Royaume-Uni : sortir ou ne pas sortir, telle est la question

A quelques jours du référendum, les indécis comme le journaliste David Watson feront la différence. Mais, «d'une façon ou d'une autre le Royaume-Uni restera dans l'Union», prédit-il.

Introduire une monnaie unique a été un bon tour de passe-passe : l’euro constitue une monnaie artificiellement dévaluée pour les économies les plus fortes et surévaluée pour les économies les plus faibles… Mais personne ne veut l’admettre.

Du moins, c’était le cas jusqu’à ce que des économies plus faibles comme celle de la Grèce, du Portugal, de l’Espagne ou de l’Irlande s’écroulent sous la pression.

«Austérité !» pleurnichait l’Union européenne tout en réclamant pour elle un budget plus important, mais elle s’est montrée charitable et a accepté de renflouer les caisses des petits pays, non sans leur imposer des conditions draconiennes.

Bravo la démocratie ! Les Grecs ont été forcés, par les membres de la Commission européenne non élus, le FMI et la Banque centrale européenne, de faire exactement le contraire de ce pourquoi ils avaient élu leur gouvernement

Étonnamment, les Grecs ont fait le dos rond et ont accepté les exigences qu’on leur a imposées afin d’être autorisés à garder la même monnaie – celle qui leur avait valu tous leurs déboires. Les salaires du secteur public ont été drastiquement réduits, les impôts ont grimpé et les services fournis par l’Etat ainsi que les industries nationales les plus rentables ont été sélectionnés et privatisés par des banques étrangères qui ont récolté les bénéfices dont le pays avait tant besoin.

Bravo la démocratie ! Les Grecs ont été forcés, par les membres de la Commission européenne non élus, le FMI et la Banque centrale européenne, de faire exactement le contraire de ce pourquoi ils avaient élu leur gouvernement, afin de renforcer une monnaie qui profite aux membres les plus riches de l’UE, bien davantage qu’à ses membres les plus pauvres.

Une remarque qui a son importance : un peu avant le Traité de Rome, l’Allemagne ne s’était toujours pas relevée, elle faisait face à une inflation incontrôlable et à des demandes de réparations de guerre élevées, le tout alors qu’elle était criblée de dettes et que sa monnaie ne valait plus rien. A cette époque, la Grèce (et beaucoup d’autres pays) a accepté d’annuler toutes les dettes de l’Allemagne. Cette générosité a joué un rôle considérable dans la relance de l’économie allemande. Si les obligations financières de l’après-guerre [la Seconde Guerre mondiale] avaient été appliquées, l’Allemagne serait un tout autre pays aujourd’hui.

Bien sûr, l’Union européenne n’est pas responsable de tous les maux qu’on lui attribue

La question figurant sur le bulletin de vote du mois de juin sera officiellement : «Le Royaume-Uni doit-il rester membre de l’Union européenne ou doit-il sortir de l’Union européenne ?» Plus j’y pense et plus il me semble impossible de donner une réponse dont je suis sûr.

Bien sûr, l’Union européenne n’est pas responsable de tous les maux qu’on lui attribue. La faute en incombe aux gouvernements et aux fonctionnaires qui appliquent la législation européenne dans leurs pays. De ce point de vue-là, il y a beaucoup d’inégalités. Prenons l’exemple des marchés de produits fermiers en Italie et au Royaume-Uni. Ces deux pays ont une application – quand ils en ont une – bien différentes des régulations sur l’hygiène des denrées alimentaires.

Prenons un autre exemple, celui des salles communales. Depuis que l’Union européenne existe, elles sont de moins en moins nombreuses au Royaume-Uni, à cause des cuisines ! Les endroits où sont préparés des plats destinés au commerce doivent être conformes aux régulations et aux critères d’hygiène de l’Union européenne.

Il n’y a pas d’Union européenne réformée

«Bonne idée !» vous me direz, et ceux qui ont déjà eu une intoxication alimentaire dans un restaurant douteux seront sûrement d’accord. En conséquence, partout en Europe, les fonctionnaires ont commencé – ou pas – à appliquer les nouvelles règles de sécurité et d’hygiène. Les régulations établissaient des standards très clairs, les surfaces de travail doivent être faciles à nettoyer, sans recoins où les morceaux de nourritures peuvent tomber et s’accumuler et les bactéries proliférer. Le problème est que ces régulations ne prévoyaient pas de définition du mot «commercial».

