Mossoul sera le premier chapitre de l'héritage d'Obama au Moyen-Orient, pas le dernier

Lorsque l'élection présidentielle aux Etats-Unis sera terminée, Barack Obama se mettra à tout faire pour masquer les fissures de sa politique extérieure et se construire un «héritage» décent, estime le journaliste Martin Jay.

On se souviendra de la politique du président Barack Obama au Moyen-Orient pour ses tergiversations en Syrie et en Irak, qui ont provoqué la montée en puissance de Daesh. Mais ne vous inquiétez pas. Il a un plan à la Churchill pour réécrire l'histoire, et tout commence avec la chute de Mossoul. Et Nicolas Cage.

A la fin de la Seconde Guerre mondiale Winston Churchill a dit que l'histoire serait accomodante avec lui, parce que c'est lui qui l'écrirait ou quelque chose de ce genre. Mais qu'écriront sur Barack Obama ceux à la plume équilibrée, quand il aura quitté la scène ? Peu d'entre eux se souviendront de ce qu'il a fait pour contrer le terrorisme ou apporter l'harmonie au monde musulman. Avoir tué Oussama ben Laden ne suffit pas. Beaucoup indiquent aujourd'hui a posteriori que capturer le chef d’Al-Qaïda vivant aurait été beaucoup plus judicieux ; des théoriciens du complot prétendent même qu’il n’a pas été tué du tout.

Le président américain sera toujours terni par son manque de courage en Syrie, et par le fait que lors de son mandat présidentiel, Daesh est devenu une organisation djihadiste internationale 

Mais tout comme la décision de Tony Blair d'envahir l’Irak éclipsera toujours ces deux autres campagnes réussies - au Kosovo et au Sierra Leone - l'image du président américain sera toujours ternie par son manque de courage en Syrie, et par le fait que, lors de son mandat présidentiel, Daesh est devenu une organisation djihadiste internationale qui a décapité de nombreux travailleurs humanitaires américains et britanniques dans une période d'incroyable impuissance dans la région. Depuis un certain temps, peu de membres de l'administration de Barack Obama évoquent encore un changement de régime en Syrie : ce jeu de longue haleine a été remporté par le président el-Assad. Barack Obama ne pouvait même pas défier Bachar el-Assad et faire tomber d'un C-130 quelques dizaines de sacs de riz pour les affamés des villes assiégées de ce pays misérable. Telle a été sa comique lâcheté.

Mais ni Mossoul, ni Hillary Clinton ne peuvent sauver Barack Obama. Car cela ne sera pas non plus favorable à Hillary Clinton, lorsque sa Fondation spectaculairement corrompue remboursera les Etats arabes du golfe pour leurs contributions lui permettant de nourrir à la cuiller des journalistes serviles qui reproduisent fidèlement ses divagations contrites au sujet des droits des femmes. Et tout cela est financé par des pays tolérant les hommes qui décapitent leurs femmes dans les rues après une dispute, dans des villes où les balcons n'existent pas car ils permettraient de voir une femme de loin.

A en croire les médias locaux et les despotes qui les contrôlent, la Turquie ne mène pas de combat à Mossoul

L’Irak est maintenant en pleine guerre pour chasser les combattants de Daesh de Mossoul et écraser cette organisation terroriste avec l’aide des Etats-Unis. Les médias américains ont décidé collectivement que la colossale corruption et les mensonges d'Hillary Clinton pouvaient être ignorés en faveur de ses fanfaronnades politiques. Pourtant, ses idées sur Mossoul et la région sont inquiétantes. La folie a déjà commencé avec la poussée des militaires turcs à Mossoul - de ceux qui auparavant s'étaient battus contre les Kurdes soutenus par les Etats-Unis en Syrie et se battent maintenant aux côtés de leurs «ennemis». Mais à en croire les médias locaux et les despotes qui les contrôlent, la Turquie ne mènerait pas de combat à Mossoul.

En ce qui concerne Barack Obama, il faut mettre en doute le calendrier de Mossoul. Ses conseillers lui ont-ils dit que la chute de cette ville historique pourrait prendre quelques jours et qu’il devrait la prévoir vers la fin du mois d’octobre ? Les soldats américains ont quitté l'Irak en 2011, sous sa surveillance. Et, apparemment, c'est dur à avaler, étant donné que c'est cette décision qui a permis à Daesh de se développer rapidement et de s’enraciner dans des bastions de Saddam Hussein comme Mossoul – qui signifie «jonction» en arabe. Il est vrai que cela tient à la décision de son prédécesseur, George W. Bush, lorsque, en 2003, les troupes américaines ont pris le contrôle du pays, mettant 500 000 militaires de l'armée irakienne à la rue. Une démarche de légende du point de vue de sa stupidité. Suite à cette gigantesque erreur - les sunnites, bien sûr - ont fait bon usage de leurs armes pour nourrir leurs familles, alors que les soldats américains se sont enfoncés dans un sanglant, confus et consternant bourbier.

