Réélection d'IBK : «Ce président a montré le déclin de l'Etat malien»

Réélection d'IBK : «Ce président a montré le déclin de l'Etat malien»© Luc Gnago Source: Reuters
Ibrahim Boubacar Keïta aux urnes le 12 août à Bamako (illustration).
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Après une élection mouvementée, Ibrahim Boubacar Keïta a été reconduit dans ses fonctions à la présidence du Mali. Le nouveau mandat de ce dirigeant fragilisé se dessine dans un contexte très différent, marqué par le terrorisme, note André Bourgeot.

Avec 67,17% de plébiscite au second tour de l'élection présidentielle malienne, Ibrahim Boubacar Keïta pourrait sembler dans un fauteuil pour ce nouveau quinquennat, mais sa position est d'ores et déjà fragilisée par une participation au scrutin très faible (moins de 35% au second tour) et des accusations de fraude électorale de la part de l'opposition. A ces contestations s'ajoutent le contexte accru de terrorisme salafiste sur le territoire malien et l'implication des armées étrangères dans ce conflit, notamment de la part de la France engagée dans l'opération Barkhane et à l'initiative du G5 Sahel.

Afin de faire le point sur cette élection sous haute tension, André Bourgeot, chercheur au CNRS, a répondu aux questions de RT France.

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RT France : Ibrahim Boubacar Keïta vient officiellement de remporter la présidentielle malienne, mais son rival, Soumaïla Cissé, a annoncé qu'il rejetait ces résultats. Le pays s'achemine-t-il vers une crise politique ?

André Bourgeot : Ibrahim Boubacar Keïta a certes été élu avec 64,40% des voix, mais seulement avec un effectif d'électeurs de 34%. Le contraste avec l'élection de 2013 est saisissant, qui l'avait vu élire avec 77% de participation. C'est significatif. Peut-il représenter le peuple malien ? Le problème de la légitimité se pose, cinq ans après ce premier succès électoral.

Les circonstances politiques et militaires sont très différentes aujourd'hui. Surtout, on peut se demander quels seront ses pouvoirs pour redresser la situation chaotique du Mali. Son problème majeur, s'il veut engager une sortie de crise, il devra s'attaquer au problème de la corruption et des groupes armés salafistes et djihadistes.

Ibrahim Boubacar Keïta a généré le doute et ça se voit : un président élu comme cela, ça pose question et les Maliens ne voient pas d'espoir. Ce président a montré le déclin de l'Etat malien, malgré ses déclarations de redressement national. Il avait dit «le Mali d'abord», ses opposants estiment quant à eux que ce serait plutôt «ma famille d'abord».

Y aura-t-il des troubles ? C'est possible... Il pourrait aussi reconnaître son manque de légitimité et mettre en place un gouvernement de transition, mais c'est peu probable et, avec les soupçons de fraude électorale qui pèsent sur le scrutin, il rencontrera quoi qu'il advienne une opposition très forte... La démocratie élective sans électeurs, cela pose problème !

RT France : Cette élection est-elle une bonne nouvelle pour les relations franco-maliennes ?

André Bourgeot : Ce n'est pas vraiment une nouvelle. Il y a eu une évolution dans la politique française au Mali entre l'ère de François Hollande et celle d'Emmanuel Macron en tout cas, c'est certain. Emmanuel Macron a montré qu'il prenait ses distances avec l'implication française au Mali. C'est le signal qu'envoie notamment le G5 Sahel. Cette option permet à la France de se désengager en s'appuyant sur l'implication d'autres armées étrangères.

RT France : Aucun calendrier n'est prévu pour le retrait de la force Barkhane, mais la force du G5 Sahel n'est pas encore pleinement opérationnelle. Les soldats français présents au Mali sont-ils partis pour rester encore plusieurs années ?

André Bourgeot : En tout état de cause, je ne vois pas prochainement un retrait réel de Barkhane. On peut prévoir, éventuellement, un léger recul du nombre d'effectifs mobilisés sur place si de nouvelles forces étrangères viennent soutenir l'opération. Il est à noter que l'ONU et les Etats-Unis se sont tenus à l'écart du conflit. C'est significatif et cela pose également la question récurrente de l'opportunité d'une force armée européenne. Par ailleurs, l'Algérie ne participe pas non plus, alors que c'est un grand pays frontalier.

De même, l'attaque qui a eu lieu au quartier général du G5 Sahel à Sévaré le 29 juin est symboliquement forte. A chaque fois que des forces européennes se réorganisent, les djihadistes ripostent. Le G5 Sahel est une action pérenne, mais elle renforce la présence d'armées étrangères sur le territoire malien et de ce fait, elle profite aux djihadistes, pas à l'opposition politique. 

RT France : Faut-il revoir la stratégie militaire mise en place pour lutter plus efficacement contre le phénomène du terrorisme djihadiste au Mali ?

André Bourgeot : Il faut a minima la repenser, car les mesures d'ordre sécuritaire qui ont été prises ont échoué. De plus, le Niger et le Burkina, voisins, sont également impactés. Il s'agit d'un conflit transfrontalier dorénavant. Le problème des frontières est crucial dans ce conflit.

RT France : L'Algérie ne souhaite pas intervenir militairement au Mali. Mais Alger et Paris coopèrent-ils néanmoins suffisamment dans cette région dans le cadre de la lutte contre le terrorisme ?

André Bourgeot : Il n'y a pas vraiment de collaboration entre la France et l'Algérie, car ce pays ne fait pas partie du G5. S'il y a des échanges, c'est plutôt de l'ordre du renseignement militaire. L'Algérie a été sollicitée par le G5, mais elle ne souhaitait pas servir de strapontin dans le cadre de cette opération. Et on peut les comprendre ! De graves erreurs ont été commises, même si elles ne sont pas toutes imputables à l'ère de François Hollande. Une part de la responsabilité revient également au Mali.

Par ailleurs, les accords de paix d'Alger n'ont pas été discutés à l'Assemblée malienne et la création annoncée d'un Sénat n'a jamais été suivie d'effets, on peut donc se poser la question suivante : quid de la démocratie ? En tout état de cause, si Ibrahim Boubacar Keïta n'affiche pas une volonté de s'appuyer davantage sur le peuple malien, il ne pourra pas envisager une vraie sortie de crise.

Antoine Boitel

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