Sortir du confinement : faut-il choisir entre l’économie et la santé ? par Henri Sterdyniak

Sortir du confinement : faut-il choisir entre l’économie et la santé ? par Henri Sterdyniak© Ludovic MARIN Source: AFP
Le Premier ministre Edouard Philippe lors d'une séance de questions au gouvernement à l'Assemblée nationale, le lendemain de l'annonce du plan de déconfinement, le 29 avril 2020.
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A l'heure d'un déconfinement prévu le 11 mai, se pose la question de savoir si le gouvernement n'a pas eu affaire à un ultimatum : l'argent ou la santé ? Analyse par Henri Sterdyniak économiste français à l'OFCE.

La pandémie du coronavirus a placé tous les pays devant un choix délicat : privilégier la santé de la population ou assurer le maintien de la vie économique et sociale. En réalité, il n’y avait guère le choix. Partons de chiffres moyens : une personne atteinte de Covid-19 ne subit que des troubles bénins dans 80% des cas ; des troubles graves demandant une hospitalisation dans 15% des cas ; demandant une réanimation dans 5% des cas (avec un taux de mortalité de 4% sans réanimation, de 2% avec réanimation). Ceci signifie que pour un pays de 67 millions d’habitants comme la France, l’absence de confinement aurait pu entrainer 54 millions de personnes atteintes, donc un besoin de 8 millions d’hospitalisations simples et de 2,7 millions de réanimations, bien au-delà de nos capacités hospitalières. Il en aurait résulté environ 2 millions de décès, ce qui n’est pas acceptable aujourd’hui. Par ailleurs, le taux de mortalité des personnes atteintes est très différent selon l’âge : 0,2 % pour les moins de 40 ans ; 0,4% pour les 40-49 ans ; 1,3% pour les 50-59 ans ; 3,6% pour les 60-69 ans ; 8% pour les 70-79 ans et 15% pour les 80 ans et plus. On ne peut compter sur une mise au point rapide d’un hypothétique vaccin.

Une fois la pandémie déclarée, il est vite apparu que la propagation du virus dépendait de la disponibilité des masques (faible en France), de l’habitude de la population d’en porter (très faible en France), des habitudes sociales (la tradition des embrassades et poignées de main), de la disponibilité des tests (très faible en France) et de l’acceptation sociale de mesures restrictives (isolement strict des personnes contaminées, mise en quarantaine,  suivi des contacts de chaque individu). Ainsi, certains pays asiatiques (Corée du Sud, Vietnam) ont pu éviter la propagation de la pandémie ; ce ne fut pas le cas dans les pays du Sud de l’Europe, En Belgique ou en France.  La France n’a guère été capable d’organiser la mobilisation nécessaire autant en matière sociale (refus de l’isolement strict) qu’en matière industrielle (mobilisation pour fabriquer des masques et des dispositifs médicaux).

A court terme, le confinement était la seule solution. Il a des coûts importants en matière économique (de l’ordre de 3% du PIB par mois de confinement), culturelle (arrêt du spectacle vivant), éducative (fermeture des écoles), sociale. C’est une atteinte aux libertés individuelles d’autant plus que la zèle policier aboutit à des mesures vexatoires et inutiles. En même temps, la sortie du confinement est délicate. Comment éviter que la contagion ne reparte ? Comment éviter que nous soyons obligés d’alterner des périodes de confinement et de non-confinement ?

Le choix doit avant tout être guidé par des considérations morales et sociales. Certes, le patronat fait pression pour que les usines tournent le plus vite possible, que toutes les entreprises puissent rouvrir. Mais l’économie doit être au service de la société et non l’inverse. L’argument de l’équilibre financier des entreprises ne peut être pris en compte. Dans tous les centres urbains, la question des transports est le point nodal. Cela amène à préconiser un déconfinement prudent et progressif.

Dans un premier temps, ne doivent rouvrir que les entreprises indispensables, où les normes de sécurité – masques, gel, distances entre individus – sont strictement assurées . Ceci implique que les salariés (et leurs syndicats) aient un droit de véto motivé sur la reprise du travail. Les actifs qui le peuvent doivent continuer à utiliser le télétravail. Ces normes peuvent être assouplies dans les régions rurales où la question des transports collectifs ne se pose guère. Le risque, en milieu urbain, est le développement de la voiture individuelle, qui irait en sens inverse du nécessaire.

Les entreprises non indispensables doivent rester fermées tant que la question du transport n’est pas résolue. Le point délicat est que certaines activités devront se reconnaître comme telles, ce qui n’est pas évident.

La question morale essentielle concerne la discrimination selon l’âge. Il serait tentant de permettre le retour plus rapide à l’emploi des moins de 50 ans, un retour plus lent pour les plus de 50 ans, en particulier pour ceux qui souffrent de facteurs de risques spécifiques. Mais cela ne peut se faire que sur la base du volontariat.

Dans cette optique, la question des crèches, écoles, collèges, lycées peut apparaitre secondaire puisque les enfants et adolescents ont des taux de contagion et de mortalité beaucoup plus faibles que ceux des adultes. Reste à voir, sur le plan pratique, si les écoles pourront fonctionner avec uniquement du personnel de moins de 50 ans. Cependant, cela suppose aussi le maintien d’un cloisonnement entre les générations (entre les jeunes et leurs grands-parents).

Une telle stratégie suppose enfin une indemnisation satisfaisante.

Henri Sterdyniak

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