Alors que les agriculteurs sont en colère suite au non respect de l'accord prix dans la filière porcine, Aurélie Trouvé, numéro 2 d'Attac, estime que la France doit avoir le courage d'infléchir la politique européenne.
Les représentants du comité régional porcin breton ont une nouvelle fois dénoncé la situation «dramatique» de la filière porcine mardi. Cela intervient au lendemain du bras de fer engagé par deux gros industriels du secteur qui ont refusé d'acheter la viande au prix demandé par le gouvernement en juin. Cooperl et de Bigard/Socopa ont en effet exprimé, lundi, leur refus d'acheter à 1,40 euro le kilo, prix demandé à la mi-juin par le gouvernement pour soutenir les éleveurs en difficulté. Ils estiment pouvoir acheter du porc à un meilleur tarif en Allemagne.
Les 2000 eleveurs de la #Cooperl vont-ils accepter sans rien dire d'être payés en dessous du prix garanti en juin? #porc
— Virginie Garin (@virg_garin) 11 Août 2015
Vice présidente d'Attac, docteur en sciences économiques et maître de conférence à Agrosup Dijon, Aurélie Trouvé, auteur de Le Businnes est dans le Pré, réagit pour RT France à la crise que traverse la filière porcine.
#TAFTA Le TAFTA aura des conséquences dramatiques pour les normes agricoles et d'élevage.
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— Attac France (@attac_fr) 12 Août 2015
RT France : Quel est votre point de vue sur la crise actuelle que traverse l'agriculture française ?
Aurélie Trouvé : Il faut comprendre les agriculteurs. Il est de plus en plus difficile de survivre pour eux. Et en même temps, il existe des problèmes de fond qui demandent des réformes importantes, car on ne peut pas continuer dans cette façon de faire. Le premier problème, c'est la libéralisation des échanges. Les producteurs subissent aujourd'hui des prix très fluctuants, car basés sur des cours internationaux. Ils font aussi face à un marché très instable où une décision géopolitique comme l'embargo russe peut les mettre à la merci du marché ou de la conjoncture.
#Mistral.Rien n'est terminé.L'#EmbargoRusse continue sur les fruits et légumes,le lait et la viande porcine et bovine pic.twitter.com/LbwXLDtPQ8
— Ladislas Poniatowski (@l_poniatowski) 7 Août 2015
RT France : L'échec d'un prix minimum demandé par la France, c'est le symbole de cette libéralisation des échanges ?
Aurélie Trouvé : Bien sûr, et de l'impuissance de l'Etat français, ainsi que de l'Union européenne, par rapport à cette crise. Depuis qu'on a décidé en 1992, de démanteler la politique agricole commune pour répondre aux lois de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et à l'idéologie néo-libérale, il ne peut plus y avoir de prix minimum garanti.
RT France : C'était donc illusoire, de la part de la France, de dire aux coopératives : «Vous devez acheter le porc français à 1,40 euro le kilo» ?
Aurélie Trouvé : Totalement, car cet accord n'est absolument pas contraignant, le ministre l'a reconnu. L'industrie et les grandes surfaces auraient tort de se priver. Ces derniers sont en concurrence avec l'ensemble de l'UE, et tentent de pratiquer les prix les plus bas possible. C'est sur l'Etat qui ne contraint pas les industriels qu'il faut taper.
[#filière#porcine]Conférence de presse de @SLeFoll au @Min_Agriculture sur la situation de la filière porcine pic.twitter.com/HEOviw5xT3
— Agriculture France (@Min_Agriculture) 11 Août 2015
RT France : Aujourd'hui, au sein de l'Union européenne, la France n'a donc pas la possibilité d'imposer un prix minimum garanti ?
Aurélie Trouvé : Non, c'est illégal. Il faut donc réussir à imposer ça. Il faut aussi réussir à imposer en Europe une convergence au niveau social, car on a aujourd'hui en Allemagne des abattoirs où les ouvriers sont payés beaucoup moins que le Smic. Et forcément, les agriculteurs français ne peuvent pas rivaliser.
RT France : Autre problème souvent mis en avant, il est impossible, pour la France, d'imposer l'achat par des entreprises de porc français ?
Aurélie Trouvé : On pourrait très bien, mais il faudrait la possibilité de faire des appels d'offre locaux. Mais pour cela, il faut revoir le droit de la concurrence européen. Aux Etats-Unis, le Buy American Act permet justement cela. Il faut en revanche que la France prenne des positions courageuses pour enfreindre en partie le droit de la concurrence européen actuel. La France n'a par exemple jamais eu le courage de dire que les aides, qui sont versées par hectare, devaient avantager l'emploi et l'environnement. Mais La France ne fait rien pour infléchir la politique européenne sur l'agriculture.
l'homme pionnier des fermes à 23 000 cochons s'inquiète de la disparition de la filière porcine en France.. oh, pauvre Beulin de la FNSEA
— VYK (@OUPSI) 12 Août 2015
RT France : Pensez-vous que cette politique agricole européenne peut changer sous l'impulsion de la France ?
Aurélie Trouvé : On doit surtout veiller à ne pas que cela s'aggrave par la signature de l'accord Tafta. Il y a une grande hypocrisie du gouvernement français qui est pour cet accord, et dit de l'autre côté qu'il faut protéger l'agriculture. Mais cette dernière fait partie du mandat de négociation. C'est complètement contradictoire et cela ne va faire qu’accroître ce libéralisme.
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