WikiLeaks vient de lever un coin du voile sur le TiSA (Accord sur les services) en publiant de nouveaux documents. Pour Nicolas Roux, des Amis de la Terre, les grands perdants seront les citoyens.
Si les subtilités du Traité Transatlantique, dit TAFTA, commencent à être connues- et critiquées - du grand public, il n'en est pas de même pour son «petit frère», le TiSA, qui pouvait jusqu'à ces dernières semaines s'épanouir à l'abri des regards indiscrets. Mais c'etait sans compter sur WikiLeaks. Le site vient en effet de publier 17 nouveaux documents ultra-secrets sur le futur accord des services entre les Etats-Unis et ses 52 partenaires (dont les 28 membres de l'Union européenne). Nicolas Roux est le référent en matière de traités commerciaux chez l'ONG de protection de l'Homme et de l'environnement Les Amis de la Terre, il décrypte pour RT France les enjeux du Tisa.
RT France : Qu'a-t-on appris avec cette nouvelle salve de documents mis en ligne par WikiLeaks ?
Nicolas Roux : Grâce aux révélations précédentes de WikiLeaks, on avait déjà pu se faire une certaine idée du contenu du TiSA. Il s'agit essentiellement de déréguler, non pas les biens mais des services entre les pays signataires. Les documents rendus publics hier, nous permettent cette fois-ci d'entrer dans le concret. On apprend ainsi que les collectivités ou les états ne pourront plus favoriser les entreprises locales face aux services vendus par des sociétés étrangères. C'est catastophique, cela va totalement à l'encontre de ce que nous prônons à savoir la relocalisation.
New #TISA leaks @wikileaks confirm concerns on deregulation and secrecy http://t.co/qbWi4qhbzT#StopTISA
— PSI (@PSIglobalunion) 1 Juillet 2015
RT France : cela implique quoi dans nos vies quotidiennes ?
Nicolas Roux : Cela veut dire que la cantine de vos enfants pourra, si le TiSA est signé, être gérée par une société localisée dans l'un des pays signataires, au Royaume-Uni par exemple. Lorsque vous irez à l'hôpital, les infirmières pourront être employées par une société américaine. Avec le Tisa, il s'agit de démanteler les services publics et de casser les principes des marchés publics, qui ont des règles assez strictes. Il faut aussi savoir que si une entreprise étrangère estime qu'elle a été lésée dans l'attribution d'un marché, elle pourra attaquer en justice l'Etat -mais heureusement pas la collectivité pour obtenir gain de cause.
RT France : Qui gagne, qui perd avec ce traité ?
Nicolas Roux : Les gagnants, ce sont évidemment les multinationales de quelque pays qu'elles soient. On a un accord précédent, l'Aléna (accord de libre-échange nord-Américain liant les Etats-Unis, le Mexique et le Canada) qui nous donne des éléments de réponse sur notre avenir. Avec 20 années de recul, on voit bien que ce sont les grosses entreprises qui ont bénéficié de l'Aléna. A l'inverse les petites sociétés locales se sont effondrées. Avec le TiSA, les perdants ce seront tous les citoyens, qu'ils soient français, allemands ou américains. A partir du moment, où il n'y a plus de services publics, cela veut dire que dans des domaines tels que la santé ou l'éducation, il ne sera plus question de services rendus à des personnes, mais bien de services à acheter par des consommateurs. Nous sommes à une période de libéralisme à outrance, où ce qui compte ce sont les bénéfices que peuvent tirer les grandes entreprises. C'est effrayant.
RT France : Peut-on facilement sortir de tels traités, une fois signés ?
Nicolas Roux : Dans le cas du TiSA, nous n'avons pas encore de précision, mais dans ce genre de traités, il y a toujours une clause appelée «zombie». En clair, une fois sorti, vous restez lié par les accords pour un nombre d'années-10, 15, 20 ans- définies par avance dans le texte paraphé. Les négocations se déroulent dans le plus grand secret, c'est un véritable déni de démocratie.
Les opinions, assertions et points de vue exprimés dans cette section sont le fait de leur auteur et ne peuvent en aucun cas être imputés à RT.