GM&S : Retrouver du travail à 150km ? Gérard Collomb ne voit «pas le problème» grâce au TGV
Venu sur le plateau de BFMTV en TGV, le ministre de l'Intérieur a estimé que les longues distances ne sont pas problématiques. Si les salariés de GM&S ne peuvent parcourir 150km pour un nouvel emploi, ce serait avant tout une question de «liaison».
Cela partait sans doute d'une bonne intention : afin d'amortir le choc qu'avait pu susciter la sortie d'Emmanuel Macron le 5 octobre dernier au sujet du «bordel» causé par des manifestants de GM&S, Gérard Collomb, ministre de l'Intérieur, a voulu livrer son analyse de la situation dans laquelle se trouvent les salariés du groupe sur le plateau de BFMTV le 8 octobre. Quelque peu maladroit, son commentaire a réamorcé une polémique qui était en train de s'estomper.
«Il y a des endroits où on ferme les usines, mais des endroits où on crée des emplois, et ces emplois ne sont pas pourvus. Pourquoi ils ne sont pas pourvus ?», s'est interrogé le ministre en évoquant le sort des salariés de GM&S à La Souterraine (Creuse), qui devront retrouver du travail, quand la fonderie Constellum d'Ussel (Corrèze) peine à recruter. «Pour plusieurs raisons [...] ici, c'est vraisemblablement un manque de liaison», a-t-il poursuivi.
Derrière le terme un peu vague de «liaison», le ministre de l'Intérieur voulait en réalité évoquer la question de la mobilité. Le département de la Creuse, où se trouve le site de GM&S, est en effet mal connecté aux autres régions françaises par le réseau de transports publics. C'est là qu'il faudrait, selon Gérard Collomb, chercher l'une des racines du problème du chômage.
Pour étayer son propos, l'ancien maire de Lyon ajoute : «Ce n'est pas le problème de 180 kilomètres. Si vous êtes reliés par une autoroute ou une voie ferrée qui vous permet d'y aller... Je viens de Lyon, je n'ai pas de problème pour venir chez vous parce qu'effectivement, il y a des liaisons.»
Le ministre ne précise cependant pas que les billets de TGV comme les péages d'autoroutes coûtent parfois cher et que, s'il est venu donner une interview un dimanche à Paris en sa qualité de ministre, les salariés de GM&S devront faire au moins dix trajets par semaine pour aller travailler quotidiennement. Son analyse ne prend pas non plus en compte le fait que, même performant, un réseau de transport ne résout pas le problème de l'extrême concentration des activités économiques et particulièrement industrielles dans certaines villes.
Une réaction jugée «déconnectée des réalités»
Pour de nombreux internautes, la solution proposée par Gérard Collomb tendrait à prouver que ce dernier serait «déconnecté des réalités».
Quand t'es complètement déconnecté de la réalité : @gerardcollomb suggère aux employés GM&S d'aller bosser en TGV.https://t.co/M3fMQIHU1J
— Bastien Parisot (@BastienParisot) 9 octobre 2017
Pour d'autres, c'est surtout la question du coût de la solution proposée par le ministre qui interroge sur ses propres pratiques.
eh les #GGRMC quand tu u as le SMIC tu crois que tu peux te payer 180km aller retour
— Michel l'insoumis (@stopwarplaylove) 9 octobre 2017
qui paye le TGV à Collomb?
des fois je me demande... https://t.co/CzeEUVXbRg
L'indignation est partagée par plusieurs internautes qui soulignent les conditions avantageuses dont jouit Gérard Collomb en tant que ministre pour se déplacer.
Ce qu'il oublie Collomb, c'est que certains ont +de 55 ans ! 4 heures de route/jour, c'est une INSULTE !
— INDIGNEE25 (@INDIGNEE25) 9 octobre 2017
Lui, a un logt à Paris, TGV payé...
Pour ironiser sur la sortie du ministre, d'autres feignent de le prendre au pied de la lettre et se prennent à rêver d'une ligne de TGV entre Creuse et Corrèze.
#Collomb annonce la création d'une ligne TGV entre La Souterraine et Egletons#GMS#GM&S pic.twitter.com/5IWSwJxWdu
— laurent gallois (@laurentgallois) 9 octobre 2017
La ville d'Ussel, où se trouve la fonderie Constellium, est distante de 150 kilomètres de La Souterraine, comme le rappellent d'autres internautes irrités par la déclaration de Gérard Collomb.
Collomb Paris/Lyon gratos en TGV trouve normal que les GM.S aillent journellement de La Souteraine à Ussel (150 km)pour bosser. Surréaliste
— pharos (@ChandelonR) 9 octobre 2017
Retrouver du travail à 150km : un sacrifice nécessaire?
Le commentaire de Gérard Collomb s'inscrit dans la droite ligne de la remarque faite par Emmanuel Macron qui, au-delà de la polémique qu'elle a provoquée, révélait surtout une vision du monde du travail que le président de la République s'emploie à défendre. Selon celle-ci, le fait que la fonderie Constellium, située en haute Corrèze, peine à pourvoir quelques 18 postes vacants rend difficilement compréhensibles les plaintes des salariés de GM&S qui, dans le département voisin, se retrouvent au chômage.
«Il reste 18 postes à pourvoir à Ussel. Nous sommes prêts à examiner tous les CV, y compris ceux qui viendraient de GM&S», confirme à La Montagne Jean-Baptiste Foisel, responsable de la fonderie corrézienne Constellium. Son carnet de commandes tourne pourtant à plein régime et un plan d'investissement de 3,5 millions d'euros, qui devrait permettre d'augmenter les capacités de production, a déjà été annoncé. Constatant une inadéquation entre offre et demande au sein d'une même région, Gérard Collomb comme Emmanuel Macron en conclut donc logiquement que l'absence de mobilité des salariés est un frein au développement économique et un facteur du chômage.
Cette question de fond semble éludée par la polémique à laquelle se livrent Emmanuel Macron et Gérard Collomb d'un côté, et de l'autre, ceux que leurs propos ont choqué. Pour ces derniers, la mobilité a ses limites et refuser de faire 300 kilomètres de trajet par jour n'est pas un caprice. D'autant que le problème est loin de se limiter à la seule question du transport. «On peut proposer des choses à des gens qui sont à 140 km d’Ussel, mais pour eux, c’est souvent très difficile d’envisager un déménagement... Il faut se pencher sur leur mobilité : l’hébergement, la scolarisation des enfants, le travail du conjoint... », concède Jean-Baptiste Foisel.
Néanmoins, Constellium a d'ores et déjà entamé des discussions avec les collectivités locales et la région, afin de permettre à des salariés de travailler sur le site, même s'ils devaient venir d'un autre département. La mise à disposition par la commune d'Ussel, hors saison touristique, de logements situés à proximité de l'usine est même à l'étude. De telles solutions résoudraient le problème du transport : reste à savoir si les salariés de GM&S consentiront à concevoir leur lieu de résidence comme une contingence pouvant s'adapter aux nécessités de la production ou s'ils préféreront encourager une meilleure répartition de l'activité économique dans leur région.