Qualifié par la presse d'incompétent, Donald Trump propose une géopolitique «beaucoup précise et réelle», si l'on en croit sa première interview aux médias européens, selon le secrétaire général adjoint de Debout la France Laurent Jacobelli.
RT France : C'est la première fois que Donald Trump parle aux médias européens après son élection. Il a notamment déclaré que l’OTAN était une structure obsolète. Pensez-vous qu’il faille s'attendre à une refonte complète ou à une suppression de l'OTAN ?
Laurent Jacobelli (L. J.) : Il faut réformer l’OTAN. L’organisation avait un sens à l'époque de la guerre froide, lorsque deux blocs s’affrontaient. Il y avait une logique de clans : celui de l’Est contre celui de l’Ouest. Aujourd’hui les politiques d’Alliance doivent être multiformes. On le voit bien dans la lutte contre Daesh en Syrie où c’est la Russie qui a mené une politique logique de guerre frontale contre notre ennemi - le fondamentalisme islamiste. Donald Trump a donc raison dans son constat, de dire que l’OTAN, dans sa forme actuelle ne correspond plus à une réalité. D’abord, les pays doivent être plus autonomes en termes de politiques étrangères et de décisions militaires - comme la France l’a montré et continue de le montrer, car elle n’aurait jamais dû intégrer le commandement intégré de l’OTAN.
Il nous faut des alliances au cas par cas. On le voit bien dans la crise actuelle vis-à-vis de l’islamisme. Cela implique aussi une politique vis-à-vis de la Russie beaucoup plus ouverte.
Il est intéressant que le président des Etats-Unis, c’est-à-dire de fait le patron de l’OTAN, se rende compte lui-même que le tout n’est plus adapté à une situation internationale toujours plus complexe.
La libre concurrence à l’intérieur de l’UE n’est plus une libre concurrence
RT France : Donald Trump a également évoqué un éventuel accord commercial avec la Grande-Bretagne pour favoriser le Brexit. Pensez-vous que son but soit de détruire l’UE ?
L. J. : Donald Trump met évidemment l’intérêt américain avant les autres intérêts. En revanche, quand il fait le constat qu’aujourd’hui, dans son fonctionnement actuel, l’UE n’est pas optimale, notamment en termes de commerce, il a complètement raison. Comment peut-on imaginer que cette Union puisse continuer de fonctionner comme elle le fait actuellement ? Avec des pays comme la France qui subventionnent des pays comme la Pologne, qui créent leur propre concurrence sans aucun contrôle, évidemment cela ne peut pas fonctionner. Comment peut-on vouloir que l’UE continue à faire en sorte que les travailleurs détachés viennent de Bulgarie, de Roumanie, de Pologne pour travailler en France, par exemple, et payer des charges sociales beaucoup plus faibles, mettant nos propres salariés en concurrence ? En fait, cette libre concurrence à l’intérieur de l’UE n’est plus une libre concurrence. C’est les pays low cost qui viennent concurrencer sur leur marché les pays qui ont des règles strictes. Ce système ne peut pas continuer. Une fois encore, Donald Trump fait un bon constat. C’est pour cela, j’imagine, que le Royaume-Uni, un pays extrêmement proche des Etats-Unis, a décidé de s’écarter de l’Union européenne. Je ne sais pas quelles sont ses intentions, mais il fait un constat juste sur l’UE, ce que n’avait pas fait Barack Obama qui essayait d’ailleurs d’influencer directement la politique de l’UE.
La politique d’Angela Merkel en termes d’immigration est une catastrophe pour l’Allemagne et fait courir un grand péril pour l’ensemble de l’Europe
RT France : Donald Trump a beaucoup critiqué Angela Merkel pour sa politique migratoire, affirmant que c'était une «erreur catastrophique». Faut-il s’attendre à une brouille entre l’Allemagne et les Etats-Unis après des déclarations pareilles ?
L. J. : Je ne le souhaite pas. Nous sommes pour la bonne entente. Je crois que Donald Trump a dit qu’il voulait travailler avec Angela Merkel et c’est une bonne chose, parce que l’Allemagne est un pays puissant, important, au cœur de l’Europe et de l’économie mondiale. J’espère sincèrement que l’intention de Donald Trump n’est pas de couper les ponts avec l’Allemagne. En revanche, on est bien obligé de dire, et j’ose dire que c’est un consensus, que la politique d’Angela Merkel en termes d’immigration est une catastrophe pour l’Allemagne et fait courir un grand péril pour l’ensemble de l’Europe. Un million de migrants sans aucun contrôle arrivant en Allemagne, cela veut dire un million des migrants qui, du jour au lendemain, peuvent aller en Italie, en France, en Belgique, partout. Cela implique que parmi eux se trouvent, on le sait, des terroristes. Je ne dis pas que les migrants sont tous les terroristes. Je dis que les terroristes islamistes ont bien compris que, comme on pouvait prendre la route des migrants pour arriver en Europe sans contrôle, ils le font. Quand on voit ce qu'il se passe à Calais, ce qu'il s’est passé le soir du Nouvel an en Allemagne il y a un an, il y a le danger. L’Europe, et la France singulièrement, ne peuvent pas fournir un logement et un travail à tous ces gens. La France et l’Europe ne peuvent pas accueillir sans contrôle des gens qui viennent de zones produisant des islamistes ou des djihadistes. Il faut contrôler les frontières nationales. Sur le constat, Donald Trump évoque la vérité : la folle politique migratoire de l’Allemagne nuit à l’Allemagne et à l’ensemble de l’Europe.
Ce qui nous réunit – les Etats-Unis, la Russie et la France, et la plupart des pays d’Europe – est beaucoup plus fort aujourd’hui, que ce qui nous sépare
RT France : Donald Trump a également évoqué les sanctions à l’égard de la Russie, il a déclaré qu’elles pourraient être éventuellement levées, si la Russie et les Etats-Unis parvenaient à un accord sur la réduction des arsenaux nucléaires. Pensez-vous qu’on soit proche d’un accord sur la dissuasion nucléaire ?
L. J. : Ce que je souhaite, c’est effectivement une bonne entente entre les deux grandes puissances que sont les Etats-Unis et la Russie. Ça sera une bonne nouvelle, s’ils s’entendent diplomatiquement et économiquement sur des projets, c’est beaucoup plus fort que la dissuasion nucléaire. Là encore, je pense que tout ce qui va dans le sens de l’apaisement des relations et dans le sens de la paix est une bonne chose. Ces mesures de rétorsion économique contre la Russie se retournent contre les pays qui les prennent, on le voit bien pour la France, c’est un drame pour notre agriculture, pour l’industrie de l’armement et des équipements. Cela ne sert à rien, puisque la Russie acquiert une importance mondiale de plus en plus importante. Travaillons donc tous ensemble, en bonne intelligence. Nous avons des ennemis communs. Ce qui nous réunit – les Etats-Unis, la Russie et la France, et la plupart des pays d’Europe – est beaucoup plus fort aujourd’hui, que ce qui nous sépare. J’ai l’impression que Donald Trump, qui nous était décrit comme un excité, comme quelqu’un qui n’avait aucun sens de la politique et qui était là par hasard, fait en tous cas, les bons constats, meilleurs que ceux de Barack Obama. On verra si les mesures qu’il propose sont bonnes. En tout cas, il décrit là une géopolitique contemporaine beaucoup plus précise et réelle que celle qu'on dépeignait auparavant.
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