RT : Selon un sondage TNS Sofrès pour Le Figaro, François Hollande serait éliminé dès le 1er tour dans quasiment tout les cas de figure. Comment interprétez-vous ce sondage ? Est-il possible de rassembler la gauche et comment ?
Benjamin Lucas (B.L.) : Ce sondage illustre ce qu’on voit depuis 2012 : nous perdons progressivement nos électeurs à gauche. On l’a observé dans toutes les élections intermédiaires, locales et nationales. Le sujet n’est pas de savoir lequel d’entre nous peut faire 15% pour arbitrer entre la droite et l’extrême droite au second tour, mais comment collectivement on se donne les moyens de l’emporter. Pour cela il faut rassembler la gauche, mais elle ne peut pas s'unir si on ne mène pas une politique capable de faire la synthèse et de la rassembler. Nous avons un an pour corriger le tir.
Nous avons un an pour corriger le tir
C’est d’autant plus compliqué de rassembler la gauche lorsqu’on considère que le code du Travail, les protections des salariés sont des freins à l’emploi. C’est compliqué de rassembler lorsqu’on soutient la déchéance de nationalité, une idée qui ne vient pas du tout de notre famille politique. Mais rien n’est jamais terminé et la gauche a toujours été une histoire de compromis. Pour faire des compromis il faut respecter un cadre d’engagements communs qui place l’égalité au cœur de tout et le progrès, les droits et les protections des plus faibles au centre de tout.
J’ai l’impression que Jean-Luc Mélenchon est plus dans une démarche d’exclusion que de rassemblement
Jean-Luc Mélenchon pense qu’il y a deux gauches irréconciliables. Si on part de ce principe ce n’est même pas la peine d’aller aux élections. La gauche se fera balayer au second tour par le Front national. Je crois qu’il n’y a qu’une gauche, qui est certes divisée aujourd’hui, et c’est en grande partie notre responsabilité, à nous socialistes, car nous avons mené des politiques qui ont divisé la gauche à bien des égards. Je ne crois pas que Jean-Luc Mélenchon incarne la gauche, il incarne une partie de la gauche, et je souhaite qu’on puisse demain tous travailler ensemble. Cependant j’ai l’impression que Jean-Luc Mélenchon est plus dans une démarche d’exclusion que de rassemblement.
RT : Anne Hidalgo a dressé un bilan peu élogieux du quinquennat de François Hollande, selon elle il a «tourné le dos à ses engagements» et elle le rendra responsable de la défaite de la gauche qui d'après elle se dessine en 2017.
B.L. : Anne Hidalgo est une responsable politique de premier plan, qui gère la plus grosse collectivité de France, c’est une femme de gauche qui n’a en rien renoncé à ses convictions et qui les applique tous les jours. Le jugement qu’elle a sur le quinquennat n’est pas que le sien, mais est aussi celui des électeurs de gauche. Aujourd’hui il n’y a pas que des responsables socialistes qui sont déçus mais toutes celles et ceux qui ont fait la victoire de 2012.
RT : Etes-vous en faveur des primaires à gauche ? François Hollande doit-il être candidat en 2017 ?
B.L. : C’est au président de décider de sa candidature. Les primaires sont un bon outil pour permettre le rassemblement car ça permet de débattre avant le premier tour. Et donc d’éviter de partir divisés au premier tour ce qui nous éliminerait du second tour. Si François Hollande veut être candidat, il doit pouvoir l’être, mais les primaires sont une compétition.
Si François Hollande veut être le candidat de la gauche, il aura à se soumettre aux règles qui seront fixées par les socialistes
Tant qu’on sera dans une logique d’affrontement de personnes, on ne s’en sortira pas. La gauche ça doit être la culture du rassemblement et pour ça il faut débattre du fond et être exigeant.
Si François Hollande veut être le candidat des socialistes, le candidat de la gauche, il aura à se soumettre aux règles qui seront fixées par les socialistes. Le PS s’est prononcé pour une primaire à gauche. François Hollande a été capable de rassembler en 2012 ; je ne sais pas s’il en sera capable en 2017, c’est l’avenir qui nous le dira. Mais aujourd’hui, si on remplace François Hollande par Emmanuel Macron est ce que la politique est différente ? Je ne pense pas. Il en est de même pour Manuel Valls, est-ce que ça va changer quelque chose ? Je ne pense pas non plus.
Ne résumons pas les échecs qu’on a pu connaître simplement à François Hollande. C’est toute la gauche qui a échoué sur certains sujets. Hollande est le premier responsable de son bilan, car c’est lui le président de la République. Mais toutes celles et ceux qui ont participé et qui participent aujourd’hui à ce quinquennat portent une part de responsabilité.
R.T : Concernant le mouvement Nuit Debout, en tant que président des MJS, comment percevez-vous ce mouvement ? Que dire des violences qui l’entourent et des reproches qui lui sont faits par plusieurs partis politiques ?
B.L : Tout ce qui amène de la politique, de l’optimisme, qui permet de faire vivre et de donner un nouveau souffle à la démocratie est positif. C’est le cas de Nuit Debout, de la pétition contre la loi Travail qui réunit plus d’un million de signatures, de la mobilisation des jeunes dans la rue, de toutes les initiatives locales soit pour défendre des étudiants sans papiers, soit pour lutter contre un projet nocif à l’environnement.
Une génération de jeunes qui n'a pas envie de se résigner au monde tel qu’il est
Tout ça montre qu’on est un pays qui a envie de faire de la politique et qu’on a notamment une génération de jeunes qui n’a pas envie de se résigner au monde tel qu’il est.
Toutes les violences sont condamnées elles ne servent absolument pas la cause des manifestants. Il faut aussi noter les violences policières qui ont pu exacerber les tensions, mais notre rôle est d’apaiser les choses. J’étais personnellement dans les manifestations et j’ai constaté que l’écrasante majorité des manifestants sont pacifiques et font de la politique, défendent des idées et non la violence.
Il ne faut pas tout attendre de Nuit Debout. C’est un rassemblement spontané de personnes qui ont envie d’influencer la façon dont on fait de la politique aujourd’hui dans ce pays et en Europe. Il faut prendre les choses comme elles sont et ne pas tout attendre de ce mouvement.