Alors qu'ont lieu les débats sur la loi sur les fake news, l'écrivain et reporter français Jacques-Marie Bourget, pourfendeur assidu de la censure et de la désinformation, revient sur la mise en demeure de RT France par le CSA.
En général, le pouvoir profite du Tour de France pour jouer un tour à la France. Pour prendre des mesures scélérates : décision attentatoire aux libertés, diminution du revenu des plus pauvres, bombardement exotique, Liban, Irak, Libye, Mali, Syrie, pour faire comprendre aux indigènes qu’ils doivent rester à leur place, celle du mort. Aujourd’hui un autre chloroforme planétaire est proposé à la rescousse, le «Mondial» de foot. C’est peut-être pour cette raison que le peuple français a peu protesté contre la dernière mesure prise par le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA), alors qu’il vient d’interdire l’activité de toutes les chaines de télévision émettant en France !
Je vous vois, lecteur vétilleux et honnête, hurler à la «fake news», et aussi contre mon modeste moi, décrit comme ayant abusé du savennières… Vous vous trompez, dans un édit qu’il a cloué à son pilori d’internet, le CSA a bien publié une règle qui coupe le sifflet, et les images, à toutes «nos» télés. Pour faire simple je vous livre un extrait du texte, écrit à la tronçonneuse collective, par la tête de gondole qui dirige ce Conseil «Supérieur», fort d’un demi-millier de «sages» payés chaque mois. La loi du CSA, l’outil de censure qui autorise l’expression à la télévision et à la radio, est la suivante :
«Les journalistes, présentateurs, animateurs ou collaborateurs d’antenne veillent à respecter une présentation honnête des questions prêtant à controverse et à assurer l’expression des différents points de vue» ; que l’article 2-3-6 relatif à l’honnêteté de l’information et des programmes prévoit notamment que : «L’exigence d’honnêteté s’applique à l’ensemble des programmes […]. [L’éditeur] fait preuve de rigueur dans la présentation et le traitement de l’information. Il veille à l’adéquation entre le contexte dans lequel des images ont été recueillies et le sujet qu’elles illustrent.» … Stop, n’allons pas plus loin, la fête de la liberté est finie. Si l’on applique l’exigence de nos pères et mères fouettards, tous les écrans seront noirs et les radios diffuseront du Michel Legrand, ce qui va être pénible. Avouez que je ne suis pas tombé dans le «fake», et vous ai démontré que la pénurie d’informations nous attend. Car bien sûr, le CSA va abattre, affûtée, sa faux sur le faux, celui de toutes les chaînes. Quand j’écris «faux», c’est bien sûr pris du point de vue d’un certain Olivier Schramek qui préside cette PME qui administre la vérité.
N’étant pas Hitchcock je ne vais pas vous faire trembler plus longtemps. La conduite d’airain prescrite par le CSA ne s’adresse qu’aux post bolchéviques, aux poutiniens de souche qui travaillent à Paris au sein de la chaîne russe, «RT France». On peut donc continuer de rire. Et de se régaler avec ces experts en mensonges qui font la queue devant les studios pour dire le vrai qui convient. L’officiel.
