L'invalidation du vote autrichien, «un coup de tonnerre»

L’Autriche pourra-t-elle suivre l’exemple du Royaume-Uni, si le Parti de la liberté (FPÖ) accède au pouvoir ? Le géopoliticien Cyrille Bret analyse les changements du paysage politique autrichien.

RT France : Vous attendiez-vous à l'invalidation des résultats du vote présidentiel en Autriche ?

Cyrille Bret (C.B.) : Est-ce qu’on pouvait s’attendre à une invalidation ? Non, c’est un coup de tonnerre sûrement dans la vie politique autrichienne. Les cercles politiques européens avaient poussé un soupir de soulagement au moment où les résultats du vote par correspondance le 23 mai étaient dépouillés. Le recours déposé ensuite par le FPÖ auprès de la Cour constitutionnelle pour invalider le scrutin a évidemment reçu une attention bien moindre de la part des observateurs. Est-ce qu’on pouvait s’attendre à l'invalidation ? C’est une première en Autriche, mais la science politique montre que dans d’autres échiquiers politiques, notamment aux Etats-Unis, les élections qui sont très étroites donnent lieu à des contestations et aboutissent parfois à des invalidations. En pur droit constitutionnel, cette invalidation pouvait être prévue. Pour moi c’est une surprise. Les irrégularités de procédure, pas des manipulations, les voix qui sont passées par la Cour constitutionnelle peuvent aussi bien ne pas conduire à l’invalidation du scrutin. Effectivement cela va reconduire pour l’automne tous les débats ayant eu lieu.

RT France : Croyez-vous à cette mauvaise foi du décompte des voix ?

C.B. : L’autorité qui doit être crue, c’est le tribunal constitutionnel. Il n’y a pas d’ irrégularités et de manipulations qui sont incriminées, c’est vraiment les questions de procédure qui sont pointées. Les standards électoraux de l’Autriche sont extrêmement élevés, c’est une démocratie très solide.

RT France : Concernant l’état général de la scène politique en Autriche, comment est-ce que le paysage politique va évoluer avec un FPÖ si fort ?

C.B. : Que l’élection soit invalidée ou non,que ce soit le FPÖ ou non qui remporte la prochaine échéance, l’essentiel de la transformation du paysage politique autrichien est déjà fait, le rouge et le noir des socio-démocrates et des conservateurs FPÖ et ÖVP a déjà disparu. Ils ont atteint un étiage à 11% chacun. Les deux grands partis qui ont structuré toute l’histoire politique de l’Autriche depuis le retrait des forces alliées en 1956 jusqu’à maintenant ne peuvent plus être les forces centrales et sont des forces marginales. C’est ce qui s’est aussi passé en Grèce. Il y a donc une vraie recomposition, et la question qui se pose pour le scrutin de l’automne, c’est si les forces traditionnelles, FPÖ et ÖVP, et les forces ascendantes du camp anti-FPÖ, les indépendants et les écologistes, vont être en mesure de rééditer leur campagne pour se rallier derrière un candidat capable de freiner l’ascension de FPÖ. C’est vraiment un grand point d’interrogation pour l’automne.

 La comparaison n’est vraiment pas raison entre Royaume-Uni et l’Autriche

RT France : Vu que le FPÖ milite pour un référendum sur la sortie de l’UE, si le FPÖ accède au pouvoir, pensez-vous que ce vote pourrait faire basculer le prochain scrutin ? Est-ce que la population en faveur de la sortie pourra se mobiliser davantage pour la FPÖ ?

C.B. : Non, ça n’a pas été le cas pour la précédente campagne et je vois mal comment ça peut l’être. C’est que l’Autriche est un petit pays qui ne peut pas vivre sans être intégré, c’est un pays enclavé. A la différence du Royaume-Uni, il a vu son territoire considérablement réduit suite aux conflits mondiaux. La principale force critique à l’égard de l’Union Européenne, le FPÖ, n’est pas du tout sur une ligne de UKIP au Royaume-Uni. Il est pour que le peuple ait plus de voix, mais pas pour une sortie. Il suffit simplement de regarder comment est structurée l’économie autrichienne. C’est une économie d’industrie d’exportation, elle exporte vers ses voisins européens immédiats et c’est une économie de services, notamment bancaires et financiers qui est la mini-City dont se servent les Balkans pour fonctionner financièrement. Par son infrastructure économique, ce pays ne peut pas sortir de l’UE. Quand le FPÖ réclame un référendum sur l’appartenance de l’Autriche à l’UE, c’est plus pour pointer le retour du pouvoir au peuple que pour prendre un véritable agenda anti-européen. La comparaison n’est vraiment pas raison entre Royaume-Uni et l’Autriche. 

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