Mali et Russie : vers un partenariat renforcé
Le ministre malien des affaires étrangères, Abdoulaye Diop, s'est rendu à Moscou le 28 février. La rencontre a reflété l'entente grandissante entre Moscou et Bamako.
Donner un nouvel élan aux relations bilatérales, c’était l’objectif clé de la visite du ministre malien des Affaires étrangères à Moscou, Abdoulaye Diop. «Nous sommes là pour réitérer l’engagement des plus hautes autorités maliennes pour renforcer la relation bilatérale stratégique entre la Russie et le Mali», a-t-il déclaré lors de la rencontre du 28 février 2024.
Les négociations ont porté sur presque tous les domaines de la coopération bilatérale : agriculture, énergie, enseignement, transport, technologies informationnelles. Des paroles qui vont bientôt se matérialiser dans les actes. Un groupe de travail commun va se réunir en avril de cette année afin de tracer la voie vers la réalisation des projets communs.
Autre détail important : le ministre malien des Affaires étrangères est arrivé à Moscou avec son homologue de la Défense. Un point guère étonnant sachant qu’il s’agit d’un domaine clé de la coopération bilatérale. La partie russe ne cache pas l’ampleur de cette coopération. «La capacité de défense du Mali se renforce grâce au travail de nos instructeurs, aux formations sur le territoire de la Fédération de Russie pour l’armée malienne et grâce à la fourniture de matériels [militaires] russes», a déclaré Sergueï Lavrov lors de leur conférence de presse conjointe ce mercredi.
Kidal libérée grâce à la coopération militaire avec Moscou
Les résultats sont là. En novembre 2023, l’armée malienne a libéré la ville de Kidal, considérée il y a peu comme le foyer des groupes rebelles. Une victoire d’ampleur qui est devenue possible notamment grâce à la coopération militaire avec Moscou. «Tous les résultats qui ont été acquis sur le plan sécuritaire l’ont été : 1. à cause du changement du paradigme sécuritaire du Mali d’une part ; 2. à cause aussi du choix des partenaires que nous avons diversifiés. Nous nous sommes tournés vers la Russie », a déclaré Abdoulaye Diop lors d’une interview exclusive à notre chaîne.
En effet, la seconde raison découle directement de la première. Alors de quel paradigme s’agit-il et pourquoi en avoir changé ?
Sur le plan sécuritaire, la MINUSMA, censée maintenir la paix dans le pays, n’a pas répondu aux attentes de la population malienne. Au contraire, le départ de la MINUSMA n’a fait qu’améliorer la situation. «Depuis le départ de la mission, nous contrôlons notre territoire et le niveau général d’insécurité a baissé», a déclaré le ministre malien des Affaires étrangère lors de son interview exclusive à RT en français.
De vieux amis, une nouvelle alliance
De grands changements ont été également constatés dans la situation géopolitique de la région à la suite de la décision du Mali, du Burkina Faso et du Niger de se retirer de la CEDEAO. Une décision bien réfléchie, selon Abdoulaye Diop. «Nous avons progressivement vu que certains partenaires qui sont hostiles au Mali sont venus pour utiliser ces organisations pour atteindre leurs objectifs et pour reprendre pied dans le Mali et dans d’autres pays qu’ils ont perdus», a-t-il déclaré dans l'entretien exclusif qu'il nous a accordé.
Le blocus au lieu de la main tendue : le ministre a jugé illégale l’attitude de la CEDEAO vis-à-vis de son pays. «Quand il y a eu un changement au Mali, la CEDEAO a décidé de fermer toutes les frontières du Mali. Aucun bien ne rentre, ne sort. Les banques du Mali ont été fermées. Nos avoirs ont été confisqués», a déclaré le chef de la diplomatie malienne.
C’est dans ces circonstances que le Mali se tourne vers la Russie. Outre une multitude d’intérêts communs, les deux pays partagent une vision commune sur les processus géopolitiques qui se passent à l’échelle mondiale, notamment l’émergence d’un monde multipolaire. «Fondamentalement, nous pensons qu’il faut aller vers un monde multipolaire, vers le monde dans lequel l’Afrique et d’autres entités géographiques émergées puissent avoir leurs voix dans le souci de pouvoir peser sur les sorts politiques et économiques du monde», a indiqué Abdoulaye Diop.
La multipolarité dans le domaine des médias est tout aussi importante, selon le chef de la diplomatie malienne. «Nous sommes aujourd’hui carrément au cœur d’une guerre informationnelle qui, malheureusement, fait souvent plus de morts que les guerres, que les armes que détiennent les militaires», a déclaré Abdoulaye Diop à RT en français. Dans ce contexte, le ministre malien juge indispensable de créer des mécanismes qui pourront mieux faire entendre la voix de l’Afrique.
Pour conclure, la Russie et le Mali ont une vision géopolitique similaire, leurs échanges se multiplient alors que la coopération humanitaire et, surtout, celle en matière de défense se développe. La visite d’Abdoulaye Diop à Moscou est un pas de plus vers le renforcement des liens bilatéraux. Il reste pourtant du chemin à parcourir, plus précisément, à réaliser une multitude de projets communs dans divers domaines, ainsi qu'à intensifier les échanges commerciaux.
Igor Kourachenko