Ecrivain, ancien correspondant de guerre au Moyen Orient au Bureau régional de l'AFP Beyrouth, ancien responsable du Monde arabo-musulman au service diplomatique de l'AFP, René Naba est directeur éditorial de www.madaniya.info et de www.renenaba.com.

Nicolas Sarkozy en Tunisie : retour sur un des fours majeurs de sa diplomatie

Nicolas Sarkozy en Tunisie : retour sur un des fours majeurs de sa diplomatie Source: Reuters
Ex-président français Nicolas Sarkozy
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Le directeur éditorial du site madaniya.info René Naba évoque les enjeux principaux de la visite de l’ex-président français Nicolas Sarkozy en Tunisie.

En pré-campagne électorale, Nicolas Sarkozy fera du 19 au 21 juillet prochain une visite en Tunisie, qui constitue en fait, comme pour l'exorciser, un pèlerinage sur l’un des fours majeurs de sa diplomatie. 

C'est en effet la Tunisie, un des pivots de son projet phare d'Union pour la Méditerranée (UPM), qui, a servi d'étincelle au printemps arabe avec l'éviction du président Zine El Abidine Ben Ali, le grand ami de la France de l'époque. Il n’était pas question en ces temps-là de droits de l'homme mais de vacances paradisiaques à l'ombre de tropiques dictatoriaux. C'est depuis Tunis que le président de «sang mêlé» a lancé le discours fondateur de son projet euro-méditerranéen, fondé sur une division raciale du travail. C'est enfin à Tunis même que son poulain, Boris Boillon, ambassadeur de France, s'était distingué par un comportement digne d’un cow boy du Far West, en plein soulèvement populaire arabe.

Équivalent pour le monde arabe de son discours de Dakar sur le monde africain (juillet 2007), le discours de Tunis fondait le partenariat trans-méditerranéen sur une division raciale du travail sous l’effet de la conjonction de la «main d’œuvre» arabe et de «l’intelligence» française.

Pour rappel à l'intention des nouveaux lecteurs, ci joint l'articulation de ce discours, non pas un chef d’œuvre d'humour et d'érudition, mais d'ignorance et de suffisance.

«Vous avez une main d’œuvre qui ne demande qu’à être formée, nous avons beaucoup d’intelligence et beaucoup de formation. (…) Ensemble, avec votre main d’oeuvre, avec nos écoles, nos universités, avec ce que nous échangerons, nous pouvons créer un modèle qui triomphera dans le monde entier», avait soutenu le 29 avril à Tunis le président français devant un parterre de cinq cents patrons français et tunisiens, assurant toutefois que la France ne voulait pas travailler «comme une puissance post-coloniale, mais comme une puissance qui partage avec vous une communauté de valeurs». A égalité ?

Cette précision aurait été bienvenue si elle ne fondait l’égalité sur un partage des rôles consacrant un rapport de subordination entre «l’intelligence» de l’un et «la main d’œuvre» de l’autre. Un tel schéma augurait mal de la viabilité de ce projet ambitieux car il signait la permanence d’une posture raciste dans les rapports entre la France et ses anciennes possessions, une xénophobie institutionnelle formulée par le premier magistrat de France, soixante ans après la décolonisation.

L'homme tout à sa fougue avait omis que la conjugaison de la main d’œuvre arabe et de l’intelligence française constituait une variation sur le thème récurrent de la pensée subliminale française, la traduction du rêve extatique d’une fraction de la population française depuis plusieurs générations qui se résume par cette formule lapidaire mais hautement expressive: «faire suer le burnous».

Une rengaine orchestrant une mauvaise réédition d’une mauvaise émission de télévision «la tête et les jambes», le mauvais remake d’un mauvais film qui a ponctué tout le long du XXème siècle l’imaginaire français de la «chair à canons», au «bougnoule», au « sauvageon», à la «racaille» au «karcher» à la toute dernière saillie sarkozienne de Tunis.

Un mois après son déplacement au Maroc, où il s'était rendu pour neutraliser les effets diplomatiques du voyage de son successeur présidentiel en Algérie, pays rival du Maroc, Nicolas Sarkozy se rend en Tunisie pour y rencontrer le président tunisien Béji Caid Essebsi, le chef du gouvernement Habib Essid, ainsi que le président de l'Assemblée nationale, avant de se recueillir à Sousse, théâtre d'un attentat meurtrier ayant ciblé des touristes sur une plage d'hôtel à El Kantaoui, fin juin, faisant 38 victimes, dont 30 Britanniques.

Le président du parti «Les Républicains» fera ce voyage en compagnie de deux de ses fidèles, le député maire de Nice, Christian Estrosi, et Eric Ciotti, autre député LR des Alpes-Maritimes, deux membres de la région Paca (Provence-Alpes-Cote d'Azur) où le parti sarkozyste joue gros en novembre prochain avec les élections régionales dans une zone à forte concentration maghrébine.

De l’électoralisme pur sous couvert de compassionnel. Du pur Sarkozy.

Les opinions, assertions et points de vue exprimés dans cette section sont le fait de leur auteur et ne peuvent en aucun cas être imputés à RT.

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