On peut penser que le mot commercial fait référence à une entreprise. Les fonctionnaires britanniques ne l’ont pas interprété de cette façon et ont décidé que «commercial» faisait référence à n’importe quel endroit où l’on vendait de la nourriture, peu importe laquelle et son prix !

Les régulations de l’Union européenne ne spécifient nulle part que des œuvres caritatives vendant du thé et des gâteaux pour récolter des fonds pour la bonne cause dans une salle communale doivent être considérées comme des entreprises commerciales, mais les autorités britanniques en ont décidé autrement. Certaines communes ont trouvé les fonds nécessaires pour moderniser leurs installations, mais beaucoup n’ont pas pu se permettre de telles dépenses et ont dû fermer leur pittoresque salle communale, étant dans l’incapacité d’y organiser des événements où de la nourriture et des boissons seraient servis.

Les fonctionnaires n’ont pu que s’excuser pour le désagrément occasionné et les gens se sont mis à rouspéter en maudissant l’Europe, alors que dans beaucoup d’autres régions en Europe, on interprétait les mêmes règles différemment et on continuait comme avant.

Bruxelles est tellement reconnue pour son niveau de corruption et d’inefficacité que les gens ne s’en plaignent même plus

La sortie est-elle la solution ?

C’est évidemment la réponse la plus facile au référendum ; l’Union a ses avantages et ses inconvénients. Et aucun ne m’aide à prendre une décision. Pour mieux comprendre les enjeux de la question, j’ai imaginé qu’on nous posait plusieurs questions.

Commençons avec ce qui a entraîné le référendum, la promesse de David Cameron. Le Premier ministre a promis de mener des négociations à Bruxelles (ou Strasbourg), puis de demander au public s’il souhaitait rester dans une Union européenne réformée. Il est revenu triomphant, affirmant qu’il avait obtenu les changements qu’il voulait (plus ou moins) et qu’il était maintenant prêt à demander au peuple s’il souhaitait rester dans l’Union européenne réformée.

Néanmoins, les résultats des négociations du Premier ministre sont un peu différents. Il n’a pas obtenu une seule réforme de l’Union européenne. Ce qu’il a négocié ne sont que quelques concessions limitées et qui ne concernent que l’adhésion du Royaume-Uni, pas des réformes de fond. Il n’y a pas d’Union européenne réformée, et les concessions qu’il a eu du mal à obtenir expireront d’ici quelques années, après quoi nous retournerons à notre statu quo avec l’Europe, comme avant, allant vers «une union toujours plus étroite» (sauf pour le Royaume-Uni, et c’est là notre seule concession qui n’a pas de date butoir).

L’Union européenne peut-elle devenir plus démocratique et en finir avec la corruption et le gaspillage ?

Si la question était doit-on rester dans une union composée de pays qui veulent les mêmes choses et coopèrent de manière constructive pour faciliter les échanges commerciaux et les voyages entre pays membres, je crierais un grand «OUI !» Mais ce n’est pas la question qu’on nous pose, c’est ce que l’Union européenne aurait dû être et c’est certainement ce à quoi les gens dans le référendum de 1975 pensaient dire «oui».

Les frais d’adhésion pour le Royaume-Uni s’élèvent à plusieurs millions d’euros par semaine (l’estimation la plus basse que j’ai pu trouver est 160 millions d’euros). Il est vrai que ces frais sont moins élevés que ceux de l’Allemagne, mais le secteur industriel britannique n’est plus aussi important qu’avant, alors que celui de l’Allemagne l’est resté, ce qui explique que les frais d’adhésion pour l’Allemagne soient un petit prix à payer pour conserver son potentiel d’exportations.

Les blagues sur la corruption et l’inefficacité de l’Union européenne fusent. En réalité, Bruxelles (et Strasbourg) est tellement reconnue pour son niveau de corruption et d’inefficacité que les gens ne s’en plaignent même plus, on voit ça presqu’avec une certaine affection, comme on regarde un enfant malicieux qui va faire des bêtises, mais bon, il est comme ça, et on fait semblant de ne pas voir ses bêtises parce que ça nous donnerait trop de travail sinon. Tapez «corruption UE» sur n’importe quel moteur de cherche et vous verrez le nombre incroyable de résultats, la plupart dans les médias.

