En ciblant Daesh en Syrie, la coalition menée par les Etats-Unis a pour réel but de prendre la ville de Raqqa et de scinder le pays en deux, selon le politologue Taleb Ibrahim.
RT : Les chefs militaires américains et turcs ont élaboré un projet d'opérations contre Daesh en Syrie, y compris à Raqqa. Qu’en pensez-vous ?
Taleb Ibrahim (T. I.) : C’est une bonne illustration de l’ambition américaine et turque d’occuper certaines parties de la Syrie. A mon avis, cela fait partie d’un plan B secret qui vise à diviser la Syrie en deux parties : une à l’est et l’autre à l’ouest de l’Euphrate. Les Américains doivent travailler là-dessus et le gouvernement turc doit les aider. Cela doit être lié au dossier du pétrole : en divisant la Syrie ils seront en mesure de réaliser leurs projets dans le domaine des hydrocarbures et de créer un autre état qui sera désigné «la Syrie démocratique».
Nous sommes donc témoins d’un scénario proche du scénario coréen de 1950, quand la guerre de Corée a commencé. Nous devons étudier très attentivement cet exemple.
Je suis très inquiet quant à l’avenir de la Syrie et de la planète
RT : Le commandant de l’Etat-major américain, le général Joseph Dunford, a déclaré : «La coalition et la Turquie travaillent ensemble sur un plan de long-terme visant à saisir, tenir et gouverner Raqqa». A votre avis, est-ce un langage approprié pour un fonctionnaire américain de haut rang ?
T. I. : Je ne pense pas que ce soit un langage très approprié – ce n’est pas un langage de paix, ni de résolution politique, ni de réconciliation. C’est un langage de guerre et qui vise à tracer de nouvelles cartes au Moyen-Orient, des «cartes de sang» comme nous les appelions par le passé. Cela se réfère à un concept très dangereux et les gouvernements américain et turc doivent être en train de l’appliquer.
Je suis très inquiet quant à l’avenir de la Syrie et de la planète, car, comme vous l'avez vu, ils [la coalition internationale menée par les Etats-Unis] interviennent de manière illégale dans un Etat indépendant qui a un gouvernement, un président élu et qui dispose d'une autorité réelle, qu’il exerce sur le terrain. Ils se servent de Daesh comme d'un prétexte pour occuper de grandes parties de la Syrie pour atteindre leurs objectifs politiques.
RT : Même si la coalition s’empare de la ville, qui les autorisera à la gouverner, alors que le pays a toujours un président élu ?
T. I. : Ils sont en train d’occuper la ville de Raqqa. D’abord ils l’isoleront, ensuite ils l’occuperont. Cela sera réalisé de facto – ils ne se préoccupent ni du droit international ni des questions de légitimité ; tel est l’agenda secret des Etats-Unis. Ils considèrent que c’est le bon moment pour mettre en œuvre ce plan. Je suis profondément persuadé qu’ils ont de véritables plans et qu'ils sont en train de réaliser leur projet.
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