Au lieu de lutter contre les groupes djihadistes en Syrie, les Etats-Unis leur accordent leur soutien. Gerard Horne, auteur et historien, explique pourquoi.
Le cessez-le-feu national en Syrie a commencé le 12 septembre à 19h à Damas après le marathon de négociations entre la Russie et les Etats-Unis de plusieurs mois. Selon le ministère russe de la Défense, Moscou et les Etats-Unis vont créer un centre commun pour définir les cibles terroristes.
La trêve inclut la cessation des hostilités et la création d’une zone démilitarisée autour d’Alep. Le gouvernement syrien a accepté de cesser ses frappes aériennes dans certaines régions, en évitant les groupes d’opposition non liés aux groupes terroristes, comme le Front Al-Nosra ou Daesh.
Si le cessez-le-feu est respecté pendant au moins une semaine, les Etats-Unis et la Russie procéderont à des frappes militaires conjointes contre les groupes terroristes.
Parmi les objectifs initiaux de l’accord figurent également l’accès humanitaire aux zones assiégées.
Les Etats-Unis ont intérêt à destituer le président Assad plutôt qu'atteindre un règlement au niveau régional et la paix
RT : Alors que les Etats-Unis et la Russie semblent prêts à coopérer, cela peut-il à votre avis affecter la situation dans la région ?
Gerald Horne (G. H.) : Espérons que cela aura une influence positive sur la région. Je me souviens de ce que le président Obama a déclaré lors de la réunion du G20 en Chine, après sa rencontre avec le président Poutine, évoquant un «manque de confiance» entre les deux pays. Il n'a pas rappelé que ce manque de confiance trouvait son origine dans l'intervention américaine irréfléchie en Libye, qui était censée, selon les Etats-Unis, protéger les populations civiles au moment du changement de régime. Cela a empoisonné les relations entre Moscou et Washington ; cela a également empoisonné les relations entre l’Union africaine et Washington. Cela perturbe et trouble encore les efforts pour arriver à un règlement en Syrie, car beaucoup de personnes dans la région ont l'impression que les Etats-Unis ont intérêt à ce que le régime change. C’est-à-dire destituer le président Assad plutôt que trouver une solution au niveau régional et la paix.
RT : Malgré les mesures prises par les deux parties, certains responsables américains semblent sceptiques par rapport à cet accord. Qu'en pensez-vous ?
G. H. : Je pense que cela nous éloigne de la question principale. Comme je le comprends, ce nouvel accord n’empêche pas Damas d'attaquer les forces liées à Daesh ou à Al-Qaïda. Le problème pour les Etats-Unis, c'est que les soi-disant rebelles modérés qu'ils soutiennent se mêlent souvent aux forces soutenues par Al-Qaïda.
RT : La Maison Blanche a été critiquée pour son soutien à des groupes suspects de l’opposition syrienne «modérée» comme Ahrar Al-Sham. Croyez-vous que les autorités américaines aient raison de nier leurs responsabilités, sans couper les ponts avec des groupes qui continuent à perturber la paix dans le pays ?
Les Etats-Unis sont au sens figuré dans le même lit que les forces d’Al-Qaïda en Syrie
G. H. : Il est ironique que 24 heures après la célébration solennelle à Washington, à New York et en Pennsylvanie du 15e anniversaire de l'attaque d’Al-Qaïda contre les Etats-Unis, les Etats-Unis soient au sens figuré dans le même lit que les forces d’Al-Qaïda en Syrie [en se battant contre Bachar el-Assad]. Cela met en lumière, à mon avis, les contradictions et l’hypocrisie de la politique étrangère américaine.
RT : La création d'un nouveau gouvernement syrien est-elle possible au vu des fortes divergences existant entre Moscou et Washington quant à la succession de Bachar el-Assad ? Quelles mesures faut-il prendre en premier lieu pour résoudre ce problème ?
G. H. : Une partie du problème est qu’un allié proche des Etats-Unis, l’Arabie saoudite, souhaite le départ de Bachar el-Assad de Damas. Rappelons-nous, récemment et peut-être même maintenant, Ankara y aspire également. Ankara, c'est bien sûr le flanc sud-est de l’OTAN dominée par les Etats-Unis. Vu que ces deux alliés de Washington cherchent à destituer le président Assad, arriver à un accord sera extrêmement difficile, parce que, comme l'a bien souligné Moscou, c'est le peuple syrien qui devrait choisir son dirigeant et pas l'Arabie saoudite ni la Turquie et encore moins les Etats-Unis.
RT : A quoi peut-on s'atteindre sur le terrain en Syrie ?
G. H. : Ce à quoi je m'attends, c'est que le régime de Bachar el-Assad coordonne ses actions avec Moscou, qui fera de même avec Washington. Je pense que cela permettra d'éviter à Washington de coopérer avec Bachar el-Assad, diabolisé non seulement à Washington, mais également dans les principaux médias américains. La meilleure configuration serait que Damas coopére avec Moscou et ensuite, Moscou, avec Washington.
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