L’écrivain Michel Collon décrypte pour RT France les aveux et les excuses de Tony Blair sur la guerre en Irak.
Ainsi donc, Tony Blair vient d’avouer. L’un des responsables de la guerre qui a dévasté l’Irak et permis le développement d’Al-Qaida et de Daesh, reconnaît enfin que tout cela reposait sur un grand médiamensonge : les «armes de destruction massive» de Saddam Hussein, prétexte alors invoqué, n’existaient pas.
Ceux qui le disaient à l’époque, à l’encontre de tous les médias mainstream, doivent-ils à présent se montrer satisfaits ?
Non. Au contraire. Pour trois raisons.
Tony Blair n’a pas été mu par un soudain élan de sincérité, mais par le fait qu’un rapport d’enquête britannique va bientôt totalement démasquer son mensonge
D’abord, ces aveux arrivent trop tard. L’Irak a été plongé en enfer par l’Occident. 1,5 million d’Irakiens en sont morts, l’économie a été détruite, le pays a été «ramené à l’âge de la pierre» comme l’en menaçaient les généreux dirigeants «humanitaires» américains, les escadrons de la mort américains (Michel Collon, Je suis ou je ne suis pas Charlie ?, Investig’Action, 2015, pp. 56-66) et la torture ont apporté la terreur, une génération d’enfants a été traumatisée à jamais et l’exil massif est encore la seule issue pour tant d’Irakiens.
Trop tard aussi parce que Tony Blair n’a pas été mu par un soudain élan de sincérité, mais par le fait qu’un rapport d’enquête britannique va bientôt totalement démasquer son mensonge. Il prend les devants pour essayer de se protéger encore.
Ensuite, Tony Blair continue à mentir : «Je présente des excuses pour le fait que les informations données par les services secrets étaient fausses». Pardon : les informations que vous, Tony Blair, avez fait fabriquer par vos services ! Ce n’est pas pareil. Ce ne sont pas les services de renseignement, mais bien votre duo infernal «Bush et Blair» qui a organisé cette tricherie !
En effet, les néocons derrière George W. Bush avaient décidé d’attaquer l’Irak bien avant 2000. Donald Rumsfeld avait annoncé en automne 2001 que l’Irak allait «être pris» tout comme d’autres pays du Moyen-Orient et l’Afghanistan. L’objectif était stratégique : faire main basse sur le pétrole et recoloniser toute la région.
En réalité, les «armes de destruction» ne furent que le prétexte fabriqué pour vendre cette guerre à l’opinion. Un autre prétexte avait d’abord été essayé : présenter Saddam Hussein en complice d’Al-Qaïda et donc des attentats du 11 septembre. Mais c’était tellement grossier (Saddam Hussein avait lutté sans merci contre Al-Qaïda et figurait sur la liste de leurs cibles !) que cela fut vite remplacé par un médiamensonge plus vendable.
Tony Blair décide donc, à la place des Irakiens, que la destruction de leur pays et la terreur de Daesh sont un moindre mal
Tony Blair ment aujourd’hui encore. Comme son patron, George W. Bush, qui lui aussi s’était abrité derrière «les services» pour se justifier. Le 3 décembre 2008, à la fin de la présidence Bush, j’ai eu l’occasion de participer à un débat télévisé en compagnie de Robert Baer, ancien agent de la CIA. L’animateur Frédéric Taddéï présente en vidéo les «regrets» de George W. Bush lors de ses adieux et nous demande notre avis :
- Bush (l’air tout triste) : «Mon plus grand regret, c’est la défaillance du renseignement en Irak. J’aurais voulu que le renseignement se comporte différemment».
- Baer (indigné) : «Il ment ! Il ment 100% ! J’étais chef de service au Moyen-Orient, un type est venu et nous a dit en 1995 : "Saddam a détruit toutes les armes". Bush ment !» (Ce Soir ou jamais, France 3, 3 décembre 2008).
- Moi-même : «Ils ont obligé les services avec des chantages et des pressions à déposer de faux rapports. Bush voulait cette guerre qui avait été décidée depuis longtemps pour contrôler le pétrole».
Aujourd’hui, Tony Blair reprend donc cette vieille ligne de défense éculée : «C’est pas moi, c’est les services !» Mais un scientifique britannique, David Christopher Kelly, employé du ministère de la Défense, expert en guerre biologique et inspecteur de l'ONU en Irak, avait informé la BBC que ces armes de destruction massive n’existaient plus et que Blair avait falsifié le rapport de ses services. Peu après, Kelly fut retrouvé «suicidé» dans des circonstances suspectes. Il avait déclaré à un ami que si l'Irak était attaqué, il serait «probablement retrouvé mort dans les bois».
Pour couronner sa mauvaise foi, Tony Blair prétend que la guerre de 2003 était quand même une bonne chose : «Je trouve difficile de m’excuser d’avoir renversé Saddam Hussein». Il décide donc, à la place des Irakiens, que la destruction de leur pays et la terreur de Daesh sont un moindre mal. L’arrogance coloniale est toujours là. Les «aveux» de l’ex-Premier ministre britannique mentent sur l’essentiel.
Et là, j’en viens à ma troisième critique : Blair oublie de dire que le coup des «armes de destruction massive», il l’avait déjà fait quelques années plus tôt contre un autre pays. Cela passa comme une lettre à la poste dans tous les médias et dans l’opinion. C’est ce que nous verrons dans le prochain article…
A SUIVRE :
«Armes de destruction massive» ?
Tony Blair avait déjà fait le coup contre un autre pays.
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