L’émergence de l’AfD comme troisième force politique allemande, à l’occasion des élections partielles, est une claque pour Angela Merkel. Mais elle témoigne également d’un vrai problème identitaire en Allemagne et chez les jeunes.
Appelés à voter dimanche dernier dans trois Etats : le Bade-Wurtemberg, la Rhénanie-Palatinat et, à l’est, la Saxe-Anhalt, 13 millions d’Allemands ont réservé un triomphe au parti Alternative pour l’Allemagne (AfD) et infligé une défaite sans précédent à la fois à l’Union chrétienne-démocrate (CDU) et au parti social-démocrate (SPD). Ce résultat est d’autant plus incontestable que, dans ces trois Etats, la participation a été bien plus élevée que lors des précédentes élections. L’AfD a obtenu près de 11 % des voix en Rhénanie-Palatinat, 15 % des voix dans le très riche Bade-Wurtemberg et près de 24 % des voix en Saxe-Anhalt où elle est clairement le deuxième parti, derrière la CDU. De fait ce parti, qui fait de sa lutte contre la politique migratoire d’Angela Merkel, son principal cheval de bataille est devenu la troisième force politique d’Allemagne.
Les électeurs ne se sont pas laissés berner par la propagande officielle
Qu’est ce que cela signifie ? D’abord que les électeurs ont voulu sanctionner la politique d’Angela Merkel, et son chèque en blanc accordé au million de migrants qui ont envahi l’Allemagne en un an. Mais selon certains sondages réalisés à la sortie des bureaux de vote des urnes, ils ont également voulu signifier leur opposition aux injustices sociales. Et ce qui est très intéressant c’est que l’AfD réalise de très bons scores notamment chez les électeurs les plus jeunes, qui se sentent donc plus menacés que les retraités par ces flux migratoires incontrôlés.
Ensuite le succès de l’AfD est celui d’une femme, Frauke Petry, qui a pris les rênes de ce parti au milieu de l’été dernier, au moment précis où les migrants envahissaient l’Allemagne. Jusque là, l’AfD dirigée par son fondateur, Bernd Lücke, n’était qu’un simple parti eurosceptique, qui s’était illustrée dans la bataille contre les largesses européennes faites à la Grèce. En prenant la direction de ce parti cette jeune femme de 40 ans a clairement fait comprendre que son ambition était de créer une nouvelle force politique clairement ancrée à droite sur le plan sociétal et libérale sur le plan économique. Il ne faut pas oublier qu’à l’instar d’Angela Merkel, c’est une ingénieure qui a grandi en RDA et qui dirige aujourd’hui une entreprise. De même si Angela Merkel est la fille d’un pasteur, Frauke Petry est l’ex-épouse d'un pasteur protestant avec qui elle a eu quatre enfants
Cette jeune femme avait fait scandale, fin janvier, auprès des bonnes consciences allemandes en jugeant que la police devrait, si nécessaire, «faire d’usage d’armes à feu» contre les réfugiés qui tentent de passer la frontière. Beaucoup ont essayé de discréditer l’AfD en tentant de faire croire qu’il s’agissait de la résurgence de différents petits mouvements néo-nazis et en faisant croire qu’il existait une alliance de fait entre ce nouveau grand parti allemand et le mouvement anti-islamiste Pegida. Mais les électeurs ne se sont pas laissés berner par cette propagande officielle.
Enfin ce qui est très intéressant, dans l’émergence de cette nouvelle force politique, c’est qu’elle traduit le problème identitaire de l’Allemagne. La croissance économique a beau rester forte outre-Rhin, le chômage a beau rester à son plus bas niveau et les comptes publics ont beau être redevenus excédentaires, ce qui préoccupe les citoyens, ce n’est pas tant de savoir s’ils auront un job mais si leur mode de vie ne va pas se trouver bouleversé par ce flot incontrôlé de migrants. De la même manière si l’AfD n’a pas encore de programme de gouvernement, ce parti a clairement fait connaître son opposition forte au projet d’accord de libre-échange avec les Etats-Unis. Quant à Frauke Petry elle ne craint pas d’avoir un discours très antiaméricain et très favorable à Vladimir Poutine. Ce qui la place encore une fois en opposition directe à Angela Merkel. Mais les électeurs viennent de lui donner raison. Et la Chancelière ferait bien d’en tirer quelques leçons.
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