Selon Anne-Sophie Chazaud, philosophe et essayiste, plus le temps passe et plus les mesures du pouvoir semblent relever du «fake» tant dénoncé par ses propres prometteurs, du simulacre de démocratie dans la gouvernance de l’extrême centre macronien.
Les institutions ont été vidées de leur substance les unes après les autres, le Parlement n’est plus qu’une chambre d’enregistrement, la justice ne veille plus que dans un lointain souvenir à la protection des libertés des citoyens, les contre-pouvoirs n’existent plus et, lorsque c’est le cas, comme par exemple avec les réseaux sociaux ou les médias indépendants, l’on s’empresse d’essayer de les étouffer. C’est à présent au tour du référendum de faire l’objet de sa réduction au statut de simulacre, de gadget masquant à grand-peine la dérive anti-démocratique du régime.
Emmanuel Macron a en effet décidé de mettre en place un référendum visant à introduire les notions de biodiversité, d'environnement, de lutte contre le réchauffement climatique dans l'article 1 de la Constitution, sachant que la protection de l’environnement figure déjà dans la Constitution.
Outre l’aspect creux et redondant du procédé, et par ailleurs éminemment récupérateur d’une thématique électoraliste en vogue, l’on ne peut que s’étonner de ce que le choix de la consultation directe des citoyens porte sur ce sujet hautement consensuel, quand la gouvernance macronienne se caractérise par tant de sujets de profonde discorde.
Un référendum sur la réforme des retraites ? N’y pensez pas ! Un référendum sur l’extension de l’initiative citoyenne dans le processus législatif ? Populistes, Gaulois réfractaires et haineux ! Un référendum sur la submersion migratoire ? Xénophobes ! Un référendum sur l’islamisme ? Islamophobes ! Un référendum sur les lois de bioéthique ? Réactionnaires, ringards ! Un référendum sur l’Europe qui ne serait pas foulé aux pieds dans la minute suivante ? Souverainistes ! Un référendum sur la restriction tous azimuts de nos libertés fondamentales ? Trop démocratique ! Un référendum sur le projet de loi hautement discriminatoire et liberticide visant à pérenniser l’état d’urgence sanitaire et à créer des catégories de citoyens de seconde zone ? N’y pensez même pas !
Ce sera donc, dans la caverne de Platon où tout n’est que simulacre, un référendum pour savoir si l’eau ça mouille et si tout le monde aime les bébés phoques.
Nul doute qu’on espère ainsi, comme à chaque fois, occuper la galerie pour pouvoir, ce faisant, continuer de détruire le pays et ce qu’il reste de l’Etat/nation-Providence, comme avec, par exemple, ce projet de livrer EDF à la prédation néo-libérale, comme on tenta de le faire avec ADP (ce qui a échoué non pas grâce à un référendum populaire mais du fait unique de la crise sanitaire et de son impact sur le marché aérien).
L’Absurdistan, cache-sexe du Tyrannistan et de la dictature sanitaire en marche, soyons-en certains, n’a pas perdu le (pôle) Nord et n’a pour seul objectif que d’estourbir les citoyens en les faisant prendre part à des mesures gadgets, secondaires, quand le cœur du patrimoine français, qu’il soit culturel, industriel, économique, est livré aux bons amis (donneurs d’ordre de cette gouvernance) ou aux mauvais larrons de passage.
La question que l’on est en droit de se poser de plus en plus fréquemment, au rythme où vont les choses dans cette dérive antidémocratique sur fond, pour le moment, de relative apathie citoyenne, est cette interrogation capitale de La Boétie dans son Discours de la servitude volontaire: «Qui garde le tyran quand il dort ?».
Anne-Sophie Chazaud