Ce qu’il suffit de faire pour mettre en évidence l'énorme hypocrisie et les deux poids deux mesures qui caractérisent la politique, intérieure comme étrangère, c’est d'intervertir les noms.
Les mesures prises par les pays et acteurs approuvés par l’establishment occidental et considérées comme totalement irréprochables auraient été vues comme «absolument scandaleuses» si elles avaient été appliquées contre eux-mêmes.
Voici quelques exemples :
Imaginez... qu’un proche allié de la Russie, dont les troupes avaient été formées par la Russie, bombarde le pays le plus pauvre du Moyen-Orient, avec des bombes à fragmentation fournies par Moscou. En outre, dans le pays attaqué, une famine menace la vie de millions de personnes.
Eh bien, le pays le plus pauvre du Moyen-Orient c’est le Yémen. Il est bombardé et réduit en cendres par l'un des pays les plus riches, l'Arabie saoudite – proche allié de la Grande-Bretagne et qui utilise des bombes à fragmentation britanniques. Et vous savez quoi ? La brigade occidentale des «il faut faire quelque chose!», qui a exprimé tant de préoccupations «humanitaires» à l’égard des combats visant à chasser les terroristes d'Al-Qaïda / Al-Nosra d’Alep, garde le silence. Comme c'est étrange.
Imaginez... qu’un avion transportant les membres d'un célèbre chœur militaire français se soit écrasé le jour de Noël, tuant tous ceux qui étaient à bord et que, très peu de temps après, un important «magazine satirique» russe se soit moqué de la tragédie, dessinant des caricatures du chœur chantant pour «un nouveau public» au fond de la mer, accompagné d’une légende regrettant que la seule «mauvaise nouvelle» soit le fait que le président François Hollande n'ait pas été à bord. Cela aurait provoqué, j'en suis certain, beaucoup de débats «supérieurs» dans les médias occidentaux sur la «dépravation morale» et l'«âme sombre» des Russes. Mais l'avion qui s'est écrasé avait à bord des chanteurs russes. Et c'est le magazine Charlie Hebdo, approuvé par les élites, qui s’est moqué des morts.
C’est Donald Trump qui a remportée l'élection le 8 novembre, et non Hillary Clinton, il peut donc être visé par le «Deep State»
Il n'y a donc pas eu d’indignation en Occident. Ni d'accusations de «racisme».
Imaginez... que l'OTAN ait été dissoute à la fin de la vieille Guerre froide et non le Pacte de Varsovie. Si, ensuite, la Russie, en rompant les promesses faites au président américain, avait étendu le Pacte de Varsovie jusqu'aux frontières des Etats-Unis, déployant des milliers de troupes et des dizaines de chars et autres matériels militaires au Mexique et au Canada. Les commentateurs de «respectables» revues de l’establishment, auraient-ils qualifié cela d’«agression américaine» ? Je ne pense pas.
Imaginez ... qu’un haut responsable politique de l'ambassade de Russie à Londres ait été filmé disant qu’il fallait «chasser de son poste» un ministre britannique des Affaires étrangères jugé trop critique vis-à-vis de la Russie et à l'origine de «beaucoup de problèmes» dans le pays. Qu'il y ait un groupe appelé «Les amis de la Russie du Labour» dont le responsable politique déclarerait que l'ambassade russe a un fonds de plus d'un million de livres pour eux ? On peut être sûr que de tels révélations conduiraient au moins à des expulsions diplomatiques, à l'annonce d'une enquête gouvernementale complète, ainsi qu'à une série d'articles sur l'ingérence «scandaleuse» de la Russie dans les affaires politiques britanniques. Mais le haut fonctionnaire politique filmé travaillait pour Israël, et l'intrigue concernant le «retrait» potentiel d’un ministre britannique de son poste a été considérée comme une information finalement pas si importante. Considérée ainsi par, plus ou moins, les mêmes personnes qui nous auraient dit qu’il s’agissait d’une histoire très importante si la Russie avait été impliquée.
