Passage en force de la loi Macron : le Parti Socialiste avoue sa déliquescence

Passage en force de la loi Macron : le Parti Socialiste avoue sa déliquescence Source: AFP
(PHILIPPE WOJAZER / POOL / AFP)
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RT présente l'opinion de spécialiste des questions économiques et de sécurité Jean Monjaret au sujet de la motion de censure déposée par l’opposition de droite à l’Assemblée nationale.

Comme prévu, la motion de censure déposée par l’opposition de droite à l’Assemblée nationale n’a pas rallié suffisamment de suffrages pour provoquer la chute du gouvernement de Manuel Valls hier au Palais-Bourbon. Avec 234 votes seulement en faveur de la censure alors qu’il en aurait fallu 289, soit la majorité absolue, pour que celle-ci soit adoptée, le Premier ministre français n’a pas été un seul instant mis en danger. Mais il pourrait ne s’agir que d’un sursis tant la division des forces politiques ayant porté au pouvoir  en 2012, de l’extrême gauche à une partie du centre, est désormais évidente.

La grande imposture de «l’esprit du 11 janvier» avait déjà pris fin mardi dernier à l’Assemblée nationale lorsque Manuel Valls, disposant sur le papier de la majorité parlementaire, a préféré faire passer le texte de loi de son ministre de l’économie, Emmanuel Macron, en usant de l’article 49.3. Cette marque de défiance vis-à-vis des députés socialistes «frondeurs», est significative de la profonde fracture divisant la gauche française. François Hollande et son Premier ministre s’avèrent incapables de mettre au pas un parti dont ils ont longtemps eu les commandes et à la tête duquel ils disposent d’hommes-liges, Jean-Christophe Cambadélis rue de Solférino, Claude Bartolone au perchoir et Bruno Le Roux, patron du groupe PS à l’Assemblée.

Pourtant la loi Macron, en elle-même, n’est guère révolutionnaire. Il s’agit dans les grandes lignes d’autoriser les entreprises françaises à travailler jusqu’à 12 dimanches par an (au lieu des cinq autorisés d’emblée auparavant) dans certaines zones commerciales particulièrement fréquentées. Dans les zones particulièrement touristiques, les ZTI (zones touristiques internationales), les magasins seront autorisés à rester ouverts jusqu’à minuit afin de profiter au maximum de l’afflux de clientèle étrangère. Les professions juridiques réglementées (huissiers de justice, notaires notamment) font l’objet de mesures visant à faire baisser les tarifs pratiqués et à faciliter l’installation de nouveaux professionnels au sein de ces milieux soumis jusqu’ici à un numerus clausus. Bref, autant de dispositions à l’avantage du consommateur et qui ne desservent pas –théoriquement – les salariés. Ceux-ci profiteront en effet de compensations (travail jusqu’à minuit payé double, prise en charge des frais de garde supplémentaires des enfants par l’entreprise) de nature à les motiver tout en leur assurant plus de pouvoir d’achat. Dans ce cadre on voit mal en quoi se manifeste le tournant social-libéral assumé par Manuel Valls et François Hollande. Pas de baisses massives des charges pour les entreprises, donc pas de gains de compétitivité. Pas de grande libéralisation du code du travail permettant une flexibilité accrue pour les sociétés à l’embauche comme au licenciement. Pour le patronat ce n’est pas une réforme, tout juste un premier pas timide dans le sens vers lequel il souhaite voir évoluer l’économie française.

La libéralisation partielle du travail le dimanche ne pouvait pas ne pas choquer dans un pays toujours conditionné par son double héritage marxiste et chrétien. Syndicalistes, communistes, socialistes frondeurs et conservateurs ne pouvaient que s’opposer à une telle mesure. Mais ils sont dans l’impossibilité de s’unir. Du  au Front de Gauche, il leur faudrait transgresser trop de tabous idéologiques, oublier trop de haines.

C’est précisément sur ce facteur que Manuel Valls joue pour continuer à gouverner malgré une majorité s’effritant chaque jour davantage. Il sait que les «frondeurs» du PS ne sont que des révolutionnaires de salon qui ne prendront jamais le risque d’une dissolution de l’Assemblée. Le Parti socialiste fait l’objet d’un tel rejet dans le pays que des élections législatives anticipées signifieraient la perte de leur confortable mandat de député. Rejeter la loi Macron en prenant la posture du défenseur des valeurs traditionnelles de la gauche, oui. Voter une motion de censure signifiant une longue traversée du désert, voire la fin de la carrière politique du plus grand nombre, non. D’ailleurs le Premier ministre n’a guère dissimulé hier le mépris qu’il porte aux «frondeurs» lorsqu’il a évoqué «l’irresponsabilité, l’immaturité de certains», évoquant la nécessité de faire «acte d’autorité», via le 49-3, afin de ne pas prendre le moindre risque.

Il aurait tort pourtant de s’illusionner sur sa capacité à convaincre les Français qu’il diffère sensiblement de ceux qu’il fustige. Manuel Valls, caractère catalan bouillonnant oblige, a la tentation du coup de force chevillée au corps face à l’obstacle. Pour autant, ce n’est pas ce penchant naturel vers l’autoritarisme qui fait un homme d’Etat. Et chacun sait que le Premier ministre a bâti toute sa carrière sur sa capacité à louvoyer. C’est un apparatchik, pas un leader. Etudes médiocres -une simple licence d’histoire- il ne fait pas partie de cette élite passée par les grandes écoles. C’est en se glissant dans le sillage d’hommes éminents, Michel Rocard, Lionel Jospin, en tant qu’exécuteur des basses œuvres, qu’il a gravi les échelons. Il n’a pas la personnalité pour rallier autour de lui, se bâtir un clan de brillants fidèles. Jamais il ne jouira de l’aura, du charisme, de l’autorité naturelle d’un Tony Blair ou d’un Gehrard Schröder qui, eux, ont su contraindre le Labour et le SPD à prendre le virage du libéralisme. Mais Manuel Valls y aspire-t-il seulement ? Poser la question c’est déjà y répondre, tant chacun sait que le Premier ministre a les convictions que les circonstances dictent. Et c’est précisément là que le bât blesse. Les Français, leur rejet de François Hollande en atteste, n’aspirent aucunement à être dirigés par un Président «normal». Ils veulent un chef qui gouverne, tranche, s’impose. Manuel Valls a jusqu’à 2017 pour prouver qu’il est de cette étoffe. Mais il est mal parti. Ce qui n’est sans doute pas pour déplaire à François Hollande qui, en le nommant à Matignon, lui a tendu un piège à sa manière, typiquement byzantine.

Les opinions, assertions et points de vue exprimés dans cette section sont le fait de leur auteur et ne peuvent en aucun cas être imputés à RT.

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