Bob Dylan est certes un parolier intéressant, mais cela ne le situe pas au niveau des plus grands poètes modernes, estime Laurent Dandrieu, rédacteur en chef de Valeurs Actuelles au sujet du nouveau lauréat du Prix Nobel de littérature.
RT France : Quelle est votre réaction au choix du Comité Nobel pour la littérature ? Cela veut-il dire qu’il n’y a plus d’écrivains dignes de récompense ?
Laurent Dandrieu (L. D.) : Des écrivains dignes de cette récompense, il en reste sûrement. Rien que pour la lettre K, on peut en citer deux, qui feraient des lauréats indiscutables d’un point de vue littéraire : Milan Kundera et Ismail Kadaré. S’ils avaient voulu récompenser un auteur à la tête d’une œuvre conséquente, il n’y avait que l’embarras du choix. Bob Dylan est certes un parolier intéressant, mais je ne crois pas que ça puisse le situer au niveau des plus grands poètes modernes. J’ai un peu envie de vous citer une phrase d’un autre grand parolier, français celui-là, Georges Brassens : «Je ne pense pas être un poète. Pour moi, un poète, ça vole quand même un peu plus haut que moi.»
Couronner un rockeur, pour une institution académique par définition soupçonnée d’être poussiéreuse, c’est le hold-up médiatique parfait
RT France : Est-ce une sorte d’exception ou y a-t-il une logique dans les décisions du Comité ?
L. D. : C’est à l’évidence une décision atypique, sans précédent. Si inattendue qu’on ne peut pas s’empêcher de se demander si le Comité Nobel n’a pas cherché avant tout à réaliser un coup de pub, à se donner un coup de jeune et un air de modernité à bon compte… Couronner un rockeur, pour une institution académique par définition soupçonnée d’être poussiéreuse, c’est le hold-up médiatique parfait !
RT France : Voyez-vous une dimension politique dans les décisions du Comité ?
L. D. : La politique joue certes un rôle dans ses choix, même si ça n’est pas univoque : en 1970, le prix Nobel a ainsi couronné Alexandre Soljenitsyne avant de choisir, l’année suivante, le poète communiste Pablo Neruda. A mes yeux, le principal problème n’est pas là, mais dans la représentativité du jury : je ne pense pas, en règle générale, qu’aucun jury d’aucun prix soit en mesure de déterminer quelle œuvre d’art est supérieure à telle autre, ou mérite d’être plus particulièrement mise en avant. Mais dans le cas du Nobel, la disproportion entre le retentissement de ce prix et la qualité de ceux qui l’attribuent est proprement abyssale.
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