RT France : Le 13 novembre, cela fera un an que Paris a été frappé par des attentats, un an également que l'on vit en France sous l’état d’urgence. Quel bilan peut-on tirer de cette mesure, a-t-elle servi à quelque chose ?
Didier Tauzin (D. T.) : Oui, probablement. Mais son rendement a été largement insuffisant par l’incohérence politique de la France d’aujourd’hui.
En même temps on accepte, par exemple, des manifestations gigantesques contre la loi de travail El Khomri, et diverses autres choses de ce genre. C’est-à-dire que le gouvernement est fort avec les faibles et faible avec les forts, comme quasiment toujours depuis 40 ans. Puisque la situation actuelle est le résultat d’une incohérence politique de longue date, de 40 ans : de la démagogie, de l’instrumentalisation des Français et des autres d’ailleurs, à des visées idéologiques. Et donc, dans ces circonstances, l’état d’urgence ne peut pas porter ses pleins effets. En fait, la France n’est pas vraiment gouvernée, depuis 40 ans, la gouvernance c’est d’abord un vrai chef d’Etat qui soit à la hauteur de cette mission, qui considère qu’il est au service de la France et des Français, et non pas d’une carrière politique ou d’un parti politique. Voilà ce qui manque. Si vous êtes dans ces circonstances, aucune mesure ne peut porter ses pleins effets.
La loi concernant la légitime défense est complètement obsolète
RT France : Il y a aussi eu d’autres mesures proposées par le gouvernement. Récemment il y eu la créationd’un gigantesque fichier de tous les citoyens français, des dispositifs de surveillance sur internet. Pensez-vous que ce soit une bonne approche dans la lutte contre le terrorisme ?
D. T. : Surveiller les citoyens français ne permet pas de trouver tous les fauteurs de troubles, c’est un non-sens. Ce n’est pas ainsi qu’on arrêtera le djihadisme, le terrorisme et tous les fauteurs de troubles. Il faut avoir une politique beaucoup plus cohérente. On accepte que des syndicats qui représentent très peu de monde (à peu près 8% de salariés) se permettent d’empêcher les Français de vivre correctement : ils les prennent en otages dans les déplacements, etc.
C’est toute une politique qui est complètement incohérente depuis fort longtemps, qui est fondée sur une sorte de dictature des partis politiques, et qui aide quelques-uns à faire leur carrière politique, et c’est tout cela qu’il faut changer. C’est le fond, la nature même de la politique qui est en jeu. En France, on n’a pas de véritable politique, en sens noble de ce terme, depuis très longtemps, depuis 40 ans au moins. C’est tout cela qu’il faut changer, et les choses rentreront dans leur voie.
Il faut un renouvellement politique complet
RT France : Il y a aujourd’hui des manifestations de policiers à la suite de plusieurs attaques dont ils ont été victimes. De quoi cela témoigne-t-il ?
D. T. : Ça témoigne d’abord d’un mal-être de la police. Les policiers français, et j’en connais quelques-uns, sont des gens très dévoués à leur mission, ils ont la vocation de faire régner la sécurité en France au péril de leur vie. Mais depuis trop longtemps, non seulement ils ne sont pas bien équipés et ne sont pas forcément si nombreux non plus, mais ils ne sont pas vraiment commandés, ils ne sont pas soutenus. Par exemple, la loi concernant la légitime défense est complètement obsolète, aussi bien qu’aujourd’hui les policiers peuvent arriver à être blessés ou même à se faire tuer, parce qu’ils hésitent énormément : on leur a appris à ne pas se servir de leurs armes, c’est un non-sens.
RT France : Qu'est-ce qui pourrait faire évoluer la situation sécuritaire en France ?
D. T. : Bien entendu, il faut un changement radical, il faut un renouvellement politique complet. Il faut d’abord concevoir la politique comme un service de la France et des Français, dont le premier est la sécurité pour les Français, à l’intérieur et à l’extérieur de leur territoire. Tant qu’on aura pas de politiques qui ont cette façon de voir les choses, qui se mettront eux-mêmes complètement au service des Français, rien ne sera vraiment efficace.
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