Renforcer l'UE après le Brexit ? Paris et Berlin «n’ont rien compris à ce qui se passe»

D'après leur déclaration, les ministres des Affaires étrangères français et allemand veulent augmenter le niveau d’intégration entre les membres de l'UE, ce qui a provoqué une vive réaction chez les hommes politiques que RT France a pu interroger.

Après la victoire du Brexit, un nouveau concept d’Union caractérisé par un degré d’intégration très élevé de ses membres a vu le jour. Le document, baptisé Une Europe forte dans un monde d'insécurité a été publié le 27 juin sur le site internet du ministère allemand des Affaires étrangères.

Est sourd celui qui ne veut pas entendre

Dominique Jamet, vice-président de Debout la France, explique que c’est encore une initiative des gouvernements qui rentre en contradiction avec ce que désirent les peuples européens :

«C’est tout simple, il y a un proverbe français : est sourd celui qui ne veut pas entendre. A plusieurs reprises ces derniers temps un certain nombre des peuples européens ont exprimé de diverses manières leur mécontentement à propos de la façon dont l’Union européenne fonctionnait, et toutes ces manifestations de mécontentement allaient dans le même sens – à tort ou raison : les peuples des pays membres de l’Union européenne estiment que l’Europe est trop présente, trop directive, trop réglementaire, trop normative, trop supranationale etc. Et la réponse, si je comprends bien, que donnent dans ce communiqué commun les ministres des Affaires étrangères français et allemand est qu’il faut aller plus loin dans le sens d’une union étroite des pays européens, dans le sens d’un gouvernement économique commun et dans le sens d’une coopération entre Etats et dans le sens complétement inverse des désirs des peuples exprimés à plusieurs reprises ces derniers temps et de plus en plus fort par de divers peuples européens, y compris en Allemagne à la suite de l’émergence de l’AfD ou en France à la suite de l’essor du Front national. C’est-à-dire que nous avons des gouvernements qui sont d’une certaine manière sommés par les peuples de se rapprocher d’eux et ils persistent au contraire à s’éloigner sans cesse davantage de leur base populaire et démocratique.»

Les peuples d’Europe ne veulent à aucun prix d’un super-Etat européen

Bruno Gollnisch, député européen, membre du bureau politique du Front national (FN), fustige l’idée d’une construction quasi-étatique de l’Union européenne tout en admettant la nécessité d’une coopération intra-européenne :

«Cela prouverait qu’ils n’ont rien compris à ce qui se passe : c’est-à-dire qu’il y a un rejet de plus en plus important de l’Union européenne par des franges de plus en plus importantes des peuples d’Europe. Ils veulent bien d’une coopération inter-européenne, qu’il y ait des projets industriels, scientifiques, d’échanges culturels, de transports communs, mais ils ne veulent à aucun prix d’un super-Etat européen qui serait destructeur de leur liberté, de leur indépendance.

Ça s’appelle une politique suicidaire

Surtout que ce super-Etat européen est inféodé aux Etats-Unis, aux intérêts mondialistes, qu’il accumule des contraintes bureaucratiques et qu’il ouvre le marché européen sans protection à tous les flux de personnes, de marchandises et de capitaux venant du monde entier. Les gens ne veulent pas de cela.
Alors, si la seule réaction à ce qui vient d’être décidé par la majorité du peuple britannique, c’est d’aller encore plus loin dans ce sens, ça s’appelle une politique suicidaire».

C’est une proposition d’avancer vers un Etat fédéral

Jérôme Lambert, député socialiste, défend l’idée d’aller jusqu’à remplacer l'UE par un Etat fédéral :

«Ce que disent les ministres, c’est finalement une proposition d’avancer vers un Etat fédéral. Beaucoup d’Etats sont des Etats fédéraux dans le monde. L’intégration européenne pourrait se faire avec des politiques particulières en commun et puis, chaque Etat a son propre modèle, par exemple, sa politique fiscale, sociale, mais il y a une forme d’harmonisation au niveau de l’Etat fédéral. Cela implique évidemment un nouveau traité, je pense que ce sera compliqué aujourd’hui, parce que proposer un nouveau traité c’est risquer de ne pas pouvoir le mettre en œuvre. A mon avis, il faut beaucoup de pédagogie, beaucoup d’explications et de véritables perspectives qui soient claires et intéressantes pour les citoyens».

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