Imaginez... qu’en novembre dernier Hillary Clinton ait remporté les élections présidentielles américaines à la place de Donald Trump et que les partisans de Trump se comportent comme ceux de Clinton. Que les responsables du renseignement aient tenté de délégitimer la victoire de Hillary en revendiquant l'ingérence de l'Arabie saoudite dans l'élection, et a fourni, en tant que preuve, un document attirant l'attention sur la position dite «pro-Clinton» de la télévision saoudienne.
Ensuite, une semaine avant l'inauguration prévue de Hillary Clinton, que les médias américains auraient publié un dossier compilé par un ex-officier du renseignement d'un autre pays affirmant que l'Arabie saoudite faisait chanter Clinton, même si le dossier n’a pas été vérifié et qu'il contient des erreurs factuelles. Les journaux – j’en suis certain – seraient remplis de commentaires des experts «libéraux», furieux à cause d’un «coup d’Etat» et des tentatives anti-démocratiques de refuser les résultats des élections. Cependant, c’est Donald Trump qui l’a remportée le 8 novembre, et non Hillary Clinton, il peut donc être visé par le «Deep State». Tout cela au nom de la «démocratie».
Imaginez... que la Russie ait dépensé cinq milliards de dollars pour tenter d'organiser un changement de régime au Canada
Imaginez... que le chef du Parti travailliste britannique Jeremy Corbyn ait exhorté les députés socialistes à soutenir un projet de «Missile de la paix» qui coûterait au contribuable britannique au moins 31 milliards de livres sterling et peut-être jusqu'à 205 milliards de livres sterling pour toute la durée de vie du missile. Que Corbyn ait loué le «Missile de la paix» comme «valant chaque penny dépensé» et étant absolument essentiel pour le Royaume-Uni et pour la paix dans le monde. Qu’ensuite, après que le vote du Parlement en faveur du projet, on apprenne que le missile de la paix aurait raté un test et que Corbyn aurait gardé le silence à ce sujet. A quatre reprises il aurait été interrogé par Andrew Marr de la BBC pour savoir s'il était au courant de l'échec du test raté, et, à quatre reprises, il aurait évité de répondre à la question.
A coup sûr les appels à la démission de Corbyn auraient été assourdissants. Il y aurait également eu de redoutables dénonciations de «l'énorme gaspillage» de l'argent des contribuables pour ce «projet issu de la vanité socialiste». Un nouveau vote sur le «Missile de la paix» aurait lieu. Mais c’est le Trident approuvé par les élites et non un «Missile de la paix» socialiste qui a échoué. La réponse a donc été bien différente.
On nous dit que ce dysfonctionnement de la «dissuasion nucléaire indépendante» de la Grande-Bretagne et le fait que le gouvernement ne parvienne pas à l'évoquer avant que le Parlement ne vote son renouvellement – ce n'est pas grave. Que l'échec du Trident vaut encore la peine de dépenser des milliards de livres des contribuables à une époque d'austérité. Et, bien sûr, il n'est absolument pas nécessaire que le Parlement débatte à nouveau de la question...
Imaginez... que la Russie ait dépensé cinq milliards de dollars pour tenter de favoriser un changement de régime au Canada, des néonazis étant à l'avant-garde des manifestations anti-gouvernementales. Que les néo-nazis et les ultra-nationalistes – en souvenir des divisions SS des temps de guerre – fassent des manifestations aux flambeaux dans le nouveau Canada «démocratique».
Nous pourrions nous attendre à des condamnations et à des dénonciations des «liens» de la Russie avec l'«extrême droite». Mais c’est ce qu'il se passe en Ukraine. Et, devinez quoi ? La brigade fasciste occidentale n'est pas du tout intéressée.
Lire aussi : Quand Washington veut un cessez-le-feu, ce ne peut pas être bon pour la paix