Recep Tayyip Erdogan déclare que les troupes turques sont en Syrie pour faire tomber Bachar el-Assad. Cette démarche pourrait signifier le début d'une grande offensive dont l'avenir est incertain, estime Alaa Ibrahim, journaliste à Damas.
RT : Cette annonce de la part de Recep Tayyip Erdogan relève-t-elle du vrai tournant stratégique, ou s'agit-il d'une menace creuse de la part de la Turquie pour atteindre un tout autre but ?
Alaa Ibrahim (A. I.) : Il y a deux points de vue contradictoires ici, à Damas, sur les déclarations du président turc Recep Tayyip Erdogan. Selon le premier point de vue, ce ne sont que des paroles en l'air [et cette stratégie] ne sera pas mise en pratique, parce que nous avons déjà entendu pendant des années des déclarations similaires du président turc, certes pas aussi fortes. Il a depuis des années soutenu ouvertement, en paroles et en actions, les rebelles syriens et des groupes radicaux opérant en Syrie, y compris des branches d’Al-Qaïda, comme le Front al-Nosra. Il y a également eu des accusations contre la Turquie de soutenir Daesh. Mais, selon le deuxième point de vue, cela pourrait être le début d’une grande intervention. Ils se sont rendus compte du fait qu’il n’y aurait pas d’intervention américaine ou internationale en Syrie. Ils ont donc décidé de prendre l’affaire en main. En outre, la Turquie investit dans la guerre syrienne depuis le premier jour, en soutenant largement les rebelles, leur fournissant des armes, l’asile, l’expertise, l’appui logistique, l’entraînement. Beaucoup de personnes, ici, à Damas, pensent que sans la Turquie, la rebellion en Syrie n’aurait jamais atteint ne serait-ce que 10% de son niveau actuel.
Сette situation dépendra entièrement de la réaction de la Russie aux déclarations du président turc dans les jours à venir
RT : Les forces turques ont avancé sur le territoire syrien, mais Damas n’a jamais donné d’autorisation officielle à une opération. Quelle réaction peut-on attendre de la Syrie ?
A. I. : Depuis quelques mois il y a eu une escalade entre les deux pays. L’armée syrienne a publié en octobre un communiqué annonçant qu’elle descendrait tout avion turc qui violerait l’espace aérien syrien. Il y a récemment eu une frappe aérienne contre les positions de l’armée turque. On s’attend à une plus grande escalade, mais je pense que tout le monde comprend que l’acteur principal qui va décider de quelle voie prendront les évènements en Turquie et en Syrie sera la Russie, si elle laisse les Turcs effectuer une invasion militaire. Ils l'ont entreprise depuis le mois d'août de cette année. Selon certains rapports, des avions de chasse russes ont récemment empêché les avions de chasse turcs d'entrer dans l’espace syrien. Nous devons attendre pour voir s’il y aura une escalade. Nous savons que Recep Tayyip Erdogan avait décidé de descendre un avion russe survolant le territoire syrien [en 2015]. Pourra-t-il le faire en se retrouvant dans une impasse dans les relations entre des deux pays et les sanctions imposées à la Turquie par la Russie ? Pour le moment, ce n’est pas clair. Mais je peux vous dire que beaucoup de personnes, à Damas, croient que cette situation dépendra entièrement de la réaction de la Russie aux déclarations du président turc dans les jours à venir.
Les opinions, assertions et points de vue exprimés dans cette section sont le fait de leur auteur et ne peuvent en aucun cas être imputés à RT.