À l’occasion de la diffusion du documentaire «Hikikomori : vivre coupé du monde», Katia Pecnik reçoit Serge Tisseron, psychiatre, docteur en psychologie, et auteur de «3-6-9-12 Apprivoiser les écrans et grandir» (Érès, 2013).
Serge Tisseron nous explique le phénomène Hikikomori, terme qui désigne «ces adolescents de plus de 12 ans qui s’enferment dans leur chambre des mois voire des années». Il précise toutefois que cela ne signifie pas que l’adolescent reste en permanence dans sa chambre ; il peut sortir de temps en temps. «Ce qui définit le hikikomori, c’est le désengagement social et le désengagement scolaire» nous dit le psychiatre. Ce désengagement est dû à «beaucoup d’agressivité contre les parents ou contre le système scolaire, et finalement, contre soi-même».
Le phénomène, selon Serge Tisseron, est propre au Japon parce que «la pression scolaire y est extrêmement forte : les parents s’endettent pour payer les études de leurs enfants et les enfants se doivent de réussir pour entrer dans une entreprise dans laquelle ils passeront le reste de leur vie». Mais, ajoute le psychiatre, le phénomène a pris une véritable ampleur lors de la grande crise économique que connaît le pays : «les japonais se sont rendus compte qu’ils ne resteraient pas nécessairement dans la même entreprise toute leur vie. La récompense n’était plus à la hauteur des efforts fournis et les hikikomoris ont trouvé refuge dans un espace à eux, leur chambre». L’apparition de cette pathologie au Japon est également due, selon le psychiatre, à la «culture japonaise de la honte». En premier lieu la honte de l’enfant qui s’est absenté de l’école, et donc qui n’y retournera pas. Mais aussi la honte des parents d’avoir un enfant qui va mal. En somme, selon Serge Tisseron, le Hikikomori, «c’est une super méga crise d’adolescence majorée par la crise économique, culturelle et sociale».