Tunisie : les pénuries alimentaires risquent de se multiplier, selon Fitch Solutions
Fitch-Solutions, spécialisé dans les services d’information financière, estime dans son dernier rapport publié fin octobre que la Tunisie pourrait faire face à une multiplication des pénuries alimentaires au cours des années à venir.
Lait, sucre blanc, café, riz, … Plusieurs denrées alimentaires manquent ou sont rationnées en Tunisie depuis 2022. L’entreprise Fitch-Solutions a publié fin octobre son dernier rapport sur les perspectives en matière de pénuries alimentaires qui prévoit une dégradation de la situation dans le pays nord-africain avec une multiplication des carences au cours des années à venir.
Fitch-Solutions, filiale du groupe Fitch, spécialisé dans les services d’information financière, a souligné qu'il existant un déséquilibre croissant entre offre et demande en Tunisie.
L’économiste tunisien et professeur à l’Université du Québec au Canada, Moktar Lamari, prévoit précisément «une trajectoire ascendante de la demande alimentaire en Tunisie, avec des hausses annuelles frôlant les 10% par an, dans de nombreux groupes de produits de consommation face une offre nationale inélastique et archaïque, qui n’a pas suivi le changement de la demande».
Des gains de productivité du travail «négatifs ou nuls», selon un économiste
Cette croissance de la demande est influencée, d’après le même rapport, par des changements intergénérationnels dans les habitudes alimentaires, avec à la clef des hausses de prix. En effet, sur le plan démographique, la croissance de la population tunisienne n'a été que de 0,8 % en 2023. L'alimentation demeurent une part importante dans le budget des ménages tunisiens, qui y consacrent en moyenne 30% de leur budget.
«Cette réalité nous apprend, aussi, que les hausses de prix ne vont pas se calmer d’ici peu, et ces hausses moyennes vont osciller de 7 à presque 12%, par an, pour les 5 prochaines années, alors que les hausses de salaires n’excèdent pas les 3% par an, en terme nominal», a souligné Moktar Lamari, cité par l'agence TAP.
Concernant l’offre, Lamari met en lumière que «le secteur agro-alimentaire n’arrive pas à se moderniser et à innover suffisamment pour intensifier» sa production et ainsi garantir davantage «à moindres coûts». «Les gains de productivité du travail sont négatifs ou nuls dans les différentes branches et filières de production», a-t-il assuré, d’après la même source.
«L'inflation alimentaire ruine le pouvoir d’achat» des Tunisiens
«Les cultures et les productions agroalimentaires demeurent sensibles aux changements climatiques et sécheresses à répétition, a précisé le professeur. Les exportations d’huile d’olive, de fruits de mer, de dattes et d’agrumes procurent à l’économie nationale de précieuses sources de devises», a-t-il notifié.
«Cependant, les importations (céréales, sucre, café, fruits, semences, produits de traitement, équipements, technologies, …) constituent un facteur déterminant dans les hausses des prix, alimentant une inflation importée à effet multiplicateur sur la plupart des filières agroalimentaires. Cette inflation alimentaire ruine le pouvoir d’achat et pénalise surtout la classe moyenne et les populations urbaines», a conclu Lamari.
Les politiques agroalimentaires en Tunisie doivent, d'après l'économiste, se réorienter vers l'offre et encourager la productivité agricole pour réduire la dépendance alimentaire ainsi que les risques liés aux chocs extérieurs.