Faut-il sacrifier les libertés démocratiques pour combattre le terrorisme ? La Belgique et la France ont connu un chaud débat après l’arrestation manquée à Molenbeek de Salah Abdeslam, suspect des attentats de Paris. L'écrivain Michel Collon analyse.
C’est le ministre belge de la Justice, Koen Geens, qui a mis le feu aux poudres. En déclarant à la télé belge VTM que le suspect avait échappé de peu à la police entourant l’immeuble où il se serait réfugié et que les services policiers avaient été entravés par le fait que, légalement, les perquisitions ne peuvent avoir lieu en Belgique qu’entre 5 heures du matin et 22 heures du soir. Depuis tout un temps, Geens plaide pour supprimer cette protection de la vie privée et pour limiter les libertés démocratiques (alors qu’en réalité des exceptions sont déjà prévues pour des cas aussi graves).
Bien entendu, chacun s’est demandé pourquoi, si la police entourait l’immeuble, il n’avait pas été possible de tout contrôler autour de l’immeuble à partir de cinq heures du matin. Cela ne semblait pas très logique.
En fait, il y a une tendance des autorités belges et françaises à sacrifier les libertés démocratiques sous prétexte de combattre le terrorisme. Mais est-ce en développant un climat de peur et d’intimidation envers l’ensemble de la société qu’on empêchera certains jeunes de sombrer dans le terrorisme ?
Bien sûr, il faut tout faire pour arrêter les terroristes qui existent. Mais ne faut-il pas surtout empêcher que tant de jeunes le deviennent, encore à présent ? Et là, les autorités belges ou françaises sont coupables en ayant bloqué tous les débats sensibles :
- Pourquoi a-t-on empêché à la télévision de discuter la complicité de nos gouvernements avec le colonialisme d’Israël et le massacre des Palestiniens ?
- Pourquoi a-t-on pareillement bloqué les débats sur la catastrophique politique de Washington au Moyen-Orient ?
- Pourquoi a-t-on détruit les politiques sociales d’aide à la jeunesse en difficulté ?
- Pourquoi a-t-on sacrifié les budgets de nombreuses organisations comme Foyer à Molenbeek qui avertissait pourtant du danger ?
N’a-t-on pas ainsi créé chez ces jeunes le sentiment que la société les rejetait et n’avait rien à leur proposer ? Johan Leman, le directeur de Foyer (qui ne reçoit plus aucune subvention venant de Flandre) avait mis en garde dès… 1987 : si on ne faisait rien, «la génération suivante va finir par se révolter». Mais à quelques rares exceptions près, les politiques n’ont rien fait, laissant cette commune s’enfoncer dans la pauvreté, la stigmatisation et le désespoir.
Certains milieux voient la solution dans le «tout répressif» : contrôles systématiques (bien entendu au faciès, c’est-à-dire discriminant les Arabes et les Noirs), espionnage généralisé des citoyens, restrictions de la liberté d’expression. Il y a quelques années, la Belgique adopta une loi contre le terrorisme. Immédiatement, un juge d’instruction obsédé en profita pour placer sous écoutes quatre jeunes altermondialistes de Liège en train de préparer une manifestation contre l’Union européenne. Finalement, après une longue procédure, l’Etat belge fut condamné pour cet abus.
Pour combattre le terrorisme, nos sociétés n’ont pas besoin de moins de libertés, mais de plus de libertés. Plus d’éducation, plus de débats de fond, plus d’aides aux jeunes en difficulté.
Qu’est-ce qui vaut mieux : traquer un jeune terroriste ou l’empêcher de le devenir ?
Les opinions, assertions et points de vue exprimés dans cette section sont le fait de leur auteur et ne peuvent en aucun cas être imputés à RT.