C'est donc l'un des pays les plus répressifs qui va diriger le panel du Conseil des droits de l'Homme. Michel Tubiana, défenseur des droits de l'Homme, revient sur cette nomination à un poste clé dans l'architecture juridique internationale.
RT France : Que pensez-vous de la nomination de l'Arabie saoudite à la tête du panel du Conseil des droits de l’Homme de l’ONU ?
Michel Tubiana (M.T.) : C'est toujours une surprise, et une mauvaise surprise, de voir élus au Conseil des Droits de l'Homme des pays qui sont parmi ceux qui violent le plus ostensiblement les droits de l'homme tels qu'ils sont définis par les grands textes de l'ONU. Cette nomination n'accroît pas la crédibilité de la commission des droits de l'homme et de l'ONU.
L'Arabie saoudite prend la tête, oui, prend la tête, du Conseil des droits de l'homme de l'ONU.
Ça va saigner ! pic.twitter.com/tSY2vwNgK0
— Bahar Kimyongur (@Kimyongur) 21 Septembre 2015
RT France : Qu'est-ce que cette nomination dit du fonctionnement de l'ONU ?
M.T. : Cela dit que l'ONU est l'ONU. Il ne faut pas oublier que cette organisation est une assemblée d'Etats qui à certains moments tente de faire progresser l'Humanité vers un peu plus de mieux-être. Mais en même temps, c'est une assemblée sui generis par nature. L'organisation est tenue de composer avec les Etats membres. La communuaté internationale, selon la formule consacrée, sera toujours enfermée dans ce type de contradiction. Ce qu'on peut déplorer est non seulement l'élection de l'Arabie saoudite mais également le fait que des pays aient voté pour ce pays. Cela illustre parfaitement le fait que les relations internationales sont encore guidées par des considérations d'intérêt, par des considérations de blocs géographiques, par des considérations de blocs culturels. Ces relations internationales ne sont pas guidées par ce qui est issu des Nations unies, les pactes civiques et politiques, la Déclaration universelle des Droits de l'Homme, la Convention contre les discriminations, la Convention pour l'égalité entre les hommes et les femmes,etc... Ce sont pourtant des produits du travail de l'ONU, malgré l'existence de ces pays.
RT France : Pourquoi y-a-t-il eu si peu de réactions officielles ? La plus virulente est seulement venue de l'ONG UN Watch, qui a estimé «scandaleux que les Nations unies choisissent un pays qui a décapité plus de personnes que l'Etat islamique»...
M.T. : Je vais dire quelque chose d'horrible mais je suppose que hélas, c'est la force de l'habitude. D'autres régimes, tout aussi infréquentables que l'Arabie saoudite, ont aussi par le passé accédé à ce type de responsabilité. Malheureusement, c'est une constante dont il faut tenir compte. Ce serait une erreur en revanche de s'y habituer.
Cette nomination, avec ce qui se passe en Arabie saoudite, revient à tuer plusieurs fois les mêmes victimes
RT France : L'épouse du bloggeur saoudien Raïf Badawi a estimé que cette nomination était comme une autorisation implicite à ce que son mari soit encore flagellé par les autorités de son pays. Que pensez-vous de cette déclaration ?
M.T. : Je partage évidemment cette déclaration. Cette nomination, avec ce qui se passe en Arabie saoudite, revient à tuer plusieurs fois les mêmes victimes, y compris d'un point de vue symbolique.