Deux poids deux mesures : сe crédo devient la norme sous la présidence de Macron même quand on parle de la mémoire des gens qui ont péri dans les attentats islamiques. Les hommages le matin, la partie de foot le soir. Jacques Frantz s'interroge : où est le respect dû aux victimes ?
Ce 13 novembre aura lieu au stade de France une rencontre de football entre l’équipe dite de France et l’équipe d’Ukraine. Une rencontre chargée de symboles à plusieurs titres: L’Ukraine peut-elle risquer une défaite infligée par un pays qui se prétend son ami ?
Je dis « se prétend » car je ne suis pas convaincu qu’envoyer des armes comme le fait la France constitue un gage d’amitié. À cela s’ajoute – toujours dans le symbole – la question de savoir s’il est bienséant que des hommes en âge de se battre aillent jouer au ballon à Paris alors que le régime de Kiev va chercher de force des hommes pour les envoyer dans ce qu’il faut bien appeler une véritable boucherie. Sans vouloir me mêler de ce qui ne me regarde pas ou pousser au crime, il est raisonnable de se demander s’il est bien décent que des professionnels de la balle au pied « gavés de fric » fassent le show loin des combats.
Pour sa part, la France n’a guère de leçon de décence à donner. Il n’échappe en effet à personne que la partie de foot se déroulera pile à la date anniversaire des attentats islamiques du 13 novembre 2015. Alors que le régime Macron en fait des tonnes sur les hommages et le recueillement, il n’hésite pas à organiser une partie de foot non seulement, comme on l’a vu, à la date des attentats, mais encore sur les lieux mêmes où les premiers attentats ont eu lieu. Cela en dit long sur le respect dû aux victimes dont on nous rebat les oreilles en permanence. Cela en dit long aussi sur les prétendues « valeurs » que défend ce régime. Rappelons au passage que c’est pour ces « valeurs » que la France et ses alliés aident les Ukrainiens à se faire tuer.
Tout ceci n’est pas sans rappeler aux gens de ma génération un autre drame sanglant. C’était le 29 mai 1985 au stade du Heysel de Bruxelles. Ce jour-là devait se dérouler la finale de la Coupe d’Europe des clubs champions entre le club de Liverpool et la Juventus de Turin. Ce qui devait être, au seuil de l’été, une véritable fête pour tous les passionnés du ballon rond s’est transformé en cauchemar à cause de voyous anglo-saxons qui osaient se prétendre supporters. Le bilan a été de 29 morts et 465 blessés.
Le drame ayant eu lieu avant le match, nombreux ont été ceux qui ont reproché aux organisateurs de ne pas avoir annulé la partie. Or si avec le recul on peut considérer que jouer au ballon ce jour-là après ce qui s’était passé avait quelque chose d’indigne, reconnaissons aux organisateurs de l’époque la difficulté qu’il y avait à prendre une décision dans l’instant. Fallait-il ? Ne fallait-il pas ? Quelles auraient été les conséquences pour l’ordre public si le match avait été annulé ? On peut comprendre une décision prise sous le choc et sous la pression.
Ce 13 novembre 2025, on avait le temps de décider. Interrogée, la FIFA a vaguement laissé entendre qu’un report aurait entraîné des problèmes d’organisation prétendument insurmontables… De quoi nous parle-t-on ? Alors que le pays ne s’est toujours pas remis du choc des attentats du 13 novembre 2015, alors que se posent d’innombrables questions sur le « pourquoi » et le « comment », on a, en toute connaissance de cause organisé une partie de foot dans les conditions dont nous avons parlé plus haut ? Cela, je le répète, en dit long sur le respect de ceux qui laissent leur vie au front ou de ceux qui l’ont laissée en 2015. Alors qu’on ne vienne plus nous donner des leçons de respect et de décence, qu’on ne vienne plus jamais non plus nous parler de « valeurs » car lorsqu’on joue au foot sur des cadavres ou qu’on jette de l’huile sur le feu de la guerre, c’est Mammon qu’on honore.
La partie de foot dans un stade où le sang a coulé et le souffle (principalement anglo-saxon) sur les braises d’un conflit ne sont rien d’autre qu’un sacrifice au dieu dollar dont parlait si bien Jean Villard Gilles dans son célèbre et merveilleux poème. Ainsi, le premier symbole qui marque le France-Ukraine de ce soir est celui du sacrifice sanglant sur l’autel du fric.
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