Bien que l’écologie n’ait jamais été une priorité dans leurs relations bilatérales, Moscou et New Delhi se concentrent aujourd’hui sur le développement d’innovations pour les marchés émergents.
L’Inde a été l’un des premiers défenseurs inébranlables de la coopération internationale en matière de développement durable. Fait bien connu, en 1972, Indira Gandhi, Premier ministre indien de l’époque, a été le seul chef d’État à assister à la Conférence des Nations unies sur l’environnement à Stockholm, sans compter le dirigeant du pays hôte, le Premier ministre suédois Olof Palme. Dans un discours émouvant, Gandhi a alors déclaré que le progrès ne devait pas nécessairement être synonyme d’atteinte à l’environnement naturel.
Dans leur philosophie du monde, les Indiens ont toujours cherché l’harmonie avec la nature. L’alimentation imprévisible en eau liée à la mousson leur a appris depuis des temps immémoriaux à être attentifs, à partager les réserves disponibles et à utiliser chaque précieuse goutte d’eau.
L’Inde est l’un des pays les plus touchés par les effets néfastes des changements climatiques, près de 85% de son territoire étant soumis à certains risques liés au climat. La gravité des crises environnementales, à la fois mondiales et nationales, est si évidente pour les Indiens que, selon un récent sondage, l’Inde enregistrait la proportion la plus élevée (64%) de répondants prêts à payer plus d’impôts pour aider à prévenir le changement climatique sur les 29 pays interrogés.
Ces dernières années, l’Inde a lancé de nombreuses initiatives importantes et couronnées de succès pour lutter contre les effets négatifs sur la nature. L’économie verte est la priorité personnelle du Premier ministre Narendra Modi. Cependant, la plupart des experts conviennent que, malheureusement, en raison des défis sociaux et économiques en Inde, la situation environnementale du pays risque de s’aggraver avant de s’améliorer. Compte tenu de ces problèmes, la coopération avec des pays faisant face à des problèmes semblables et partageant une vision similaire du développement devient essentielle.
Les sanctions contre la Russie sapent les intérêts indiens
En essayant d’imposer des restrictions aux entreprises russes présentes en Inde, les partenaires occidentaux de New Delhi sapent les intérêts des Indiens. C’est particulièrement remarquable au regard de la coopération croissante entre l’Inde et la Russie sur les questions liées au développement durable, aux critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) et à la lutte contre le changement climatique.
La coopération russo-indienne ne s’est jamais limitée à la défense et à la fourniture d’armes. Elle inclut des échanges culturels intenses et des projets industriels à grande échelle, sans oublier des liens solides dans les domaines de la science et de l’enseignement. Dans le domaine militaire et technique, la Russie est depuis le début un partenaire fiable de l’Inde dans le cadre du programme Make in India (Fabriquer en Inde). Aujourd’hui, cette coopération dépasse le cadre des approvisionnements essentiels en pétrole, en charbon et en engrais : la centrale nucléaire de Kudankulam génère une croissance économique et sociale de qualité au Tamil Nadu et au-delà.
En ce qui concerne la Russie, le gaz prévaut dans le bouquet énergétique du pays, riche en forêts absorbant le CO2. Mais cela ne laisse aucune place à la complaisance. L’idée de ressources naturelles illimitées, doublée de la conception propre à l’ère soviétique de richesses détenues par l'État et partagées à grande échelle, ont eu un impact négatif pendant des décennies.
En Russie, la population apprend maintenant à être plus consciente et responsable
En Russie, la population apprend maintenant à être plus consciente et responsable. Un grand nettoyage est entrepris dans l’ensemble du pays, en particulier dans les zones industrielles et les régions arctiques. La Russie est un pays principalement urbain. L’écologie est l’un des programmes nationaux prioritaires du gouvernement. La planification et la gestion dans les grandes et petites villes s’améliorent. Les particuliers et les entreprises sont de plus en plus économes en énergie et en ressources. Par exemple, ces derniers temps, la consommation d’eau par unité produite dans l’industrie a considérablement diminué. Cependant, il reste encore beaucoup à faire.
Il est important de noter que la Russie et l’Inde partagent une approche commune des efforts internationaux de lutte contre le changement climatique. Les deux pays soulignent la responsabilité historique des pays développés dans la dégradation de l’environnement et le changement climatique à l’échelle mondiale. Ils estiment que le monde en développement en souffre de manière disproportionnée.
Nous en venons à la question de la technologie. Les technologies non polluantes sont un terrain d’essai pour la sincérité des pays développés désireux de soutenir des pays tels que l’Inde qui pourraient aider le monde à éviter une catastrophe climatique dans les années à venir si leurs économies s’engageaient sur la voie verte.
Pourtant, qu’entend-on dire ? Le G7 s’inquiète et discute des menaces (pour ses entreprises) provenant des technologies bon marché chinoises. D’autre part, les médias occidentaux sont récemment allés jusqu’à suggérer que les technologies et les investissements pourraient être utilisés comme outils de sanctions pour contraindre l’Inde à se montrer plus obéissante s’agissant de la politique étrangère et intérieure de New Delhi. L’approche consistant à protéger et tirer profit règne toujours et il semble que les technologies vertes coûteuses resteront inaccessibles aux pays qui en ont le plus besoin.
Les entreprises russes contribuent à résoudre en Inde les problèmes environnementaux
En Inde, un nombre croissant d’entreprises russes introduisent des technologies et des développements scientifiques de pointe pour résoudre les problèmes environnementaux. Elles travaillent dans des domaines tels que les villes intelligentes, la surveillance et la purification de la pollution atmosphérique, la gestion des déchets, l’efficacité énergétique et le traitement de l’eau, pour n’en nommer que quelques-uns. Ce développement ascendant s’accompagne d’efforts concertés partant du sommet qui pourraient soutenir ces entreprises et institutionnaliser la coopération entre les deux pays dans ces domaines en développement.
L’un des domaines qui se développe rapidement est la gouvernance urbaine. L’Association des villes et municipalités des BRICS+, récemment créée à l’issue d’une réunion à Kazan, est l’un des pas dans cette direction. En juin de cette année, la ville indienne de Shimla, située dans les contreforts himalayens, a accueilli une discussion entre des experts russes et indiens sur les thèmes les plus importants de l’agenda ESG, tels que la planification urbaine et la gestion des ressources en eau. Cet événement a été appuyé par l’Institut VEB, qui fait partie de VEB.RF, société nationale de développement économique, et par le Dialogue de Saint-Pétersbourg, plate-forme de discussion pour les experts et les représentants de la société civile.
Comme dans de nombreux autres domaines de la coopération russo-indienne, dans celui du développement durable, des facteurs complémentaires sont activement recherchés, car aujourd’hui les projets verts doivent être non seulement rentables, mais aussi économiquement viables. Les deux pays apprennent l’un de l’autre à les faire fonctionner. La Russie et l’Inde pouvant faire beaucoup ensemble dans ce domaine, le développement durable a toutes les chances d’occuper désormais une place plus importante dans leur agenda, ce qui sera probablement souligné lors du prochain sommet bilatéral entre les dirigeants russes et indiens à Moscou dans le courant du mois.