Revenons à ce crime franco-russe, qui ne supporte pas la réfutation et n’est donc pas un entre «mais». Monsieur Schramek et son orchestre (pas rouge) écrit :
«Considérant en premier lieu que le service RT FRANCE a diffusé, au cours du journal télévisé de 11 heures du 13 avril 2018, un sujet intitulé "Attaques simulées" contestant la réalité des attaques à l’arme chimique dans la région syrienne de la Ghouta orientale et attribuant au groupe "Jaysh al Islam" l’initiative de la mise en scène des effets des attaques sur la population ;
considérant que ce sujet comportait un extrait vidéo dans lequel des personnes civiles intervenaient en dialecte syrien ; que la traduction orale en français accompagnant l’extrait diffusé témoignant de la simulation de l’attaque chimique était dénuée de lien avec les propos effectivement tenus par les intervenants qui traitaient de la situation de famine sévissant dans la zone ; qu’il est apparu que cette traduction se rapportait à une autre version, plus longue de la vidéo, non diffusée ; que, même si les propos ayant fait l’objet d’une traduction erronée ont par ailleurs été tenus, un tel fait caractérise un manquement à l’exigence de rigueur dans la présentation et le traitement de l’information énoncée par les stipulations précitées de l’article 2-3-6 de la convention du service RT FRANCE ;
considérant que la traduction française de certains propos de témoins interviewés dans le sujet précité a substitué au pronom "ils", employé par les témoins, le nom du groupe "Jaysh al Islam" pour désigner ceux qui auraient demandé à la population locale de simuler les effets d’une attaque à l’arme chimique ; qu’une telle substitution, qui induit une lecture différente du sujet diffusé, caractérise un manquement aux exigences d’honnêteté et de rigueur dans la présentation et le traitement de l’information énoncées par les stipulations précitées de l’article 2-3-6 de la convention du service RT FRANCE;
considérant en second lieu que lors de l’ensemble des éléments diffusés au cours du journal télévisé de 11 heures du 13 avril 2018 traitant de la situation syrienne, un point de vue a été présenté dans des conditions aboutissant à un déséquilibre marqué dans l’analyse du sujet et qu’en particulier un traitement univoque a été présenté de la question des armes chimiques, alors que la sensibilité et le caractère controversé du sujet imposaient que les différents points de vue soient exposés afin d’en garantir l’honnêteté ; qu’une telle présentation constitue un manquement aux exigences de présentation honnête des questions prêtant à controverse et d’expression des différents points de vue en méconnaissance des stipulations précitées de l’article 2-3-1 de la convention du service RT FRANCE ;
considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de mettre en demeure la société RT FRANCE de se conformer, à l’avenir, aux stipulations précitées des articles 2-3-1 et 2-3-6 de la convention du 2 septembre 2015 ;
Après en avoir délibéré,
Décide :
Art. 1er. – La société RT FRANCE est mise en demeure de respecter, à l’avenir, les stipulations précitées des articles 2-3-1 et 2-3-6 de la convention du 2 septembre 2015.
Art. 2. – La présente décision sera notifiée à la société RT FRANCE et publiée au Journal officiel de la République française.»
Je sais que cette lecture a épuisé votre attention. Que ce texte est écrit avec un manche de pioche par des journalistes du CSA que nous étions si contents de ne plus lire dans nos journaux… Donc, pardon pour la pénitence. Mais vous avez bien lu : tout citoyen qui, avec BHL et consorts, n’a pas respiré du chimique dans la Ghouta aura la tête tranchée.
La présidente de RT France, Xenia Fedorova, a réagi aux observations si objectives du Conseil «Supérieur» : «La mauvaise association entre la traduction et une vidéo spécifique diffusée le 13 avril dernier était une erreur purement technique, qui a été corrigée. Nous maintenons que RT France couvre tous les sujets, y compris le conflit en Syrie, de la manière la plus équilibrée, en donnant la parole à toutes les parties…» Le crime avoué, aucun «fake», mais une erreur de mixage, ne sera jamais pardonné. Pour RT France émettre sous le feu du général Schrameck reste un sport de combat.
La contre information (ou désinformation) à propos de la Syrie, le centre de cette guerre médiatique dans la guerre qui tue, le débat est là. En vrai le CSA est envoyé au casse-pipe pour défendre la pertinence des missiles que le bon président Macron a expédiés sur la Syrie le 13 février dernier (avant même de conduire une enquête), pour «punir Assad d’une attaque chimique». Rassurez-vous, le CSA, commandeur du croyant, en pondant sa mise en garde contre RT France, ne fait pas de politique. Il se contente d’administrer la vérité, à lui révélée. A l’ORTF on a jadis connu de tels défenseurs de «l’objectivité», ils sont visiblement toujours à l’attaque.
Puisque ses 500 salariés sont trop occupés à zieuter RT France, je ne vais pas fournir au CSA ma liste. Les cas de mensonges urgents, répétés, structurels, institutionnels qui sautent aux yeux, sauf à ceux de monsieur Schrameck. Je ne vais pas le faire car on ne peut lutter pour la liberté de s’exprimer en dénonçant les mensonges des autres. Un indice quand même, par charité confraternelle, que le CSA, quand il en aura terminé avec la vodka, examine avec son peigne anti-poux la production de l’ensemble des chaines qui émettent en français, je veux dire la diffusion des reportages et commentaires faisant suite aux derniers massacres de Gaza. Pour cette bagatelle, visiblement (faute de crédits ?), le téléphone de monsieur Schrameck a été coupé. Les ordres de «mise en demeure» sont restés aux vestiaires.
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