La Russie veut faire des Nouvelles routes de la soie un intégrateur politique et social de l’Eurasie
Invité d’honneur du Forum des Nouvelles routes de la soie le 25 avril à Pékin, Vladimir Poutine devrait plaider pour que le projet d’infrastructure serve l’unification de l’espace eurasiatique de l’Europe orientale à l’Océan pacifique.
Le 21 avril dernier, Li Hui ambassadeur de Chine en Russie prenait la plume dans le quotidien officiel du gouvernement russe, Rossiïskaïa gazeta et annonçait la participation de Vladimir Poutine, en tant qu'invité d'honneur, au 2e Forum des Nouvelles routes de la soie qui se tient à Pékin du 25 au 27 avril.
L'ambassadeur chinois déclarait aussi : «La Russie est un allié et un partenaire important de la Chine concernant la promotion de la coopération internationale dans le cadre de l’initiative "Une ceinture, une route". Elle a été portée par l'approfondissement constant des relations sino-russes et a renforcé la structure de coopération existante entre les deux pays.»
Le président russe a déjà participé en mai 2017 à la première édition de ce Forum qui devrait rassembler cette année près de 5 000 représentants de 150 pays parmi lesquels une quarantaine de chefs d'Etats déjà associés au projet d’infrastructure. Seront également présents, de nombreux dirigeants d’organisations internationales comme la présidente du Fonds monétaire international(FMI) Christine Lagarde et le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres.
Lors de sa première intervention au forum, le 14 mai 2017, Vladimir Poutine avait tout particulièrement insisté sur deux points : l’intégration des routes de la soie dans le système de coopération eurasiatique, et la place stratégique de la Russie dans le projet d’infrastructure chinois.
Dès 2015, la Chine et l’Union économique eurasiatique (UEE) – qui rassemble l’Arménie, la Biélorussie, le Kazakhstan, le Kirghizistan et la Russie – sont convenus d’harmoniser le projet d’infrastructures internationales que constituent les nouvelles routes de la soie au niveau du continent eurasiatique. La première étape de ce processus a été la signature, en mai 2018, d’un accord de coopération commerciale et économique entre l’UEE et la Chine qui entre en vigueur cette année.
Trois alliances qui renforcent le rôle pivot de la Russie
La coopération économique et politique de la zone eurasiatique repose aussi sur l’Organisation de coopération de Shangai (OCS) qui regroupe aujourd’hui, en plus de la Chine, de la Russie et de quatre Etats d’Asie centrale (Kazakhstan, Ouzbekistan, Kirghizistan et Tadjikistan) l’Inde et le Pakistan. Cette structure est également liée à l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC) qui s’étend jusqu’au Caucase et aux portes de l’Union européenne en associant la Biélorussie, l’Arménie à la Russie et à trois Etats d’Asie centrale.
Dans son discours au premier Forum des routes de la soie, Vladimir Poutine avait plaidé pour que cette chaîne de partenariats acquière une dimension la plus large possible et avait expliqué : «La Russie ne voit pas l’avenir du partenariat eurasiatique comme un simple établissement de nouveaux liens entre Etats et économies. Ce partenariat doit aussi modifier le paysage politique et économique du continent, apporter la paix, la stabilité, la prospérité et une nouvelle qualité de vie.»
Il avait aussi rappelé la place de la Russie dans cet ensemble en déclarant : «Il faut lever les restrictions aux infrastructures dans une perspective d’intégration et créer un système de corridors de transports interconnectés. La Russie avec sa situation géographique exceptionnelle est prête à cette entreprise commune.»
La Russie n'a pas officiellement rejoint les routes de la soie
Paradoxe ultime, la Russie n’est pas officiellement partenaire du méga-projet d’infrastructures chinois, même si elle le soutient.
Du point de vue politique, il est important que la Russie participe au projet chinois non pas comme un Etat de plus, mais comme le leader de l’Union économique eurasiatique
Interrogé le 22 avril par le quotidien russe Nezavissamaïa Gazeta, Vitali Mankievitch, président de l’Union russo-asiatique des industriels et entrepreneurs propose une explication à cette contradiction apparente : «Du point de vue politique, il est important que la Russie participe au projet chinois non pas comme un Etat de plus, mais comme le leader de l’Union économique eurasiatique.»
C'est d'ailleurs à Moscou que Kassym-Jomart Tokaïev le président par intérim et vraisemblable futur président du Kazakhstan, a effectué sa première visite officielle à l'étranger, le 3 avril. Or, le Kazakhstan, 9e plus grand pays au monde, est un élément hautement stratégique de la partie terrestre des nouvelles routes de la soie. Il accueille le nœud logistique ferroviaire de Khorgos par où transitent les marchandises entre la Chine et l'Europe.
Mais, face à la grandissante influence de la Chine concernant la réorganisation des liaisons dans la zone eurasienne, le gouvernement russe a annoncé fin 2018 son propre méga-projet de construction et modernisation d'infrastructures d'ici 2024. Il est doté d'un budget prévisionnel de près de 6 350 milliards de roubles (environ 88 milliards d'euros) dont 10% seront consacrés à l'amélioration des liaisons autoroutières de l'axe Europe-Chine.
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