Algérie-Maroc : les échanges commerciaux au plus bas depuis près de 25 ans
Les échanges économiques entre les deux pays maghrébins ont chuté de 62% entre 2022 et 2023 pour atteindre leur niveau le plus bas depuis 1999. Un commerce bilatéral plombé par la rupture des relations diplomatiques annoncée par Alger en 2021.
Alors que le commerce transfrontalier retrouve son rythme de croisière entre la Tunisie et la Libye, avec la récente réouverture du passage de Ras Jedir, la situation économique est radicalement différente entre l'Algérie et le Maroc.
Les relations commerciales entre ces deux pays du Maghreb boitillent depuis leur divorce diplomatique en août 2021. Annoncée par Alger, en raison de certains désaccords, notamment la question du Sahara occidental, cette rupture n’est pas une première dans les relations entre l'Algérie et le Maroc. Ces dernières avaient déjà été rompues en 1976, cette fois à l'initiative de Rabat, également sur fond de conflit au Sahara occidental.
D'après l'Office des changes marocain (OC), la valeur des échanges économiques entre l'Algérie et le Maroc a plafonné à 1,3 milliard de dirhams (0,12 milliard d’euros) en 2023. Une chute de 62% a été observée par rapport à 2022, soit son niveau le plus bas depuis 1999.
Au cours de l'année dernière, les importations marocaines en provenance d’Algérie ont diminué de 62%, pour s’établir à 650 millions de dirhams (environ 61 millions d’euros). Et vice-versa. Les exportations marocaines vers l’Algérie ont également diminué de 18%, à 653 millions de dirhams, a rapporté le 11 juin le site Maghreb Online, d'après les chiffres communiqués par l'OC.
Le commerce transfrontalier entre le Maroc et l'Algérie avait atteint en 2021 près de 6,9 milliards de dirhams (650 millions d'euros), dont 5,8 milliards représentaient des importations marocaines. En deux ans seulement, la différence observée est spectaculaire. Cependant, ce tournant économique existait bel et bien avant la rupture diplomatique.
Un tournant économique maghrébin au profit des échanges avec l'Europe
«Les échanges commerciaux entre le Maroc et l’Algérie étaient faibles avant même la rupture des relations diplomatiques due à la fermeture des frontières pendant des décennies», note le professeur marocain de relations internationales à l’Université Cadi Ayyad et président de l’Organisation d’action pour le Maghreb, Idris Lakrini, cité par Maghreb Online.
Ce décalage commercial affecte non seulement l'économie des deux pays, mais impacte toute la région du Maghreb. Les pays maghrébins «jonglent majoritairement avec l’Union européenne, délaissant ainsi des opportunités économiques régionales potentielles», soulève-t-il. Cette situation entraîne une sorte de «gaspillage économique majeur», selon ses dires, bénéficiant en revanche aux partenaires européens.
Dans le cadre d'un rapport élaboré en mai 2024 par l'Observatoire du Maghreb de l'Institut de relations internationales et stratégique (Iris), intitulé «La rupture Algérie-Maroc : un test majeur pour la coopération euro-méditerranéenne», Yasmine Ketfi souligne que «la rupture des relations diplomatiques entre l'Algérie et le Maroc a constitué un séisme géopolitique majeur dans la région du Maghreb». Ses conséquences auraient fragilisé les équilibres régionaux, impactant de «manière significative les relations bilatérales entretenues avec les pays européens, notamment la France et l'Espagne», met en avant l’analyste algérienne en stratégie internationale.
Dans le même contexte, Jean-Michel Huet, associé Afrique au sein du cabinet de conseil BearingPoint, révèle que «l’Espagne et le Maroc échangent 30 fois plus que le Maroc et l’Algérie».
Enfin, un rapport de la Banque mondiale indique que si «une réelle intégration entre les deux pays avait lieu, les PIB de l’Algérie et du Maroc augmenteraient respectivement de 35% et 30% en dix ans», selon Jeune Afrique.