Rachid Nekkaz : «La France a tourné le dos aux valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité»

Après avoir été mis en garde à vue par les autorités françaises, l'homme d'affaires algérien Rachid Nekkaz, qui paie les amendes des femmes verbalisées pour port du niqab et du burkini, revient pour RT France sur son interpellation.

RT France : Pourriez-vous expliquer pourquoi vous vous êtes retrouvé en garde à vue ?

Rachid Nekkaz (R. N.) : C’est très simple. Le 11 octobre c’était le sixième anniversaire de la loi anti-niqab. Et comme Bernard Cazeneuve a déposé un amendement spécialement pour me mettre en prison pendant six mois et me faire payer une amende de 45 000 euros, parce que je paie les amendes de celles qui portent le niqab, j’ai voulu lui montrer que je n’avais pas peur de lui. Et que j’allais payer chez lui, dans la ville dont il était maire, à Cherbourg. Je l’avais annoncé dans la presse.

J’étais à la gare Saint-Lazare à Paris pour prendre le train de 7h07 et, à 7h pile, 11 policiers en civil sont venus vers moi pour me dire de les suivre, parce que j’étais en garde à vue.

RT France : Est-ce légal ?

R. N. : Je ne sais pas si c’est légal, mais ils ont dû inventer une raison, et la raison était la suivante : j’organise des manifestations devant les appartements de responsables politiques à Paris, et ils ont dit que les déclarations n'étaient pas conformes. Vous pourriez me convoquer tout simplement, vous n’êtes pas obligé de me mettre en garde à vue !

L’idée est qu’ils ne voulaient surtout pas que, ce jour-là, le sixième anniversaire de la loi anti-niqab, j’aille à Cherbourg. Ils ont attendu la tombée de la nuit pour me libérer, afin qu’il n’y ait plus de possibilité de payer l’amende. J’ai donc une convocationau tribunal le 20 janvier prochain. Je ne suis pas quelqu’un qui se cache, on n'a pas besoin de venir me cueillir à la gare, comme dans les dictatures, pour me mettre en garde à vue. Le problème c’était la ville de Cherbourg, la ville du ministre.

RT France : Allez-vous contester votre garde à vue auprès de la justice ?

R. N. : Tout à fait, je vais la contester le 20 janvier lorsque je serai au tribunal. J’ai publié la convocation sur ma page Facebook.

Le jour où les entreprises françaises seront expulsées d’Algérie, moi j'accepterai volontiers de me faire expulser de France

RT France : Comment réagissez-vous aux propos de Nadine Morano qui a appelé à vous expulser de France ?

R. N. : Je vais aller dans sa ville. Elle est de la ville de Toul, et je vais payer une amende chez elle. Pour lui dire qu’elle ne me fait pas peur. Ca ne me dérange pas d’être expulsé. Je souhaite aussi expulser les entreprises françaises, comme Total, qui exporte le gaz algérien, et comme Gaz de France qui possède 65% du gaz naturel dans le sud. Le jour où les entreprises françaises seront expulsées d’Algérie, moi j'accepterai volontiers de me faire expulser de France. Je veux que ce soit dans les deux sens.

RT France : Pourquoi vos actions ont-elle provoqué une telle réaction de la part Nadine Morano ?

Le visage de la France en 2016 – un visage islamophobe, inhumain, qui tourne le dos aux droits de l’homme, aux valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité

R. N. : Elle va de plus en plus vers l’extrême droite française. Vous avez vu qu’elle était fâchée avec Nicolas Sarkozy, chez Les Républicains. Elle devient de plus en plus populiste. Elle sait que la plupart du public français n’aime pas le niqab, ceux qui paient les amendes. Elle a donc profité de cette ambiance islamophobe, pour mettre de l’huile sur le feu, en mettant en place une pétition contre moi. Je me suis habitué à ce genre de choses depuis quelques années, cela ne me dérange absolument pas. C’est classique. C’est pour cela que j’ai renoncé à ma nationalité française en 2013 : parce que ce pays a tourné le dos aux valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité. Ils ont lancé [les lois anti-niqab], au début, pour protéger la femme. Et, six ans plus tard, quand ils ont vu que j’avais neutralisé l’application de la loi sur le terrain, ils se sont retournés contre celui qui paie les amendes. On voit bien le vrai visage de la France, et il n’est pas joli. Ce type de réaction donne la possibilité au monde entier de voir quel est le visage de la France en 2016 – un visage islamophobe, inhumain, qui tourne le dos aux droits de l’homme, aux valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité. Je suis fier d’avoir renoncé à ma nationalité française et je me dis que Rousseau et Voltaire sont très loin. Ils ne seraient pas fiers de vivre dans un pays pareil.

Je suis là à Marseille, et dans deux jours je serai à Toul chez Nadine Morano. Et puis je serai de nouveau à Cherbourg, je ne vais pas lâcher [Bernard Cazeneuve].

RT France : Ne craignez-vous pas d'être à nouveau mis en garde à vue ?     

R. N. : Cela ne me dérange absolument pas, je suis déjà allé en prison pour défendre des principes de liberté, je suis très à l’aise et je n’ai aucun problème avec le temps. 

Lire aussi : Rachid Nekkaz : «Les élus français ne veulent plus de l'islam et des musulmans en France»