L’écrivain Michel Collon s’adresse au réalisateur du film «Human» Yann Arthus-Bertrand, afin de lui expliquer certaines incohérences dans son ouvrage, projeté ce soir sur France 2.
Cher Yann Arthus-Bertrand,
Après votre splendide La Terre vue du ciel, vous présentez Human, film de témoignages sur les souffrances humaines. Projeté à l’ONU, sur France 2 ce 29 septembre et visant 800 millions de spectateurs. Impressionnant !
A juste titre, vous vous indignez : «Le monde, c’est la ronde infernale de gens qui vont chercher à manger et chercher une vie meilleure dans d’autres pays». Et vous posez de bonnes questions : «Est-ce normal que la moitié des richesses du monde appartiennent à 90 familles ? Que des gens gagnent dix millions d’euros par mois ?».
Votre film est financé par la Fondation Bettencourt de L’Oréal et aidé par Google
Puis-je apporter ma petite pierre à votre débat ? Votre film est financé par la Fondation Bettencourt de L’Oréal et aidé par Google. Vous avez aussi travaillé avec Total. Un journaliste demande si ça ne vous dérange pas ? «Au contraire. Tu peux être riche et généreux. Tu peux avoir monté un système extraordinaire et vouloir changer le monde.»
En êtes-vous bien sûr ? Je pencherais plutôt vers le jugement de Victor Hugo : «C’est de l’enfer des pauvres qu’est fait le paradis des riches». Ou alors Balzac : «Derrière chaque grande fortune, se cache un crime».
Le crime de Google ? Collaborer avec la NSA et la CIA pour espionner le monde entier et briser les révoltes
Le crime de Total ? S’appuyer sur les pires dictateurs africains pour voler le pétrole et bloquer le développement de ces pays. D’où la pauvreté, d’où l’exode des réfugiés.
Le crime de Google ? Collaborer avec la NSA et la CIA pour espionner le monde entier et briser les révoltes. Comme l’a montré Ahmed Bensaada dans son livre Arabesque$ sur le rôle des Etats-Unis dans le «printemps arabe». Résultats visibles… en Méditerranée !
Blanchi à cause de sa fortune, le fondateur de L'Oréal fit main basse sur quantité de sociétés et créa un groupe de taille mondiale
Les crimes de L’Oréal ? Si nombreux qu’il faudrait… un film ! Son fondateur, le chimiste Eugène Schueller (père de Liliane Bettencourt), créa dans les années 30 l’organisation fasciste La Cagoule qui se réunissait dans son bureau professionnel, et il fut au cœur du fascisme patronal français collabo, déclarant : «Nous voulons construire la nouvelle Europe en coopération avec l’Allemagne nationale-socialiste et toutes les autres nations européennes libérées» pour empêcher les juifs «de polluer notre race». Blanchi à cause de sa fortune, il fit main basse sur quantité de sociétés et créa un groupe de taille mondiale.
Vous déplorez la pauvreté, mais vos sponsors la créent
On n’est pas responsable de son père, direz-vous. Exact, mais le mari de Liliane ne valait guère mieux. Patron français de la PropagandaStaffel, il dirigea l’hebdomadaire collabo La Terre Française écrivant : «Pour l’éternité, (les Juifs) seront maudits de tous…» Grâce à cet héritage, Liliane Bettencourt devint la femme la plus riche du monde. Pour faire le bien, dites-vous ? En finançant Sarkozy pour diaboliser les jeunes des quartiers populaires ? Pour détruire la Libye et produire ce flot de réfugiés que vous déplorez ? En étant actionnaire de Sanofi et en octroyant à son directeur, Christopher Viehbacher, 8,6 millions d’euros en 2014, soit 23.700 euros par jour ? Son mérite ? Avoir licencié quatre mille salariés en cinq ans. Vous déplorez la pauvreté, mais vos sponsors la créent.
Ses parents, on ne les choisit pas, mais ses amis ?
La pauvreté ne tombe pas du ciel, cher Yann, mais de l’exploitation. Vous dites : «Je viens d’une famille de bourgeois. J’ai des amis riches.» Ses parents, on ne les choisit pas, mais ses amis ? Peu importe qu’ils aient un peu mauvaise conscience le dimanche en allant à la messe. L’important, c’est ce qu’ils font en semaine : exploiter le travail d’autrui.
Si on essayait plutôt la Justice sociale et la fin de l’exploitation ?
Vous pensez qu’on peut compter sur la générosité des puissants ? Mais la charité existe depuis des siècles et n’a rien changé. Voler dix et rendre un, c’est un écran de fumée. Si on essayait plutôt la Justice sociale et la fin de l’exploitation ? A quand votre film sur les véritables causes de la pauvreté, du sous-développement et des guerres pour les ressources ? Ce film n’aura plus le soutien du 1%. Mais votre prestige stimulerait un débat profond parmi les seuls qui peuvent changer ce monde injuste : les 99%.
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