Etats-Unis contre l'Iran : qui «joue avec le feu» ?

Jusqu'où peuvent monter les tensions entre Washington et Téhéran durant le mandat de Donald Trump ? L'ancien ambassadeur français en Iran, François Nicoullaud, livre son analyse d'une situation explosive où chacun tente de pousser l'autre à la faute.

RT France : Si Donald Trump n'a jamais caché son animosité vis-à-vis de l'Iran, l'essai de missile balistique effectué par l'Iran la semaine dernière a tendu encore un peu plus les relations entre Téhéran et Washington. Cela présage-t-il d'une hausse importante des tensions entre les deux pays sous l'administration Trump ?

François Nicoullaud (F. N.) : Oui, bien entendu. Cela a déjà commencé, notamment à la suite de cet essai balistique. Ce tir a provoqué de vives protestations de l'administration américaine, une mise en garde formelle de l'Iran de la part du Général Flynn, conseiller à la sécurité nationale, et à la mise en place de nouvelles sanctions contre des individus et des sociétés liées au programme balistique iranien. Et cela va manifestement continuer, Donald Trump semble bien s'être placé sur une ligne de «tolérance zéro» à l'égard du comportement de l'Iran.

L'idéal pour Donald Trump serait de pousser Téhéran à la faute, mais l'Iran l'a bien compris

RT France : Donald Trump a également twitté qu'«il ne serait pas aussi conciliant que l'avait été Barack Obama». L'accord sur le nucléaire, qu'il a toujours considéré comme «mauvais», pourrait-il être remis en question ?

F. N. : Il n'est pas certain que Trump ait vraiment envie de dénoncer cet accord, car il a quand même compris que la suite serait un saut dans l'inconnu. L'idéal pour lui serait de pousser Téhéran à la faute, mais l'Iran l'a bien compris et veille à ne pas être pris en défaut sur l'application de l'accord. Et puis, il est possible que le Congrès américain, qui est majoritairement hostile à l'Iran, entraîne Donald Trump plus loin qu'il ne le souhaiterait en votant des sanctions qui seraient directement contraires à cet accord sur le nucléaire. Dans la période qui s'ouvre, il y a un risque à voir tout le monde jouer avec le feu...

L'Europe a souvent eu du mal à se montrer courageuse et unie quand il s'agissait de résister aux Etats-Unis

RT France : A l'heure où la plupart des dirigeants de l'UE montrent une grande défiance face à Donald Trump et où les grandes entreprises européennes sont très intéressées par la possibilité d'échanger avec l'Iran, l'Europe pourrait-elle se distancier de la politique que mène Washington à l'encontre de Téhéran ?

F. N. : Oui, c'est tout à fait imaginable car les Européens ont déjà déclaré à plusieurs reprises qu'ils restaient très attachés à l'accord nucléaire avec l'Iran. Les entreprises européennes ont commencé à renouer avec l'Iran et apprécieraient très peu de devoir faire machine arrière. C'est vrai que l'Europe a souvent eu du mal à se montrer courageuse et unie quand il s'agit de résister aux Etats-Unis, mais là, les principes et les intérêts en jeu sont suffisamment importants pour qu'elle trouve la force nécessaire.

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