Fouiller Thiaroye, guérir l’Histoire : le massacre des tirailleurs au centre de la Journée de l’Afrique à Dakar

Fouiller Thiaroye, guérir l’Histoire : le massacre des tirailleurs au centre de la Journée de l’Afrique à Dakar© LAPI
Tirailleurs sénégalais, à Dakar (Sénégal), en 1942. (Photo d’archives)
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À Dakar, la Journée de l’Afrique a été marquée par un appel fort au devoir de mémoire. Lors d’un débat public, des voix issues de la société civile et des autorités sénégalaises ont insisté sur l’importance de reconnaître le massacre de Thiaroye en 1944 comme une plaie coloniale non refermée et sur l’urgence d’une justice réparatrice.

Le 24 mai à Dakar, à la veille de la Journée de l’Afrique, un débat public a ravivé les mémoires enfouies du massacre de Thiaroye, perpétré par l’armée coloniale française le 1er décembre 1944. Ce jour-là, des dizaines de tirailleurs africains démobilisés furent abattus alors qu’ils réclamaient leur solde, après avoir combattu sous le drapeau tricolore.

Ce souvenir douloureux a été remis au centre des préoccupations par des voix engagées, comme celle d’Ousseynou Ly, ministre conseiller et porte-parole de la présidence sénégalaise : « C’est un devoir de mémoire mais aussi un devoir moral envers les familles des tirailleurs. Nous ne devons pas attendre que d’autres le fassent à notre place », a-t-il déclaré au micro de RT en français.

Le ministre a confirmé, par la même occasion, la poursuite des fouilles archéologiques dans les cimetières de Thiaroye, amorcées à l’occasion du 81ᵉ anniversaire du massacre. L’objectif est clair : établir les faits, rendre justice, et sortir ces vies sacrifiées de l’ombre de l’oubli.

Reconnaissance historique et introspection

Pour Désiré Assogbavi, conseiller africain à l'Open Society Foundations, cette démarche s’inscrit dans un processus plus vaste : « Il s’agit de rassembler les générations autour du devoir de mémoire et de définir un cadre pour la réparation. Mais en demandant justice, il faut aussi que l’Afrique se regarde elle-même : elle est aujourd’hui le théâtre d’une vingtaine de conflits », explique-t-il à notre correspondant à Dakar, Pape Ibrahima Ndiaye.

Ce double appel – à la reconnaissance historique et à l’introspection – a été relayé par Yacine Niasse, étudiante en droit, pour qui la mémoire va de pair avec une renaissance culturelle : « Reconstruire notre identité passe par la transmission des savoirs africains. Faire réparation, cela commence par nous. »

À travers Thiaroye, c’est toute une histoire occultée qui revient en surface. Une histoire qui demande à être dite, transmise, réparée. Car sans mémoire, il n’y a ni justice, ni avenir.

Épisode sombre

Le massacre de Thiaroye, survenu le 1er décembre 1944 au Sénégal, est un épisode sombre de l’histoire coloniale française. Il s’agit de la répression sanglante d’anciens combattants africains (les Tirailleurs sénégalais) par l’armée coloniale française. Ce jour-là, les forces coloniales françaises avaient tiré sur des tirailleurs rapatriés des combats en Europe, non seulement sénégalais mais provenant aussi d’autres pays africains, qui réclamaient le paiement d’arriérés de solde.

Ces soldats africains avaient combattu pour la France pendant la Seconde Guerre mondiale, et avaient été capturés par les Allemands en 1940 avant d'être libérés en 1944. À leur retour en Afrique, ils réclamaient le paiement de leurs soldes et indemnités promises par la France, ainsi que de meilleures conditions de vie. Face aux promesses non tenues, une mutinerie éclate dans le camp militaire de Thiaroye, près de Dakar.

En réponse à cette protestation pacifique, l’armée française ouvre le feu sur les tirailleurs désarmés. Après ce massacre, plusieurs survivants sont arrêtés, jugés et emprisonnés.

Zones d’ombre

De nombreuses zones d’ombre subsistent en ce qui concerne les circonstances de ce massacre, le nombre de tirailleurs tués, leur identité, le lieu de leur inhumation. Les chiffres exacts du nombre de morts restent flous. Les autorités françaises de l’époque avaient admis la mort de 35 personnes, tandis que d’autres sources estiment qu’il y a eu entre 100 et 300 victimes. Plusieurs historiens avancent par ailleurs un nombre de victimes bien plus élevé, jusqu’à 400.

Pendant longtemps, la France a minimisé ou occulté cet événement. Ce n’est qu’en 2012 que le président français François Hollande a reconnu officiellement la responsabilité de la France et rendu hommage aux victimes. En 2022, un rapport sénégalo-français a recommandé une reconnaissance plus large et une réhabilitation des tirailleurs exécutés ou emprisonnés.

Ce massacre est aujourd’hui un symbole des injustices coloniales et de l’ingratitude envers les soldats africains qui ont combattu pour la France. Cet événement résonne encore aujourd’hui, surtout dans le débat sur la mémoire coloniale et le traitement des anciens combattants africains.

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