Après les trois présidents français, les trois chanceliers allemands. WikiLeaks vient en effet de révéler que les Etats-Unis écoutaient Berlin depuis plus de 10 ans. Des informations qui n'étonnent plus Eric Denécé, spécialiste en Renseignement.
125. C'est le nombre de téléphones de hauts responsables allemands qui ont été «branchés» par la NSA, ces 10 dernières années pour des raisons économiques et politiques selon le site WikiLeaks.
Après le scandale des écoutes des présidents français il y a deux semaines, ces nouvelles révélations interrogent sur l'existence d'une «ligne rouge à ne pas franchir». Eric Denécé est un spécialiste français du Renseignement, pour lui, les Etats-Unis écoutent tout le monde d'une manière systématique et n'ont pas l'intention de s'arrêter.
RT: Avez-vous été étonné par cette nouvelle salve de révélations de WikiLeaks concernant l'Allemagne ?
Eric Denécé: Bien sûr que non ! La NSA écoute tout le monde depuis sa création en 1952. Et toutes les grandes nations le font également. La différence, c'est que les Etats-Unis le font sytématiquement et avec dix fois plus de moyens que les autres pays. Les Américains sont dans une logique hégémonique et paranoïaque, ils veulent tout entendre, tout savoir, tout contrôler. Ils espionnent sous couvert de lutter contre le terrorisme, mais soyons clairs, leurs écoutes sont pour l'essentiel des écoutes économiques et politiques.
RT: Combien de personnes travaillent pour le renseignement aux Etats-Unis?
Eric Denécé: Washington écoute les gouvernants du monde entier mais également sa population. C'est un ordre d'idée, mais selon moi au moins 200 000 personnes travaillent pour le renseignement aux Etats-Unis, 150 000 fonctionnaires et 50 000 contractuels. C'est le pays qui collecte le plus de données au monde. La masse d'informations captées est telle qu'ils ne parviennent réellement à en exploiter, à en analyser, que 20% à peine. Le reste, ils le stockent.
Maybe Obama is mad at Merkel and Schaeuble because he really knows what they want to do with Greece #NSA
— DIE ZEIT (@DIEZEIT) July 8, 2015
RT: Est-ce qu'un jour la «ligne rouge» sera franchie et certains pays taperont réellement du poing sur la table pour que cela cesse ?
Eric Denécé: Mais il n'y pas de ligne rouge ! L'espionnage américain à l'étranger est réalisé à partir de ses satellites, de câbles sous-marin, ou grâce à des antennes posées sur le toit de leurs ambassades. Bref, ils écoutent depuis leur territoire national -une ambassade est considérée comme un bout du pays qu'elle représente- soit depuis le ciel ou l'océan-avec leurs satellites et les câbles- c'est à dire depuis des espaces qui appartiennent à tous. C'est pour cela que les réactions que l'on a pu entendre ces derniers jours de la part des dirigeants européens «écoutés» étaient très formelles, ce sont en fait des réactions purement politiques. Enfin je tiens à souligner que la duplicité des Américains n'est pas un scoop non plus. Ils écoutent leurs alliés depuis des lustres, ils écoutaient déjà De Gaulle, alors pourquoi pas le président français et la chancelière allemande aujourd'hui ?
RT: Les Etats-Unis écoutent-ils tous les pays avec la même intensité ?
Eric Denécé: Non. Paris ou Berlin ne sont pas les cibles prioritaires de la NSA. Evidemment, comme ces deux pays ont une influence en Europe, cela intéresse fortement les Etats-Unis d'avoir une idée de ce qu'il se dit ou se pense pour pouvoir anticiper les décisions. Mais, c'est en Russie, en Chine, en Iran, en Corée du Nord, en Ukraine que les moyens américains d'écoute sont aujourd'hui concentrés. Et cela à toute autre échelle que ce qui se pratique actuellement en Europe.