La fragmentation de l'UE, conséquence du Brexit : l'Autriche sera-t-elle la prochaine à sortir ?

Les partis d'extrême droite essaient d'obtenir plus d'autonomie au sein de l'UE en mettant le référendum à l'ordre du jour, ce qui leur donnerait un moyen de pression contre l'Allemagne, estime l’écrivain et journaliste politique Mark Bergfeld.

Certains supposent que l'UE devrait s'attendre à un nouveau départ. Certains médias prédisent en effet que l'Autriche s'apprête à suivre l'exemple de la Grande-Bretagne. Et cela, alors que Nobert Hofer, le candidat d’extrême droite défait en mai dernier lors de la présidentielle autrichienne, se voit offrir une seconde chance. La Cour constitutionnelle autrichienne vient en effet d'invalider le résultat du vote.

Le président de la République tchèque, Milos Zeman, a pour sa part récemment déclaré qu'il souhaitait adopter la même approche. Milos Zeman admet être personnellement contre l'idée de quitter l'UE, tout en soulignant qu'il ferait tout pour que le peuple ait la possibilité d'exprimer sa volonté.

Selon une étude effectuée par le Conseil européen des relations internationales, le Brexit pourrait déclencher un tsunami politique, les référendums étant un moyen de défier les partis bien implantés sur des sujets tels que l'adhésion à l'UE et l’immigration.

RTLes esprits critiques prétendent qu’une nouvelle élection présidentielle pourrait porter un autre coup à l'UE. Etes-vous d'accord ?

Mark Bergfeld : Après le vote sur le Brexit, l'UE est face à un risque immense de fragmentation. Il est clair que l'Autriche est un pays qui peut potentiellement quitter l'UE, étant donné qu'en fermant unilatéralement ses frontières en été 2015, les accords de Shengen et de Dublin devenant caducs, elle n'a pas suivi la politique de Merkel. Ce nouveau vote lors de l'élection montrera si nous aurons un nouveau sujet à débattre : celui de la sortie potentielle de l'Autriche de l'UE. 

Les Autrichiens sont conscients du fait qu'élire quelqu'un comme Norbert Hofer nuira à la réputation du pays

RTQue deviendront l'Autriche et l'Europe en général, si le candidat de l'extrême droite Norbert Hofer remporte l'élection en septembre ?

M. B.  : Tout d'abord, je crois que Norbert Hofer, qui est de la droite vraiment extrême, a lancé une campagne contre les musulmans et milite principalement contre les immigrés, a peu de chances de remporter cette élection. Je suis persuadé que beaucoup d'Autrichiens ont été choqués par les résultats du dernier scrutin, qu'il a failli remporter devant le candidat des Verts.

Ce que nous allons voir, c'est que les gens vont se réunir derrière le candidat des Verts au lieu de Norbert Hofer, parce que c'était un choc réel en Autriche. En effet, cela menace également leur position en Europe. Je pense que les Autrichiens sont conscients du fait qu'élire quelqu'un comme Norbert Hofer nuira à la réputation du pays, en particulier au tourisme et aux étroites relations avec l'Allemagne.

RTNorbert Hofer prétend qu'il préfère réformer l'Union plutôt que la quitter. Est-ce réaliste ?

M. B. : A mon avis, il existe à présent deux tendances qui pourraient influencer l'avenir de l'UE. D'un côté, nous pouvons voir que la crise persistante dans l'Union européenne a débouché sur un niveau de centralisation plus élevé. Si vous pensez à la crise grecque et à la crise des frontières, vous verrez comment elles ont contribué au renforcement de l'intégration entre les différents Etats européens dans le cadre de l'UE.

D’un autre côté, vous pouvez également être témoins d’appels au fédéralisme lancés au sein de l’UE et ils sont de plus en plus intenses. Ce que Norbert Hofer et les partis de droite à travers l'Europe essaient de faire maintenant, c'est d'acquérir plus de fédéralisme et d'autonomie dans le cadre de l'UE, en mettant le référendum à l'ordre du jour, pour avoir plus de moyens de pression contre la superpuissance allemande en Europe.

Il y a beaucoup de choses dans l’UE qui méritent d'être critiquées

RTUne étude effectuée par le Conseil européen des relations internationales indique que des partis alternatifs, à travers l'Europe, appellent à tenir des dizaines de référendums. Est-ce que Bruxelles en tiendra compte ? 

M. B. : Personnellement, je crois qu'il y a beaucoup de choses dans l’UE qui méritent d'être critiquées. Tout d'abord, le fait-même que c'est une institution néo-libérale et un cadre néo-libéral qui n'autorise pas les politiques économiques progressistes susceptibles de profiter à la grande majorité de la population. On peut la critiquer pour son caractère bureaucratique et son manque de responsabilité. L'extrême droite, la droite et les eurosceptiques utilisent toujours les mêmes arguments. Ce qu'ils ne font vraiment pas, c'est représenter le peuple dont ils se disent les représentants.

Si on prend en compte les financements qu'ils reçoivent et leur manière de s’appuyer sur les grands milieux d'affaires, cela ne correspond pas à la rhétorique qu'ils utilisent. [L’Union européenne] est composée d’Etats membres différents. Etant donné qu'ensemble les Etats membres sont plus forts que les Etats-Unis et même que le nouveau groupe des BRICS  (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), ils resteront dans l'UE, et Bruxelles va s'adapter en fonction de la pression politique émanant de ses Etats membres.

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