Par Karine Bechet-Golovko Tous les articles de cet auteur
Karine Bechet-Golovko, docteur en droit public, professeur invité à la faculté de droit de l'Université d'Etat de Moscou (Lomonossov), animatrice du site d'analyse politique Russie Politics.

Ukraine : il est temps pour la Russie de sortir de ce processus de négociation

Ukraine : il est temps pour la Russie de sortir de ce processus de négociation
Image d'illustration générée par l'intelligence artificielle
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Trump entend conclure dans les jours à venir une «paix», qu’il désigne comme étant «entre Kiev et Moscou», puisqu’il estime que Washington, ses satellites et l’OTAN sont ici neutres. Pour Karine Bechet-Golovko, après l’échec attendu de la trêve pascale, la Russie doit sortir de ce jeu macabre : le temps de la négociation n’est pas encore arrivé.

Cette année, comme l’année dernière, la Russie a proposé une trêve dans les combats pour les fêtes de Pâques. L’année dernière, les Atlantistes l’ont simplement repoussée par la voix de Zelensky, cette année il a fallu faire semblant d’accepter. Leur intérêt était multiple.

Tout d’abord, sur le plan militaire, ils ont pu obtenir l’arrêt de l’armée russe – au moins pour 30 heures. Des tentatives ont été faites par l’armée atlantiste pour attaquer la région de Belgorod, des tirs réguliers ont été perpétrés contre les régions frontalières, ainsi que sur Donetsk, Lougansk et Gorlovka. Bref, rien de nouveau depuis les Accords de Minsk : tout cessez-le-feu est utilisé par les Atlantistes contre la Russie.

Ensuite, sur le plan médiatique, ce fut l’occasion d’une campagne de dénigrement de la Russie. Sur toutes les chaînes du Monde global, notamment françaises, Zelensky était cité en boucle pour accuser la Russie de violer sa propre trêve et des « correspondants » sur place faisaient semblant d’avoir peur d’un tir. Pendant ce temps-là, les HIMARS, les drones, l’artillerie étaient utilisés contre la Russie.

Enfin, sur le plan politique, la trêve, même ouvertement violée par les Atlantistes, est désormais utilisée pour faire pression sur la Russie et la conduire à continuer à faire des concessions, afin d’arriver à un cessez-le-feu sans conditions et définitif. Autrement dit, pour lui faire déposer les armes, pour déposer elle-même son armée, puisque les Atlantistes n’ont pas la force de le faire.

Et nous voyons depuis, Trump annoncer qu’il espère qu’un accord sera conclu la semaine prochaine « entre l’Ukraine et la Russie », comme si lui, la première partie au conflit, était un arbitre. Il annonce d’ailleurs de manière assez vulgaire, qu’ensuite l’Ukraine et la Russie pourraient faire du fric avec les États-Unis.

Combien coûtent la Russie et le Monde russe ? Pour Trump et les globalistes, pas chers – surtout s’ils sont ainsi mis en vente.

Pendant la trêve, toutes les bonnes âmes du Monde global félicitaient la Russie pour ce geste (unilatéral, comme à l’habitude) de bonne volonté. Et pour cause. Si leur intérêt est évident, quel est l’intérêt de la Russie ? Les arguments avancés furent de trois ordres.

Humanitaire, tout d’abord : sauvons des vies. C’est par ailleurs l’argument préféré de Trump, qui ne voit de manière assez curieuse d’intérêt à « sauver des vies » que sur le front ukrainien, car en ce qui concerne ses guerres contre les Palestiniens et les Houthis, cela ne lui cause aucun cas de conscience. Cette vision très sélective de l’importance soudaine des vies humaines soulève beaucoup de questions quant à sa sincérité.

Par ailleurs, si l’argument est important, car oui les vies humaines sont importantes et chacune d’entre elles a un prix, il serait bon de ne pas recommencer à considérer la vie de manière strictement biologique, comme la tendance est un peu trop marquée depuis la période covidienne.

