Mémoire nationale en Namibie : le génocide des Héréros et des Namas et l’enjeu des réparations allemandes

Pour la première fois, la Namibie consacre un jour national au souvenir du génocide colonial des Héréros et des Namas, tandis que les demandes de réparations adressées à l’Allemagne restent non satisfaites, malgré les gestes symboliques annoncés.
La Namibie vient d’inscrire dans son calendrier une journée nationale de commémoration en hommage aux victimes du génocide des Héréros et des Namas, tués par les troupes coloniales allemandes entre 1904 et 1908. Plus d’un siècle après ces massacres, le pays prend enfin un acte officiel de mémoire, salué pour sa portée symbolique mais critiqué pour son absence de réparation concrète.
Les chiffres sont terrifiants : environ 65 000 Héréros et 10 000 Namas ont péri dans ce que les historiens considèrent comme le premier génocide du XXᵉ siècle. La révolte des Héréros en 1904, suivie de celle des Namas, a été écrasée dans le sang par l’armée allemande, notamment sous l’ordre d’extermination signé par le général Lothar von Trotha. Beaucoup ont fui vers le Botswana, mais peu ont survécu.
En 2021, l’Allemagne a reconnu ces atrocités comme un génocide et promis un fonds de développement de 1,1 milliard d’euros sur 30 ans. Cependant, ce geste est jugé largement insuffisant par les chefs traditionnels Héréros et Namas, pour qui il s’agit d’une démarche purement symbolique, sans réelle compensation pour les descendants des victimes. Plusieurs représentants ont d’ailleurs boycotté la cérémonie du 28 mai, dénonçant le manque de réparations.
Cette date a été choisie car elle coïncide avec la fermeture des camps de concentration ordonnée à l’époque coloniale. Pour les communautés concernées, cet acte de mémoire est important mais ne remplace pas la justice attendue. Le chef Héréro Hoze Riruako souligne que ces événements préfigurent l’horreur de la Shoah, mais restent méconnus du grand public. Selon l'un des descendants de survivants, Charles Kakomee Tjela, il est urgent d’intégrer ce chapitre douloureux dans les programmes scolaires namibiens pour sensibiliser les jeunes générations.
La présidente Netumbo Nandi-Ndaitwah a reconnu les difficultés des négociations en cours avec l’Allemagne, ouvertes depuis 2013, et affirmé la nécessité d’aboutir à un accord équitable pour les communautés touchées. Pour la presse nationale, la reconnaissance allemande réitérée le 28 mai constitue un progrès politique, mais elle reste largement incomplète sans dimension réparatrice. Comme le rappelle l’homme politique namibien McHenry Venaani : « Ce n’est pas d’argent dont nous parlons, mais de justice ».