La corruption est omniprésente à un point tel dans l’Union européenne que personne n’essaye plus vraiment de la combattre.

L’Union européenne est devenue une bureaucratie lourde et corrompue, non démocratique, qui contrôle tout et gaspille énormément d’argent

Si la question posée sur le bulletin était : «Voulez-vous toujours faire partie d’une institution corrompue et inefficace qui gaspille des milliards de (insérez la devise que vous voulez) chaque année ?» ma réponse serait catégorique. Evidemment, personne ne va poser cette question, n’est-ce pas ?

Il y a une autre question qu’on ne nous posera jamais : «L’Union européenne peut-elle devenir plus démocratique et en finir avec la corruption et le gaspillage ?» Bien sûr qu’elle le pourrait, mais ce n’est pas la question, la vraie question qu’on devrait nous poser c’est : «Va-t-elle le faire ?» J’en suis beaucoup moins sûr. Le changement requiert un accord et n’importe lequel des 28 membres peut poser son véto à tout changement qu’il considère être contraire à ses intérêts. Avec la structure actuelle de l’Union européenne, les plus corrompus devraient voter pour mettre fin à leur «travail» pour qu’un véritable changement se produise. Cela reviendrait à demander à des mafieux de se contrôler entre eux et de se mettre d’accord pour envoyer l’un d’entre eux derrière les barreaux.

J’aime, plutôt j’adore l’idée d’une Europe unie, mais je dois admettre que j’aimais recevoir un tampon sur mon passeport chaque fois que je passais la frontière d’un pays européen et je déteste ce qu’est devenue l’Union européenne : une bureaucratie lourde et corrompue, non démocratique, qui contrôle tout et gaspille énormément d’argent.

On m’a récemment suggéré de voter pour rester dans l’Union européenne afin que le Royaume-Uni puisse se battre pour la changer depuis l’intérieur, pour la rendre meilleure. C’est une idée aussi noble que l’idée de former la Communauté économique européenne en 1957, mais je crains que les intérêts particuliers de certains (et ils sont déjà trop nombreux) ne soient compromis si l’Union européenne devait vraiment changer et devenait ce qu’elle aurait pu ou aurait dû être.

Les deux camps se basent sur la peur pour motiver leurs électeurs

Evidemment, cela va être serré, et seule une petite proportion de la population fera la différence dans ce référendum. Les derniers sondages montrent qu’il y a presque autant d’eurosceptiques que de personnes qui veulent rester dans l’Union européenne. Les deux camps ont des opinions tellement tranchées qu’ils n’en changeront jamais. Ce sont des gens qui ne savent pas encore vraiment quoi voter, des gens comme moi, qui feront la différence !

Convaincre les personnes qui ne se sont pas encore décidées ne sera pas chose facile car, d’après ce que je constate, les deux camps ne s’appuient pas sur des faits et se basent sur la peur pour motiver leurs électeurs.

Je ne serais pas surpris de voir les gros titres afficher «Tous les nouveaux nés mourront si le Royaume-Uni quitte/reste dans l’Union européenne». Cela n’est pas encore arrivé, mais je suis sûr que ce n’est qu’une question de temps ! Difficile de produire des éléments lorsqu’il s’agit de comprendre les enjeux et les conséquences des deux décisions, mais les deux camps sont trop occupés à m’expliquer quelle serait l’horreur inévitable qu’entraînerait le «mauvais» vote !

Le seul problème maintenant, c’est qu’après avoir essayé d’explorer les pour et les contre, je suis déchiré entre les idéaux sur lesquels l’Union européenne a été fondée et la haine que j’éprouve envers ce qu’elle est devenue. J’ai également le sentiment que, d’une façon ou d’une autre, une manipulation technique ou de procédure fera que le Royaume-Uni restera dans l’Union européenne, quelque soit le résultat. Après tout, il est peu probable que David Cameron ait autorisé le référendum s’il n’était pas sûr du résultat.

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