Chaque vie est importante, car elle a un sens, car elle est un don de Dieu et qu’elle doit servir les hommes et la Patrie. Ainsi, la manière dont cette vie est vécue est non moins importante, que sa durée. Sinon, à quoi servait-il pour la Russie d’entrer dans le conflit en 2022 ? Il lui aurait suffit alors de renoncer à elle-même, ce qui était attendu d’elle, de ne pas répondre et de livrer les clés du pays. La Russie serait passée sous contrôle atlantiste et le Monde global aurait été sauvé.

Mais vaut-il la peine de vivre une telle vie ? La question ne concerne pas que les Russes, mais aussi nous, les Français. Car si la Russie n’était pas entrée dans le combat ou si la Russie transige, voire capitule, nous entrons dans une période de globalisation fanatique, de soumission totale, de servitude. Voulons-nous d’une telle vie ?

L’autre argument avancé fut religieux. Pâques est sacrée, chacun doit avoir le temps et la possibilité de se recueillir. Cette approche est saine, mais malheureusement décalée de la réalité. Le Monde global se moque de la religion, qu’il déteste presque autant que l’État. Pour lui, ces deux vasques de pouvoir doivent être renversées et détruites, pour être remplacées par de pâles imitations contrôlables. Le symbole ne peut être accepté par le Monde global, il tente de le réduire quasiment physiquement.

Enfin, la Russie voulait montrer aux États-Unis qu’elle voulait la paix. Depuis quand des adversaires dans une guerre veulent-ils montrer leur volonté de paix à l’autre ? En général, pour remporter la guerre, il vaut mieux montrer à l’autre sa volonté de victoire, sinon il prend cela pour de la faiblesse. Ce qui est le cas ici, avec l’enchaînement des déclarations des globalistes exigeant désormais de la Russie qu’elle fasse le pas suivant, le dernier, l’ultime – devant la conduire dans le gouffre de la faute décisive et consistant en un cessez-le-feu définitif. Fin de la partie.

Trump avance ses pions pour faire passer le territoire ukrainien sous contrôle « neutre », c’est-à-dire américain, comme la logique du Monde global et de la Pax Americana l’exigent. Même la centrale de Zaporojié, sous contrôle russe, est dans le viseur. Il estime que cela conduira à la paix.

D’une certaine manière oui, cela conduirait à une certaine « paix », à la paix américaine, atlantiste, globaliste. Et Trump aurait alors rempli la mission que Biden et ses prédécesseurs ont échoué à remplir : recoller les morceaux du Monde global. Et peu importe les éléments techniques devant séduire la Russie, comme la non-entrée de l’Ukraine dans l’OTAN (voir la Finlande d’une part en contre-exemple, et les accords bilatéraux d’assistance militaire déjà conclus, d’autre part), ou la levée même partielle des sanctions (qui ont été reportées par Trump – certainement en geste de bonne volonté), sans parler de la possible reconnaissance de la Crimée (et l’oubli des autres territoires).

Mais cette paix, et Trump n’en a pas d’autre à offrir à la Russie, est une paix de capitulation pour la Russie, qui n’a rien à y gagner, puisqu’elle ne permet pas de régler la source du conflit. Ce qui est logique : pourquoi un adversaire devrait-il faire de lui-même des concessions telles, qu’elles permettraient de garantir les intérêts de celui qu’il combat ? Si cette paix est dans l’intérêt évident de Trump et des globalistes, elle n’est pas dans l’intérêt de la Russie, ni des forces qui la soutiennent et qui espèrent en elle de par le monde.

D’où cette simple conclusion : il est temps pour la Russie de sortir de ce processus de négociation, avant qu’elle n’ait été conduite à passer du compromis à la compromission. La Russie n’a jamais négocié la Crimée, elle n’a pas négocié ce qu’elle considère comme étant son territoire, sa victoire. Elle n’a rien à négocier ici. Ce n’est pas encore le moment et ce n’est surtout pas le bon format.

 

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