Mossoul a un rôle particulier pour Barack Obama, car une fois tombé, il se précipitera sans doute vers le podium en déclarant que la guerre contre le terrorisme est un combat de longue haleine

Mais Barack Obama aurait pu rester en Irak. Cela aurait fait une énorme différence. Mossoul a un rôle spécial pour lui, car une fois la ville tombée, il se précipitera sans doute vers le podium en déclarant que la guerre contre le terrorisme est lente et que celui qui agit avec patience obtient plus dans ces champs de la mort que sont Raqqa, Mossoul et Alep.

Lorsque Colin Powell a quitté ses fonctions, on lui a demandé quelle était sa prochaine grande tâche. Selon un collègue, il a répondu d'un seul mot : «l’argent». Pour Barack Obama, le travail principal, après le 8 novembre, pourrait se résumer au mot «héritage».

D'après mes collègues de Beyrouth, la prise de Mossoul prendra des mois. Certains pensent même que cela prendra plutôt un an ou deux. Peu importe. A la différence de Tony Blair, qui est encore à ce jour marqué par ses propres erreurs en Irak, ou à la différence de David Cameron et de son suicide par médicament nommé Brexit, Barack Obama a à la fois le temps et la ruse pour lui. La cabale des courtisans et la machine des relations publiques se préparent déjà pour produire des livres, des documentaires et des marchandises sur Barack Obama qui, sans aucun doute, dépensera pas mal d'argent pour masquer les fissures d'une politique lâche, qui a mené à la faillite tant d'Etats - Syrie, Irak, Somalie et Yémen. Ce dernier est plongé dans une guerre au sujet de laquelle Washington n'est pas pressé d'informer les journalistes et qui ne sera donc pas couverte par la presse. Ou peut-être n'arrivent-ils tout simplement pas à comprendre qui se bat contre qui. Je ne compte plus les fois où les journalistes américains ont appelé les Houthis les «Hutus». Le Rwanda, le Yémen, même combat.

Barack Obama sera le meilleur outil de la fondation Clinton pour convaincre les Arabes d'acheter plus d'armes américaines

L'échec sera transformé en succès par ceux qui y ont intérêts, le temps que Barack Obama réinvente complètement son rôle au Moyen-Orient. Si Tony Blair reçoit des centaines de millions des pays du golfe, en leur donnant des conseils - ne riez pas - sur la gouvernance, Barack Obama devrait être capable d'atteindre un niveau supérieur. Il sera le meilleur outil de la fondation Clinton pour convaincre les Arabes d'acheter plus d'armes américaines, et assurer aux sociétés de cette fondation un accès privilégié à leurs marchés, tout en les enfonçant en même temps dans les prêts du FMI. Barack Obama sera cet onctueux vendeur de voitures qui vous aperçoit dans votre vieille Ford et vous entraîne dans la salle d’exposition climatisée où, quelques instants plus tard, vous vous demandez comment vous allez dire à votre femme que vous venez de signer pour la nouvelle BMW. Imaginez Nicolas Cage jouant Viktor Bout dans Lord of War. Le jeu de Barack Obama a, une fois, permis d'apaiser les craintes des Saoudiens face à l'accord sur le nucléaire iranien : pour ce faire, il leur a vendu des missiles américains pour six milliards de dollars. Ca n'a pas de prix.

La magie de Barack Obama permet d'envoyer des forces aériennes des Etats-Unis bombarder Daesh en Syrie, pour, en fin de compte, bombarder les soldats du régime de Bachar el-Assad. Et c’est par erreur.

Je vous laisse y réfléchir.

Mais pourquoi les courriers d'Hillary Clinton n'ont-ils pas été dévoilés ou ont-ils été cachés par le FBI ? Est-ce parce que, s'ils étaient découverts, cela aurait provoqué la destitution de Barack Obama ? Mossoul sera le point de départ de cette nouvelle relation avec le Moyen-Orient, comme ce sera la première victoire de Washington depuis très longtemps. Mais ce sera une petite victoire. La réelle victoire de Mossoul ce n'est pas sa capture, mais le soutien des sunnites en Irak que les leaders chiites ont marginalisés. Mais ni Barack Obama, ni Hillary Clinton n'ont vraiment d'idée churchiliennes pour dire qui écrira ce volet-là.

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