Le grand discours du 14 Juillet d'Emmanuel Macron devait marquer un tournant majeur. L'essayiste Eric Verhaeghe, fondateur du site d'information sociale Tripalio, y voit surtout un coup d'épée dans l'eau.
Emmanuel Macron a attiré sur lui une quantité colossale de pression et d’attentes en annonçant depuis plusieurs semaines un grand discours du 14 Juillet qui devait marquer un tournant majeur dans le quinquennat. De discours, il n’y en a pas eu, celui-ci ayant été remplacé par une interview télévisée. De tournant majeur, il n’y en a pas eu non plus, avec une mosaïque de mesures techniques inspirées par le seul souci apparent de retarder le moment où la crise créera du mécontentement dans l’opinion. Mais peut-on encore croire aux promesses de raser gratis que fait un Macron manifestement usé ?
Une chose est sûre, en tout cas, le miracle n’a pas eu lieu. A l’issue de son interview télévisée où la forme a une fois de plus pris le pas sur un fond dont aucune idée forte ne se dégage, Emmanuel Macron a fini de convaincre qu’il n’avait guère de vision novatrice pour «renverser la table» et pour recoudre les liens que ses trois premières années de quinquennat ont rompus au fil des semaines. Interrogé par des ténors plutôt complaisants, il a égrené des mesures techniques comme le ferait un chef de bureau à Bercy, mais on n’a pas vu saillir la vision large et ambitieuse du chef de guerre qu’il prétend être.
Macron promet de raser gratis
Le président n’a pas opéré de virage écologique. Il n’a repris clairement à son compte aucune proposition saillante de la convention citoyenne, sinon une réforme constitutionnelle qu’il a très peu de chances d’obtenir. Pour le reste, il a parlé d’une «écologie du mieux» qui n’a rien de révolutionnaire et manquera forcément de rupture pour les adeptes du genre.
Il n’a pas plus proposé de vision novatrice pour demain. Sa stratégie est tout entière défensive : dépenser de l’argent public pour «soutenir» l’activité, ce qui se traduit essentiellement par du chômage partiel de longue durée.
Au fil des mots, on comprend que Macron promet beaucoup d’argent pour éviter les effets de la crise, tout en promettant de ne pas augmenter les impôts pour combler les déficits.
Macron compte beaucoup sur l’Allemagne
La clé de voûte de ses promesses repose sur la conviction que l’Europe, c’est-à-dire l’Allemagne, va payer. Selon le Président français, l’accord franco-allemand de la mi-mai permettra à la France de financer sa politique sociale sans limite.
Nous avons déjà eu l’occasion de dire combien cette conviction est friable. Un conseil européen doit aborder la question vendredi 17 juillet, et Angela Merkel a déjà annoncé qu’elle doutait de pouvoir trouver un accord. Rappelons qu’initialement la chancelière allemande avait l’ambition de boucler ce dossier avant sa prise de présidence de l’Union. Passé sous les radars français, l’accord informel entre l’Allemagne et les Pays-Bas la semaine dernière prévoit que les 500 (ou 750 selon les versions) milliards d'euros du plan franco-allemand soient versés en échange de réformes de structure.
Pour la France, cette dernière disposition explique l’empressement d’Emmanuel Macron à remettre la réforme des retraites sur le tapis. Avec des régimes sociaux aux déficits abyssaux (on parle de 30 milliards dès 2020 pour le seul régime vieillesse), on imagine mal la France bénéficier de la solidarité sans contrepartie de ses avares partenaires septentrionaux qui ont discipliné leurs finances publiques depuis de nombreuses années.
Inévitables baisses de prestations, inévitables hausses d’impôts
Bien sûr, si Macron veut réformer les retraites, en affichant clairement que le déficit qui s’annonce pose problème, ce n’est pas pour les rendre plus généreuses. S’il veut obtenir de l’argent frais pour financer le système de chômage partiel qui se met en place, il devra lâcher sur les réformes structurelles et donc réduire les dépenses du régime de retraite.
Rappelons que le système le plus simple pour y parvenir consiste à retarder brutalement l’âge de départ…
Dans le même temps, si Macron a redit qu’il n’augmenterait pas les impôts, et spécialement ceux que paient les investisseurs, ses formulations étaient suffisamment filandreuses pour ouvrir de nombreuses portes. Au demeurant, ces hausses sont déjà quasiment enclenchées, avec des mesures écologiques comme le malus sur les voitures de plus de 1 300 kg qui permettront, dans le meilleur des cas, une augmentation «saupoudrée» de la pression fiscale.
Dans le pire des cas, un train de mesures «écologiques» taxera l’immobilier, et singulièrement les propriétaires, et un autre train probablement l’épargne.
Une parole politique en sursis
Dans les prochaines semaines, les Français mesureront progressivement l’écart grandissant entre les promesses présidentielles affirmées doctement, avec une solennité surjouée qui devient agaçante, et la réalité des actes auxquels le gouvernement sera condamné pour parer à l’urgence financière. Les déconvenues risquent d’être cruelles. Et pour Emmanuel Macron l’ultime désenchantement qui commence sera fatal.
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