Tactiques malhonnêtes : comment les États-Unis tentent de briser le soft power de la Chine en Afrique

Tactiques malhonnêtes : comment les États-Unis tentent de briser le soft power de la Chine en Afrique© Issouf SANOGO Source: AFP
Un groupe de danseurs brandit des drapeaux chinois lors de la cérémonie d'inauguration du nouveau stade olympique de Côte d'Ivoire, construit avec l'aide de la Chine, à Ebimpe, près d'Abidjan, le 3 octobre 2020, en prévision de la Coupe d'Afrique des Nations 2023 (photo d'illustration).
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Les Américains font la promotion de leur agenda en Afrique en utilisant exactement les mêmes méthodes que celles qu’ils reprochent à la Chine.

En avril, le Centre d’études stratégiques de l’Afrique (CESA) a publié l’article «La stratégie de la Chine pour façonner l’espace médiatique africain» rédigé par Paul Nantulya, chercheur associé au centre. Dans l’article, l’auteur tente d’exposer la stratégie médiatique de la Chine en Afrique. La critique de la Chine sur le site du CESA n’est pas surprenante puisque le centre a été fondé au sein du département américain de la Défense et promeut le point de vue et l’agenda des structures officielles américaines. En d’autres termes, par le biais d’organisations telles que le CESA, les États-Unis se livrent aux mêmes activités que celles qu’ils reprochent à la Chine.

L’article stipule que ces dernières années, les investissements de la Chine dans l’espace médiatique africain ont fortement augmenté et que le pays a l’intention d’établir une présence institutionnelle à long terme sur le marché africain des médias et des communications. En témoignent les 37 bureaux de l’agence de presse nationale Xinhua en Afrique, le fournisseur chinois de service de télévision par satellite StarTimes qui est devenu le deuxième acteur stratégiquement important sur le marché africain, le financement et le soutien que la Chine fournit aux médias africains et les agences de presse chinoises qui font la louange de l’élite politique au pouvoir dans les pays africains et qui entretiennent des relations amicales avec la Chine.

D’après l’auteur de l’article, le Parti communiste chinois (le PCC) joue un rôle considérable dans le soutien et le financement des initiatives chinoises, ce qui lui permet de diffuser sa «propagande» et d’influencer l’esprit des jeunes.

Outre la composante financière et l’expansion de la présence «physique» des médias, un autre aspect clé de la stratégie médiatique de la Chine en Afrique est la formation du personnel : la Chine s’implique activement dans la formation des étudiants et des professionnels des médias à travers des programmes de formation continue, des échanges académiques et des stages. Paul Nantulya signale que «l’intégration des médias du PCC dans les écosystèmes médiatiques africains risque de fausser les espaces d’information de l’Afrique.»

Les Américains à l’assaut de l’espace médiatique africain

Un tel article s’inscrit parfaitement dans la politique étrangère mondiale des États-Unis et dans leur «lutte contre la désinformation». Il n’est guère étonnant que le CESA considère la Chine et la Russie comme les sources principales de «désinformation». Le centre publie régulièrement des articles et organise des événements consacrés à la lutte contre la désinformation en Afrique : le CESA a publié sept documents du même type en 2023 et cinq autres sont parus depuis le début de 2024. Il s’agit des articles intitulés : «Cartographie de la vague de désinformation en Afrique» (sur les campagnes de « désinformation » de la Chine et de la Russie en Afrique), «Traquer l’ingérence russe pour saper la démocratie en Afrique», «L’influence de la Chine sur les médias africains», «Intervenir pour saper la démocratie en Afrique : La stratégie d’influence de la Russie», etc.

Ces articles comprennent des déclarations d’ordre général sur les valeurs démocratiques de même que des statistiques accessibles au public et bien qu’elles puissent sembler insignifiantes, elles font partie d’une approche systématique. Depuis 2022, la lutte contre la désinformation était l’un des objectifs de «la stratégie américaine pour l’Afrique» de l’administration Biden : «Nous développerons les programmes de démocratie numérique, nous nous défendrons contre l’autoritarisme numérique, nous lutterons contre la désinformation, combattrons le harcèlement et les abus en ligne fondés sur le sexe, nous établirons des normes pour un comportement responsable dans le cyberespace.» Le Département d’État américain reçoit des fonds pour lutter contre les «actions malveillantes» de la Chine en Afrique, y compris la désinformation et la structure étatique pilotée par les États-Unis (à savoir le Centre d’études stratégiques de l’Afrique) est activement engagée dans la promotion de l’agenda américain.

Les médias contrôlés par l’Occident, tels que la BBC, CNN, CNBC, France 24, Euronews (Africanews), Africa Report/Jeune Afrique entre autres, dominent toujours dans l’espace médiatique africain. Ils exercent une influence considérable sur l’agenda et les tendances régionales, ont accès aux informations confidentielles et recourent aux mêmes méthodes que la Chine : formation du personnel, création de médias orientés vers l’Afrique, ouverture de bureaux supplémentaires, investissement dans l’infrastructure des technologies de l’information et de la communication. La seule différence, c’est le fait que les médias occidentaux le pratiquent déjà depuis plus d’un siècle. En fait, l’approche américaine correspond à l’adage bien connu : c’est la poule qui chante qui a fait l’œuf.

Des médias africains en pleine affirmation

Cependant, le rôle des médias africains s’est renforcé de manière considérable ces dernières années. L’espace médiatique africain devient plus souverain et de grands médias influents sont apparus qui ne dépendent pas d’un agenda imposé de l’extérieur. Il s’agit notamment de journaux tels que The East African au Kenya, The Herald au Zimbabwe, The Punch au Nigeria et d’autres. Les centres de pouvoir non occidentaux tels que la Chine, la Turquie, les Émirats arabes unis, la Russie et l’Inde, jouent un rôle important dans cette évolution. Les médias de ces pays couvrent les événements en Afrique et partagent leur expérience professionnelle avec leurs collègues africains. Par conséquent, l’Occident a de plus en plus du mal de rivaliser avec d’autres sources d’information et d’influencer l’agenda prévu. L’article de Paul Nantulya est similaire aux tentatives américaines de contrôler TikTok ou à l’interdiction d’Al Jazeera par Israël, car de nos jours, les médias et les différents canaux de communication sont devenus une arène de confrontation mondiale.

L’un des buts principaux de la politique américaine en Afrique est de s’opposer à l’influence de la Chine et de la Russie. Pourtant, la présence de la Russie en Afrique ne devrait pas être considérée comme un signe de confrontation croissante avec les États-Unis et l’Occident. La politique de la Russie en Afrique se suffit à elle-même quelle que soit la position de Washington ou de Paris, et devrait être principalement axée sur les besoins du public africain. Les médias russes sont censés répondre à la pression américaine en augmentant leur audience, en améliorant la qualité des informations publiées et diffusées, en attirant des auteurs et des experts africains réputés et en développant la diffusion d’émissions de télévision et de radio en Afrique.

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