L’écrivain Michel Collon explique pourquoi le Venezuela a vécu un coup d’Etat camouflé.
Après avoir analysé la défaite électorale du chavisme au Venezuela, il reste à répondre à cette question : que pouvons-nous faire, ici en Europe, pour une solidarité plus efficace avec les peuples luttant pour se libérer ?
Serons-nous toujours en retard ? A chaque guerre, le mouvement anti-guerre européen est depuis dix ans aux abonnés absents : pas d’info autonome, pas de critique des médiamensonges et donc même pas une manif. Pareil pour les coups d’Etat. Car c’est bien ce que vient de subir le Venezuela, un coup d’Etat camouflé. Je m’explique.
En quelques années, Chavez a fait des miracles dans la lutte contre la pauvreté, pour l’éducation, les soins de santé, la solidarité entre les pays d’Amérique latine. Mais, au lieu de laisser les Vénézuéliens débattre entre eux pour décider de leur sort, Washington a décidé de… décider à leur place. Et cela dès 2001, quand ils ont compris que ce président était honnête, qu’ils ne pourraient l’acheter et qu’il allait réaliser ses promesses.
Pour contrer cette révolution qui résistait bien, les Etats-Unis ont donc utilisé toute une panoplie de méthodes de déstabilisation que nous devons connecter et voir comme un ensemble : coup d’Etat militaire en 2002, tentatives répétées de coups d’Etat (surtout ces dernières années), sabotage économique en 2003 et surtout ces dernières années, centaines de millions de dollars pour corrompre politiciens, syndicalistes, professeurs, journalistes et autres faiseurs d’opinion afin de manipuler l’opinion locale et internationale (Toutes les preuves sur base des propres documents US dans Eva Golinger, Code Chavez – CIA contre Venezuela, Marco Pietteur, Liège, 2005), menaces militaires et utilisation des milices des narco-trafiquants colombiens, effondrement du cours du pétrole via les amis saoudiens (budget de l’Etat vénézuélien amputé de plus de moitié), campagne médiatique pour diaboliser Chavez et Maduro… Déstabilisation et sabotage n’ont en fait jamais cessé (Michel Collon, Les 7 Péchés d’Hugo Chavez, Investig’Action, Bruxelles, 2009).
On dira sans doute : «Les Vénézuéliens ont tranché». Eh bien, non. La bataille ne s’est pas jouée entre deux acteurs locaux, à savoir l’élite et les travailleurs (en ajoutant une classe moyenne paniquée par la télé privée et qui ne réfléchit pas). En réalité, cette bataille s’est déroulée entre trois forces, les Etats-Unis ayant travaillé quatorze années pour décourager et épuiser la population, ce sont eux qui viennent de remporter une manche.
Mais une quatrième force aurait dû intervenir : nous. Nous ici en Europe et aux Etats-Unis. N’est-ce pas notre rôle puisque nos gouvernants, en notre nom et avec l’argent de nos taxes, font la guerre contre Chavez, Evo Morales, Correa et les autres leaders indépendants ? Pouvons-nous rester complices de leur activité illégale et incessante pour maintenir le pillage par les multinationales et saper la libération des peuples ?
Essayons de bloquer les guerres, qu’elles soient déclarées ou non. Essayons d’empêcher les coups d’Etat, déclarés ou non. Informons
Imagine-t-on un double de tennis avec deux joueurs d’un côté, et un seul de l’autre ? Ici, c’est pareil, un tricheur a faussé la partie. Aux Vénézuéliens de tirer le bilan de leurs points forts et points faibles, en sachant que la partie n’est pas perdue, la lutte continue. Mais à nous ici en Occident d’essayer de neutraliser le tricheur US, ses milliards, sa CIA et ses maffieux. C’est possible en informant efficacement notre population tenue dans l’ignorance, afin qu’elle mette la pression sur nos responsables pour arrêter cette ingérence qui viole le droit international.
Depuis un an, notre équipe Investig’Action, basée à Bruxelles, a développé le «Journal Notre Amérique» qui donne chaque mois la parole aux progressistes d’Amérique du Sud écartés par les médias dominants. A présent, nous allons essayer d’informer chaque semaine sur cette bataille du Venezuela. On peut s’attendre à un bras de fer entre Maduro, qui reste président, et le Parlement opposant. En tout cas, nous prendrons nos responsabilités : l’opinion internationale doit être informée, bien et rapidement : Comment les méga-riches de Caracas appliqueront-ils leur véritable programme pour détruire les acquis ? Comment les chavistes organiseront-ils la résistance sur le terrain ? Les Etats-Unis tenteront-ils un coup de force pour briser ces résistances ?
Les médias d’ici ne vous le diront pas. Il y a quelques jours, j’étais à Belgrade, en Serbie. Vous savez, ce pays qui allait être «libéré» par les bombes de l’OTAN en 1999, puis par le coup d’Etat de 2000 et on nous promettait solennellement que l’invasion des multinationales occidentales allait apporter la prospérité à tous. Eh bien, sur le terrain, aujourd’hui, à part quelques méga-riches qui se remplissent les poches, la population se débat dans l’angoisse : comment survivre chaque jour avec des salaires et retraites de misère, une Sécurité sociale qui a été détruite et un chômage devenu énorme ? Cela, les médias ne le disent pas. Sur les pays que l’OTAN attaque, on parle un peu avant la guerre, beaucoup pendant la guerre, et après pas du tout. Alors qu’il serait très intéressant de savoir que le néolibéralisme a tout détruit et que les promesses ont été bafouées.
A nous de combler ce manque. A nous d’informer. Essayons de bloquer les guerres, qu’elles soient déclarées ou non. Essayons d’empêcher les coups d’Etat, déclarés ou non. Informons. Beaucoup plus et plus efficacement. Avec Internet, c’est devenu possible. Si on s’organise bien. Chacun de nous, et tous ensemble.
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