Chercheur, responsable du programme Afrique subsaharienne à l’IFRI, Alain Antil analyse pour RT France le peu d’informations qui nous parvient à propos de la prise d’otages dans l’hôtel à Bamako.
RT France : Est-ce que la prise d’otages à Bamako d’aujourd’hui est liée aux attentats de Paris ?
Alain Antil : Pour l’instant nous avons un certain nombre d’informations qui commencent à se vérifier sur cette attaque. La première information, c’est que les assaillants sont très certainement des terroristes islamistes parce qu’ils ont demandé à un certain nombre de personnes présentes dans l’hôtel de réciter le Coran, ils ont trié les musulmans des non-musulmans. C’est à peu près sûr. D’autres informations qui nous parviennent indiquent que les assaillants parlent anglais, certains ont dit qu’ils avaient un accent nigérian – ce qui n’était pas majoritaire dans les témoignages. Mais le fait qu’ils parlent anglais indique qu’ils viennent d’Afrique de l’Ouest, de pays anglophones. En ce qui concerne la coordination avec ce qui s’est passé à Paris le 13 novembre – c’est peu probable. On est sur un théâtre d’opération très différent. L’endroit qui a été attaqué, même si quelques Français étaient présents parmi les gens pris en otages, il y a aussi beaucoup d’étrangers africains ou non-africains, des Chinois, des Indiens, des gens de l’ONU.
RT France : Pourquoi est-ce que c’est l’hôtel Radisson qui a été attaqué ? Est-ce un symbole particulier à Bamako ?
Alain Antil : Je crois que les assaillants ciblent particulièrement des endroits où ils peuvent trouver des étrangers, en particulier des Occidentaux, des Européens. Cela peut être dans les hôtels ou les restaurants qui sont fréquentés par cette clientèle expatriée. Il faut se rappeler qu’en mars 2015 il y a eu un attentat à Bamako où plusieurs hommes armés ont fait irruption dans un restaurant qui était fréquenté notoirement par les Européens et les expatriés. Cet attentat a fait plusieurs morts. Ce n’est pas une cible très étonnante.
RT France : Le journaliste Antoine Glaser estime que c’est l’accord signé à Alger «pour la paix et la réconciliation au Mali» entre la France et des groupes touaregs pourrait être l'une des causes de l'attaque perpétrée à Bamako. Etes-vous d’accord ?
Alain Antil : C’est une interprétation possible parmi beaucoup d’autres. Effectivement on peut penser que les attentats ont été perpétrés par rapport à un agenda politique mais ce n’est pas non plus certain. Les attaques qui ont eu lieu au début de l’année à Bamako n’étaient pas liées à l’agenda politique. Il se trouve qu’il y a des groupes qui essayent de monter des attaques qui réussissent ou qui échouent. Je ne suis pas du tout sûr qu’il y a un lien particulier avec les accords de paix.
RT France : Ce même journaliste estime que les attaquants viennent de la Libye, est-ce possible ?
Alain Antil : Je n’ai pas vu la description des faciès des personnes – si elles venaient d’Afrique subsaharienne, ou si les gens avaient plutôt un type arabe. Peut-être Antoine Glaser a plus d’informations. Pour l’instant nous avons trop peu d’informations. Nous n’avons pas non plus de témoignages des gens libérés, on verra ça dans quelques minutes ou quelques heures.
RT France : Est-ce que la stratégie française va évoluer dans la région suite à l’attaque d’aujourd’hui ?
Alain Antil : Non, je ne pense pas. Nous sommes plutôt sur une phase post-opération Serval de la guerre en 2013. La présence française s’est considérablement allégée, les Français ont mis en place un dispositif régional qui s’appelle Barkhane. Il y a beaucoup de soldats étrangers liés à l’opération de l’ONU, nous avons appris que l’Allemagne a envoyé plusieurs centaines de soldats dans la région de Gao, certains pays européens vont prendre le relais. La France souhaite non pas se désengager du Mali, pas du tout, mais en tout cas alléger son dispositif au Mali et en République centrafricaine pour peut-être se concentrer plus sur la Syrie. Je ne pense pas que cet attentat va complètement changer les plans français. Je ne pense pas que les assaillants interviennent pour essayer de motiver les soldats français à rester sur le territoire malien.
Un des problèmes qui se pose est que la France veut frapper plus durement la Syrie suite aux attentats de Paris et l’armée française est déjà sur plusieurs théâtres d’opération et cela devient difficile de maintenir une présence dans beaucoup de pays, notamment la RCA et le Sahel coûtent beaucoup en terme de présence humaine. Il est très possible qu’au Mali la France continuera à alléger son dispositif.
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