Fatca, vise à lutter contre l'évasion fiscale et autorise Washington à réclamer des informations aux banques sur leurs clients américains, quel que soit leur lieu de résidence. Mais cet accord est contesté depuis plusieurs années par l'Association des Américains accidentels (AAA), qui a introduit un recours devant le Conseil d'Etat pour l'annuler.
La «priorité», selon les auteurs du rapport, est «d'imposer aux banques de cesser toute discrimination» à l'encontre des Américains accidentels. En refusant de leur ouvrir un compte lorsque ces derniers sont amenés à déclarer être une «US person» sans pouvoir produire un numéro fiscal que la plupart du temps ils ignorent, les banques françaises et plus généralement d’Europe, contreviennent aux lois européennes.
Mais elles redoutent bien plus la loi américaine qui peut leur infliger de lourdes amendes sur leurs transactions avec les Etats-Unis, où la plupart ont des intérêts et des filiales.
Une architecture internationale de #sanctions imposée au nom de la sécurité des #EtatsUnis#Economie
— RT France (@RTenfrancais) 24 avril 2019
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Cités par l’AFP les auteurs du rapport racontent : «C'est particulièrement palpable si vous allez sur les banques en ligne et que vous observez comment on ouvre un compte. C'est assez radical. On vous demande de cocher votre pays de naissance, et si ce sont les Etats-Unis, ça bloque».
Le rapport demande à l'Etat de fournir à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) le pouvoir «d'enjoindre aux institutions financières de motiver leurs décisions de rupture ou de refus de relations contractuelles avec les particuliers affichant des "indices d'américanité"».
La «proposition la plus percutante»
Ils proposent enfin que les frais administratifs de renonciation à la citoyenneté américaine soient ramenés à 400 dollars (autour de 360 euros), contre plus de 2 000 dollars aujourd'hui.
«Ce rapport ouvre une nouvelle étape qui va permettre au gouvernement français et à la Commission européenne de s'appuyer sur cette base-là pour essayer de trouver une solution aux Américains accidentels», espère Fabien Lehagre, président de l'AAA.
Selon lui, l'idée de «ne pas se fermer la porte à la dénonciation du Fatca est [...] la proposition la plus percutante [car] elle peut forcer les Américains à se pencher sur le problème.»
Le député LREM Laurent Saint-Martin, confie même à l’AFP que pour attirer l'attention du président Trump, il a publié une dizaine de tweets, et «espère qu'il y en a un qui va lui arriver».