Ce n'est pas la COP21 qui résoudra la crise écologique mais la transformation du système économique mondial, estime le professeur associé à l'Université Paris 8, Jacques Nikonoff.
Les conférences internationales sur l’environnement se succèdent sans aucun résultat tangible puisque la dégradation de l’environnement s’est poursuivie et même accélérée après Stockholm en 1972, Rio en 1992 et en 2012, Copenhague en 2009. Il ne peut rien sortir de telles grand-messes pour des raisons qui devraient être évidentes à tous. Résoudre la crise écologique et climatique, en effet, implique de rompre avec l’ordre néolibéral mondial. C’est le système économique lui-même qui doit être profondément transformé. Il faut mettre fin au court-termisme des marchés financiers, à l’arrogance et à l’incompétence des banquiers, à la surconsommation effrénée d’une partie de la population et à la sous-consommation tragique de l’autre, au productivisme, au libre-échange, aux délocalisations... Aucun accord international n’est possible actuellement sur de telles bases.
Le site officiel de la COP21 affiche pourtant comme slogan «pour un accord universel sur le climat». Une grande majorité des organisations et associations qui agissent sur les questions du climat ont été intégrées à cette logique et ne menacent en aucun cas le système. Elles croient, dans la mesure où le problème dépasse les frontières, que la solution sera trouvée au niveau international. C'est ignorer qu’il n'existe pas de gouvernement mondial pour faire appliquer d’éventuelles décisions contraignantes (heureusement !), et que la scène internationale n'est que l'affrontement d'intérêts nationaux où les plus forts imposent souvent leur vision. Une conférence internationale (et non universelle), ne peut aboutir, dans le meilleur des cas, qu’à des compromis entre volontés nationales.
C’est pourquoi la seule indignation citoyenne, dépolitisée, est d’une naïveté et d’une inefficacité confondantes. Véhiculée par de nombreuses associations, elle est totalement vaine et constitue même une diversion. C’est une réponse politique qui est nécessaire, et à l’échelle de chaque Nation.
C’est la souveraineté des États qui doit être respectée, c’est à eux de décider sous le contrôle de leurs citoyens.
Le sujet principal de la Conférence de Paris sera de décider si les engagements des États seront ou non juridiquement contraignants. La réponse est déjà connue : ce sera non. Et à juste titre, car c’est la souveraineté des États qui doit être respectée, c’est à eux de décider sous le contrôle de leurs citoyens. Sinon qui va imposer les décisions prises aux États les plus forts ? Ceux qui cultivent cette illusion n’ont qu’à se demander s’il existe un moyen de contraindre les États-Unis à respecter un accord international ! L’illusion de la possibilité d’un accord international permet même à certains États de se dissimuler derrière ce paravent pour ne rien faire.
L’exemple de la mobilisation de dizaines de milliers de Français pour obtenir le premier moratoire au monde sur l'exploitation des gaz de schiste est éclairant à cet égard. Il montre que c’est ainsi que doivent se résoudre les problèmes : dans chaque pays pour que ces expériences réussies incitent les autres à les reproduire. Cela n’empêche pas les rencontres internationales, mais celles-ci seraient alors beaucoup plus efficaces car elles feraient le bilan des expériences de chaque pays et tenteraient de coordonner leur généralisation.
Pour être efficace, la lutte contre le réchauffement doit passer par un changement structurel du système économique, l’abandon du modèle néolibéral, et s'inscrire dans la perspective de la démondialisation. Des mesures protectionnistes aux frontières nationales devront être incluses pour notamment relocaliser l’industrie. Les échanges sur de grandes distances doivent être limités, la sobriété énergétique promue. Les populations doivent assumer pleinement les conditions d'exploitation des ressources naturelles et de production des biens manufacturés qu'elles consomment. Elles doivent avoir leur mot à dire sur le modèle énergétique, ses conséquences sur le climat mais également les dégâts sur les zones d'extraction et sur les voies de transport terrestre et maritime. Il n'est pas possible de refuser les gaz de schiste en France tout en achetant du gaz extrait de schistes étatsuniens. Ni de lutter contre le passage des pétroliers au large de la Bretagne tout en consommant du pétrole extrait de la plateforme Deepwater Horizon dans le golfe du Mexique, le puits offshore le plus profond du monde exploité par la compagnie pétrolière britannique BP et qui a provoqué la plus grave marée noire jamais connue.
Lutter efficacement contre le réchauffement climatique passe par la mobilisation et la décision politiques dans chaque État, pour démondialiser. Une des premières étapes est de sortir de l'Union européenne pour relocaliser la production d'énergie et de marchandises, non seulement pour créer des emplois mais également pour assumer toutes les externalités de nos choix de consommation.
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