Lutte antiterroriste : Lavrov dénonce le refus des Occidentaux de coopérer
Alors que l'attentat au Crocus City Hall relance le débat sur la lutte contre le terrorisme, Sergueï Lavrov est revenu le 29 mars dans une interview sur l'état de la coopération internationale dans ce domaine, y pointant le manque de volonté occidentale de coopérer avec Moscou.
«Le refus de fait [des Occidentaux] de coopérer avec nous en matière de lutte contre le terrorisme s'est produit bien avant le début de l'opération militaire spéciale», a regretté Sergueï Lavrov dans une interview accordée au journal Izvestia publiée le 29 mars. Il s'exprimait une semaine après l'attentat du Crocus City hall, dans les environs de Moscou, ayant coûté la vie à 143 personnes.
A cette occasion, il s'est étonné de l'insistance des Occidentaux à soutenir «très activement» la version selon laquelle l'Etat islamique serait le seul commanditaire et qu'il faudrait exclure toute autre complicité à commencer par celle de l'Ukraine.
«La non implication de l'Ukraine est martelée et cela devient une obsession», a-t-il considéré, assurant que Moscou attendrait la fin de l'enquête et n'excluerait aucune «piste évidente» d'ici là, d'autant moins que les criminels escomptaient rejoindre l'Ukraine où des complices les y attendaient.
Une coopération avec l'UE suspendue depuis 2019
Le ministre russe des Affaires étrangères a en substance rappelé qu'à l'origine, la lutte contre le terrorisme était pourtant considérée comme un domaine «propice au rapprochement entre la Russie, l'Occident et l'Orient». Selon lui, les dirigeants des Etats-Unis, d'Europe et de Grande Bretagne plaidaient pour que cette lutte soit menée «indépendamment des désaccords politiques et économiques pouvant exister par ailleurs». Et le diplomate d'enchérir : «Et c'était le cas».
Sergueï Lavrov a regretté les difficultés dans la coopération avec l'Union européenne, que la Russie a passé «de longues années» à convaincre de la nécessité de créer un mécanisme dédié au partage de renseignements. Ce fut chose faite en 2018 mais la dernière réunion s'est tenue en 2019, après quoi, a indiqué le diplomate, «ils n'ont plus manifesté le moindre intérêt ». Des contacts étaient néanmoins maintenus.
«Washington n'est pas prêt à une coopération active», selon Antonov
Le chef de la diplomatie russe a attesté de l'existence de contacts au niveau des services de renseignements qui, «par leur nature, restaient confidentiels». A cet égard il a cité les propos du directeur du FSB Alexandre Bortnikov, selon lequel les renseignements occidentaux ne suffisent pas toujours.
Répondant à une question d'un journaliste sur le refus de Moscou de laisser Interpol intervenir, le diplomate a rappelé que «jamais Interpol n'avait proposé d'enquêter sur des crimes de grande ampleur», tels que le Nord Stream ou les attentats qui avaient frappé la Russie au début des années 2000. Par conséquent, la Russie n'a pas accepté les services d'Interpol proposés «quelques heures à peine» après qu'Américains et Européens ont déclaré que l'Ukraine «n'y était pour rien». «Nous nous débrouillerons tous seuls», a-t-il conclu.
La veille, l'ambassadeur russe à Washington Anatoli Antonov, interrogé sur la relance de la coopération internationale dans la lutte contre le terrorisme, affirmait que «des canaux d'échange de renseignements existaient» et qu'ils continueraient à fonctionner. En revanche, il a estimé qu'«aujourd'hui l'administration [à Washington] n'était pas prête à une coopération active avec la Fédération de Russie en matière de lutte contre le terrorisme».
Des instances internationales «privatisées»
Citant un récent rapport annuel d'experts du comité consultatif d'experts sur les questions administratives et budgétaires critiquant la domination des Occidentaux dans les structures de l'ONU, Lavrov a regretté que des instances internationales censées être neutres dans différents domaines des activités humaines (la criminalité, la justice, le sport, la culture) s'avèrent «privatisées par les collaborateurs occidentaux de leur secrétariat».
Le groupe État islamique au Khorassan (EI-K) a revendiqué l'attentat ayant causé au moins 144 morts le 22 mars dans la banlieue proche de Moscou. Le 26 mars, le secrétaire du Conseil de sécurité russe Nikolaï Patrouchev et le directeur du FSB Alexandre Bortnikov ont affirmé que l’Ukraine pourrait être impliquée dans l’attaque et le 28 mars, ont indiqué que les auteurs de l'attentat avaient reçu de l'argent venu d'Ukraine. Ces affirmations vont dans le même sens que les propos du 25 mars de Vladimir Poutine, qui avait déclaré la veille que l'attentat avait été commis par «des islamistes radicaux», tout en déclarant s’intéresser aux «commanditaires».