RT France : A gauche, on trouve que le programme de François Hollande est «trop libéral» et la droite dénonce la manipulation des chiffres du chômage, quel est votre avis sur la question ?
Dany Lang : Du point de vue d’un économiste, il faut distinguer deux choses dans cette affaire. Une chose est le côté formation du chômeur qui va effectivement faire baisser les chiffres du chômage, en partie par un artifice statistique parce qu’un chômeur qui est en formation va se retrouver mécaniquement retiré des chiffres des chômeurs, en tout cas, des chômeurs de catégorie «A». En soi, l’idée de former les chômeurs est relativement consensuelle. Après, quand on voit le nombre d’emplois vacants par rapport au nombre d’emplois disponibles, ce n’est pas une mesure qui va faire baisser le chômage massivement, si ce n’est en faisant sortir des personnes de la catégorie «A». D’un autre côté, effectivement, on a ce volet très libéral et relativement surprenant sur la réduction du temps de travail. François Hollande est en train de revenir très clairement sur les 35 heures qui avaient déjà été grignotées de toutes parts.
On fait sauter la notion de durée légale du travail
En France, la plupart des salariés travaillent en moyenne 40-41 heures par semaine. Jusqu’à présent, ces heures supplémentaires étaient rémunérées à un taux supérieur, c’est-à-dire, plus 25%. Selon l’annonce, chaque entreprise va désormais pouvoir fixer ce taux à l’intérieur d’une certaine bande. En tout cas, ça ne sera plus 25% pour la plupart des salariés. Donc, cela veut dire clairement qu’on fait sauter la notion de durée légale du travail.
RT France : Est-ce que cela veut dire que c’est la fin des 35 heures ?
Dany Lang : Oui, c’est clairement la fin des 35 heures. Elles avaient déjà été remises en question auparavant sous Nicolas Sarkozy. François Hollande finit le travail qui avait été commencé sous le gouvernement précédent, là où Nicolas Sarkozy et ses ministres du Travail n’avaient pas osé aller.
RT France : Pensez-vous que ces mesures s’inscrivent bien dans le raisonnement d’un gouvernement socialiste ?
Dany Lang : Non, ce n’est même pas de la social-démocratie à l’ancienne sauce. Ce sont les recettes classiques, libérales. Je pense que c’est relativement nouveau pour la France. On n’a jamais eu un gouvernement qui est allé aussi loin dans les réformes néo-libérales jusqu’à présent. On voit le ministre de l’Economie aujourd’hui qui n’a jamais été salarié, qui n’a jamais été dirigeant d’entreprise, qui nous explique que la vie d’un dirigeant d’une entreprise est plus compliquée que celle des salariés. De la part d’un lobbyiste financier qui défend les intérêts des rentiers c’est quand même assez fort.
De plus, dans l’affaire Goodyear, les mesures qui ont été prises à l’encontre des syndicalistes me paraissent complétement disproportionnées alors qu’on ne prend pas les mêmes mesures vis-à-vis des patrons voyous. Il y avait clairement une volonté politique de s’en prendre à la puissance des syndicats pour faire baisser le coût du travail.
C’est clairement la fin des 35 heures
RT France : Pensez-vous que ce plan contre le chômage va fonctionner ?
Dany Lang : Je ne le vois pas comme un «plan contre le chômage». Je pense que ce plan ne va pas donner grand-chose en termes de baisse de chômage comme tous les plans d’Hollande précédents. On est dans une stratégie de l’offre depuis le quinquennat de François Hollande qui est la poursuite les stratégies de l’emploi qu’on a depuis une trentaine d’années et qui n’ont pas été suivis de succès. Je trouve le plan d’Hollande plus inquiétant qu’autre chose. Sur la formation, on peut discuter. Effectivement, on nous dit qu’on va mettre des moyens sur la formation. Donc il faudra voir très précisément comment les choses vont être faites et si la baisse du chômage qui va s’en suivre ne sera pas une baisse artificielle liée à une augmentation spectaculaire liée au nombre de gens en formation. Mais d’un autre côté, il est en train d’achever les 35 heures, la politique de ces trente dernières années, qui a permis de créer le plus grand nombre d’emplois en France, même si c’était largement insuffisant par rapport à l’amplitude du chômage. Donc, je suis relativement inquiet de ce qui est en train de se passer. Je ne vois pas le chômage baisser à la suite de cette politique. C’est une politique de l’offre, alors que le problème actuel n’est pas un problème d’offre, mais un problème de demande, c’est très clair, en tout cas en Europe.